Comment Lekjaa finalise le nouveau modèle de développement du football marocain (2/2)

EXCLUSIF. A partir de juillet prochain, les clubs auront la possibilité de ne gérer que l’équipe A et de confier toutes les équipes de jeunes à une société anonyme, créée avec le privé, qui se chargera de leur formation selon des moyens et des standards élevés. Voici le deuxième et dernier épisode de notre conversation avec Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football, axée sur une question unique : comment rendre les succès du football marocain structurels ?

L'inauguration par le Roi Mohammed VI, en décembre 2019, du Complexe Mohammed VI de football(Archives MAP)

Comment Lekjaa finalise le nouveau modèle de développement du football marocain (2/2)

Le 20 février 2024 à 19h21

Modifié 21 février 2024 à 7h38

EXCLUSIF. A partir de juillet prochain, les clubs auront la possibilité de ne gérer que l’équipe A et de confier toutes les équipes de jeunes à une société anonyme, créée avec le privé, qui se chargera de leur formation selon des moyens et des standards élevés. Voici le deuxième et dernier épisode de notre conversation avec Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football, axée sur une question unique : comment rendre les succès du football marocain structurels ?

Dans notre précédent article, Fouzi Lekjaa, président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), soulignait que le football est "un cycle intergénérationnel" et que l’équipe A est le fruit de l’ascension des U-17 (under 17), des U-20 et des U-23. Il a rappelé les performances des équipes nationales, masculines, féminines et de futsal dans les compétitions continentales ou mondiales. Les pépites d’aujourd’hui seront les stars de demain.

L’accent mis par la FRMF sur les équipes nationales, des U-15 à l’équipe nationale, est visible. 14,5 milliards de dirhams sont mobilisés pour la mise à niveau des stades en prévision de la CAN 2025 et du Mondial 2030 ; un nouveau stade aux normes les plus avancées sera construit à Casa-Benslimane ; sans oublier le lancement en 2019 du complexe Mohammed VI de football, considéré comme "l’un des plus importants du monde", selon la FRMF, inauguré en décembre de la même année et destiné aux entraînements, préparations, concentrations des équipes nationales.

Le troisième changement majeur a trait à la culture footballistique, au niveau de tous les intervenants. La transformation des clubs en sociétés induit la transparence des comptes. La transparence est la règle, pas encore suffisamment appliquée, certes. Les flux financiers sont désormais bancarisés et traçables. Lekjaa confirme que c’est une avancée majeure : "On a mis en place la société sportive, ce qui pour moi est une avancée exceptionnelle. Sa création et son acceptation sont des avancées majeures. On lui a délégué la totalité de la gestion des contrats de joueurs et du paiement bancarisé de l’ensemble de la masse salariale. Améliorer la gouvernance de ces sociétés est un challenge". De même, la gestion des championnats nationaux a été transférée aux ligues.

La Fédération a gardé les prérogatives stratégiques : les équipes nationales, le business/marketing, la commission d’éthique, les infrastructures, les relations internationales et enfin la formation.

La révolution de la formation

Dans le domaine de la formation, une révolution se prépare. Elle sera annoncée et signée officiellement en juin, pour une entrée en vigueur en juillet. Si on devait la résumer en quelques mots, on dirait que les clubs n’auront plus que l’équipe A à gérer et qu’une structure en cours de création se chargera de la formation, du suivi, des entraînements et de la détection de toutes les jeunes générations.

Cette structure aura la forme d’une société anonyme. Elle sera constituée par de grandes entreprises. Lekjaa cite OCP et Taqa à titre d’exemples, soulignant qu’elles ne sont pas les seules.

Un nouveau modèle de développement du football

Cette société anonyme pourra gérer intégralement la formation et le suivi de tous les jeunes inscrits aux clubs. Pour ces clubs, recourir à cette société anonyme sera volontaire. Mais on peut penser que d’une manière progressive, tous les clubs vont adhérer à cette formule.

En janvier dernier, on apprenait qu’OCP allait créer une filiale dédiée au football, OCP Sport Development. Elle sera dotée d’un capital de départ de 39 millions de dirhams. OCP ambitionne, à travers la création de cette filiale, "de participer à la mise en œuvre des directives royales dans le domaine du sport" en "renforçant la gouvernance et l’offre de formation" et en "créant des infrastructures sportives de qualité".

Et ainsi, "créer un nouveau modèle de développement du football à travers une dynamique efficace entre les centres de formation et les clubs professionnels, sous la houlette de la Fédération royale marocaine de football".

Son champ d’action ciblera notamment les villes adjacentes aux sites industriels et miniers du groupe à Khouribga, El Jadida et Safi.

Concrètement, OCP Sport Development entend créer et gérer des centres de formation et d’académies de haut niveau. L’investissement initial annoncé est de 378 millions de dirhams, dont plus de 60% financés en fonds propres ou en quasi-fonds propres. Le reliquat sera financé par dette bancaire. La filiale se donne les missions suivantes :

- l’amélioration des critères de la qualité des centres de formation et la découverte des talents dès le plus jeune âge ;

- le développement d’un parcours académique d’excellence en partenariat avec l’UM6P basé sur une formation de haut niveau dans le domaine du sport et l’assistance aux sportifs à préparer leur réorientation professionnelle en proposant des formations intégrées ;

- le développement de ponts et des partenariats avec des institutions sportives internationales spécialisées pour offrir des opportunités d’échange de connaissances.

