Expropriation de biens algériens : ce que disent le projet de décret et le droit international (experts)

Le projet d’expropriation qui concerne, entre autres, des biens algériens a fait réagir le pays voisin qui rétorque par des menaces. Pourtant, cette expropriation ne concerne pas l’ambassade algérienne à Rabat et n’est pas contraire au droit international. Voici les lectures d’experts.

Expropriation de biens algériens : ce que disent le projet de décret et le droit international (experts)

Le 18 mars 2024 à 13h57

Modifié 18 mars 2024 à 20h41

Le projet d’expropriation qui concerne, entre autres, des biens algériens a fait réagir le pays voisin qui rétorque par des menaces. Pourtant, cette expropriation ne concerne pas l’ambassade algérienne à Rabat et n’est pas contraire au droit international. Voici les lectures d’experts.

Pour étendre ses locaux administratifs, le ministère des Affaires étrangères compte procéder à l’expropriation de six biens immobiliers. Trois d’entre eux appartiennent à l’Algérie. C’est ce qui figure dans le projet de décret publié au Bulletin officiel du 13 mars, n° 5811.

Ce projet a fait réagir la République algérienne qui, à travers un communiqué daté du 17 mars, accuse le Royaume du Maroc d’avoir pour projet de “confisquer les locaux de l’ambassade algérienne au Maroc”. Or, l’ambassade de l’Algérie a été délocalisée ailleurs et n’est pas du tout concernée par ce projet d’expropriation.

Une décision souveraine non négociable

Comme l’explique à Médias24 notre consultant diplomatique Ahmed Faouzi, “auparavant, ces demeures comprenaient l’ambassade algérienne qui était adjacente au ministère marocain des Affaires étrangères. Rabat a facilité depuis plusieurs années la domiciliation de l'ambassade algérienne sur l'avenue la plus attrayante de la capitale, qu'est le boulevard Mohammed VI. Les bonnes pratiques auraient voulu que l'Algérie cède, en guise de reconnaissance, le terrain adjacent pour permettre au ministère, qui a grand besoin d'extension, de s'agrandir. Cela dit, même en déménageant dans ses nouveaux locaux, Alger n'a pas voulu procéder à ce geste. L'expropriation ne touche pas uniquement ces six biens, mais également un ensemble de villas dont les propriétaires sont marocains”.

Pour cet ancien ambassadeur, “la diplomatie algérienne veut ici négocier une décision toute souveraine qui relève principalement de la justice marocaine et non de conventions diplomatiques”.

Ahmed Faouzi précise également que “dans ce cas de figure, il ne s'agit pas d'ambassade, mais de locaux de l'ambassade algérienne bien loin de l’ambassade elle-même”.

Un autre expert contacté par Médias24 rejoint ces propos. Selon cette seconde source, “il y a deux bâtiments à Rabat qui abritent l’ancienne et la nouvelle ambassade algérienne. L’un se trouve à côté du ministère marocain des Affaires étrangères et l’autre devant Mega Mall. Il s’agit d’un cadeau royal en réponse au cadeau de l’ancien président algérien, feu Abdelaziz Bouteflika, qui avait offert un des meilleurs emplacements d’Alger à l’ambassade marocaine”.

Six biens à exproprier au total, pas tous algériens

Il convient de préciser que, selon le projet de décret, l’expropriation concerne six biens immobiliers (fac similé ci-dessous). “Kabalia” de 619 m2, “Zanzi” de 630 m2, qui comprend une habitation de deux étages et des bureaux au rez-de-chaussée, ainsi que “villa du soleil levant” de 491 m2, une villa d’un étage. Ces trois biens qui appartiennent à la République algérienne ne sont pas les seuls concernés par ce projet d’expropriation.

La “villa Medji” de 1.149 m2, appartenant à la famille Ziati, ainsi que la “villa Ronda” de 547 m2, appartenant à la famille Ronda et le bien “Geo” de 542 m2, dont le propriétaire est un particulier, sont eux aussi concernés par ce projet justifié par les besoins d’extension des locaux du siège du ministère des Affaires étrangères.

Tous ces propriétaires ont la possibilité, comme le précise le projet de décret, de faire parvenir leurs oppositions, leurs observations et leurs déclarations, à travers un registre qui sera mis en place dans ce sens. Le registre en question est mis à la disposition du public pour consultation au niveau de la commune de Rabat, et les personnes physiques ou morales concernées disposent d’un délai de deux mois, à compter de la publication de ce projet de décret au Bulletin officiel, pour s’y opposer ou faire part de leurs observations.

Qu’en dit le droit international ?

Selon Me Mourad El Ajouti, avocat au barreau de Casablanca, “le droit d’ ‘expropriation’ est reconnu dans l'ordre juridique international, quels que soient les droits patrimoniaux en cause ou la nationalité de leur titulaire”.

Selon lui, “ce droit a été reconnu sur le plan international, à de multiples occasions, par la pratique diplomatique et la jurisprudence. Il est traditionnellement considéré comme une faculté inhérente à la souveraineté et à la juridiction que l'Etat exerce sur les personnes et sur les choses qui se trouvent sur son territoire”.

Me El Ajouti précise que “le droit souverain d’un État en matière d’expropriation ou de nationalisation” a été confirmé par “l’article 2 de la Charte des droits et des devoirs économiques des États, adoptée par l’Assemblée générale des Nations unies en 1974”.

Par ailleurs, l’avocat estime que “l’État algérien ne peut pas prétendre qu’il s’agit d’une mesure discriminatoire puisque le projet d’expropriation concerne des biens immobiliers appartenant à des citoyens marocains qui font l’objet du même projet”.

“Une confiscation au regard du droit international est une expropriation sans paiement d’une indemnité. Ce qui n’est pas le cas en l’espèce, puisque le projet de décret portant expropriation de biens détenus par la République algérienne a été publié au Bulletin officiel”, poursuit Me El Ajouti.

Et d’ajouter : “L’article 18 de la loi n° 7-81 relative à l'expropriation pour cause d'utilité publique prévoit expressément que l’expropriant, c’est-à-dire l’État marocain, doit déposer auprès du tribunal administratif, statuant dans la forme des référés, une requête pour que soit ordonnée la prise de possession moyennant consignation ou versement du montant de l'indemnité proposée”.

“Le montant des indemnités doit réparer un dommage certain, actuel et directement causé par l’expropriation. L’indemnisation est fixée d'après la valeur de l'immeuble au jour de la décision prononçant l'expropriation selon les dispositions de l’article 20 de la même loi”, précise l’avocat.

Ce dernier estime que “la procédure légale a été minutieusement respectée. Il ne s’agit aucunement ni d’une confiscation ni d’une expropriation arbitraire ou illicite comme essaie de le démontrer le communiqué du ministère algérien des Affaires étrangères. Ce dernier est basé sur une lecture furtive et une analyse erronée et superficielle du droit international en invoquant le non-respect des obligations de la convention de Vienne sur les relations diplomatiques. Or, cette convention concerne exclusivement les locaux diplomatiques ; les terrains expropriés pour utilité publique ne sont pas enregistrés auprès des registres administratifs avec cette appellation ou dénomination”.

Expropriation d'un bien algérien: une réponse point par point aux allégations algériennes (source diplomatique)

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