Comment ça fonctionnera

Lekjaa explique : "Nous sommes en train de changer des systèmes qui ont tout de même duré des décennies. On va aller droit au but dans tout cela. Tout ce qui concerne la formation, on va le faire sortir dans une logique contractuelle avec les clubs, en mettant en place une société anonyme qui va s’occuper de la formation dans l’ensemble des clubs qui le voudront. Ces clubs vont déléguer cette mission à une société anonyme, qu’ils vont payer. Le tour de table est maintenant constitué".

En d’autres termes, les clubs qui le voudront pourront signer un contrat avec cette société anonyme. Cette dernière prendra en charge toute la formation, paiera les salaires des encadrants. Le contenu technique sera en revanche défini par le directeur technique national qui relève de la FRMF.

Quand ces jeunes, à l’issue ou au cours de leur formation, seront recrutés par le club, par contrat professionnel, le club devra payer un montant forfaitaire assez symbolique (on parle de 300.000 dirhams comme ordre de grandeur de départ) à la société anonyme pour l’indemniser de sa prestation.

"Au lieu de recruter un joueur qui à la base va lui coûter 2 ou 3 millions de dirhams, il ne lui coûtera que ce montant forfaitaire payé à la société anonyme". Et si le joueur est un jour transféré vers un autre club, un pourcentage du montant du transfert, peut-être 25%, sera rétrocédé à la société anonyme.

Cette société anonyme fait appel également à des techniciens professionnels qui seront chargés de la détection des talents dans tout le Maroc.

À la société anonyme, il y a deux départements. Un département technique qui choisit les formateurs, les éducateurs, les préparateurs. Et un département financier et logistique qui paie les contrats de ces gens et assure la logistique, les déplacements et autres frais.

Comment tout cela va-t-il se traduire sur le terrain ? La Direction technique nationale (DTN) va appliquer un organigramme type au club : un entraîneur pour chaque catégorie, un détecteur de talents, un médecin spécialisé, un préparateur physique. Le centre de formation du club sera géré, sur le plan logistique, par la société anonyme qui paiera les salaires des techniciens. Le détecteur sera également nommé par la DTN, qui a déjà mis en place un département développement et de suivi de ces formations.

En quelque sorte, le club va donc céder la formation et garder la main sur le "produit", c’est-à-dire le joueur.

Lekjaa table sur une montée en charge progressive de la nouvelle formule. "Nous tablons sur une dizaine ou une quinzaine de clubs pour la première année", nous confie-t-il. À terme, "des milliers de joueurs seront pris en charge chaque année. Nous allons professionnaliser et assurer la pérennité. Nous allons assurer la relève et augmenter la valeur ajoutée de notre football", espère Lekjaa.

Le football mondial, une valeur ajoutée

"In fine, le football mondial, c’est une valeur ajoutée. Il faut en grignoter le maximum".

Sa réflexion sur la valeur et plus généralement sur le business du foot est très intéressante : "Sur le marché européen, un joueur moyen coûte 3 à 4 millions d’euros. Au Maroc, il coûte 2 millions de dirhams en moyenne. Si je produis 5 joueurs moyens, j’ai produit 10 millions de dirhams de valeur".

En plus de la valeur intrinsèque des joueurs, le business du foot, ce sont aussi les droits de retransmission et d’image ainsi que la billetterie. "Pour le droit d’image, on est bons, ainsi que pour la billetterie. Avec l’amélioration de l’infrastructure et les moyens de la SNRT [Société nationale de radiodiffusion et de télévision, ndlr], nous produisons nos matchs en direct. Nos stades sont équipés en LED, cela rapporte de l’argent aux équipes ; sans compter le sponsoring direct de l’équipe nationale ou du championnat, ainsi que les droits télé. Là où il faut travailler, c’est sur la valeur intrinsèque des joueurs".

Un plan Marshall de formation

La valeur des joueurs : c’est là qu’intervient ce "plan Marshall" de formation. Parce que ce plan de formation, "c’est ce qui va permettre demain à nos clubs de disposer de joueurs bien formés pendant vingt ans et qui sont capables de porter le maillot". Nous n’aurons plus besoin de recourir autant aux joueurs marocains ou étrangers qui reviennent à 3 ou 4 millions d’euros chacun.

Lekjaa estime que la génération actuelle de footballeurs est la meilleure de l’histoire du football marocain.

Dernier point : l’arbitrage sera également professionnalisé. Comme première promotion, 36 personnes ont été recrutées, la formation est en cours. Le Maroc sera ainsi le premier pays d’Afrique à former des arbitres professionnels.

Une conversation avec Fouzi Lekjaa sur la réforme structurelle du football (1/2)

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