Nabil Ayouch : le CCM toujours au centre des revendications des professionnels du cinéma

En marge d’une rencontre d'échange entre les professionnels du secteur qui s'est tenue vendredi 2 février sur le thème "Gouvernance du cinéma au Maroc : urgence de la réforme", le réalisateur-producteur Nabil Ayouch nous a exposé les doléances et les recommandations de la profession.

Nabil Ayouch : le CCM toujours au centre des revendications des professionnels du cinéma

Le 5 février 2024 à 10h32

Modifié 5 février 2024 à 9h00

En marge d’une rencontre d'échange entre les professionnels du secteur qui s'est tenue vendredi 2 février sur le thème "Gouvernance du cinéma au Maroc : urgence de la réforme", le réalisateur-producteur Nabil Ayouch nous a exposé les doléances et les recommandations de la profession.

À l’occasion de la récente publication de son rapport sur la politique publique du cinéma au Maroc, l'Association des Rencontres Méditerranéennes du cinéma et des droits de l'Homme (ARMCDH) a exposé ses conclusions à l'auditoire composé de professionnels du cinéma et d’autres participants. L’occasion d’interroger Nabil Ayouch sur sa vision de la réforme en cours du Centre cinématographique marocain (CCM) et sur l’absence, qui s'éternise, d’un directeur général de cette institution.

"Le CCM ne peut pas se projeter avec des intérimaires"

"Le cinéma marocain connaît depuis quelques années son heure de gloire avec plusieurs premières, comme les 4 films sélectionnés au festival de Cannes en 2023, la réalisatrice Maryam Touzani qui a fait partie de son jury de la compétition officielle pour remettre la palme d’or, le dernier festival de Marrakech qui a décerné l’étoile d’or à un film marocain... La dynamique actuelle est très positive. Mais le fait d’avoir des directeurs par intérim qui se succèdent à la tête du CCM depuis presque 2 ans et demi est un vrai problème pour la profession", explique le réalisateur-producteur pour qui il n’est pas possible de se projeter ou de déployer une vraie relation entre les professionnels et l'institution dans de telles conditions.

Et d'ajouter que la profession réclame un capitaine à la barre, car les trois intérimaires détachés d’autres ministères ont des activités à gérer en dehors du CCM qui leur prennent beaucoup de temps et ils ne peuvent par conséquent se consacrer pleinement à leur tâche.

Rappelons, en effet, que le premier venait d’une administration extérieure, le deuxième était le secrétaire général du CCM et le dernier occupe toujours le même poste au ministère de la Communication.

L’absence d’un dirigeant à plein temps depuis plus de deux ans n’a pas permis, selon notre interlocuteur, de mettre en œuvre une feuille de route et un déploiement basé sur une vision.

"D’autant plus, que depuis 9 mois maintenant, le CCM n’a plus non plus de Secrétaire Général ! Ce qui n’est tout simplement jamais arrivé dans l’histoire du cinéma marocain… Cela ouvre la porte à toute une série de dérives telles qu’on a pu le voir lors du dernier festival national de Tanger ou à celui de Laayoune l’an dernier et le scandale qui est arrivé autour d’un film documentaire. Ce sont des choses qui coûtent cher au cinéma marocain, sur le plan national et international…", poursuit Nabil Ayouch.

De nombreux points ont été débattus durant la réunion, mais Nabil Ayouch a insisté sur la revendication centrale et urgente des professionnels concernant la nomination d'un nouveau directeur général pour le CCM qui est une institution importante pour gérer et accompagner l’évolution du cinéma marocain et de désigner un nouveau secrétaire général.

Pour lui, cela relève tout simplement du bon sens et de l’intérêt général visé par tous.

Tout en précisant n’avoir aucun problème avec l’intérimaire actuel ni avec ses prédécesseurs, qui sont, selon lui, tous des gens respectables, le cinéaste déclare que le cinéma marocain mérite d’avoir une personne à plein temps pour éviter les malentendus, dérives et blocages administratifs qui ont pu avoir lieu récemment.

"Nous dénonçons…"

Nabil Ayouch ajoute : "Parmi ces dérives, il faut clarifier le rôle de cette administration vis-à-vis des cinéastes. Le CCM, est-il un outil de coercition qui vise à mettre des bâtons dans les roues des cinéastes ou à les accompagner ?

"Nous avons été, par exemple, scandalisés par un article publié cette semaine, émanant d’une source interne du CCM (qui ne cite pas son nom) qui a déroulé toute une série de mensonges sur la rencontre organisée vendredi et traité les cinéastes et les producteurs de lobbies de la rente. C’est une honte pour une personne issue d’un organisme officiel que de parler des artistes d’une telle manière.

"Ce type de langage et d’attitude appartient, selon moi, à un Maroc qui n’existe plus. Aujourd’hui, notre pays avance, progresse dans de nombreux domaines. Sa constitution encourage la liberté de création et protège la liberté de penser. Nos revendications ne font que s’appuyer sur cette constitution et sur les recommandations du nouveau modèle de développement.

"De la même manière, le travail de cette association - qui a fait l’objet de propos injurieux du CCM - s’est basé, pour décrire les dysfonctionnements du CCM, sur des rapports de la Cour des comptes et de l’Inspection Générale des finances".

Elle n’a rien inventé et surtout ne désigne pas de coupable. Elle met le doigt, de façon très argumentée et professionnelle, sur toute une série de points potentiels d’amélioration du secteur.

L’autre grande revendication

Excluant toute querelle de personnes, Ayouch ajoute que la seule priorité des professionnels est d’accompagner le cinéma national pour qu’il prenne son envol et renforce le soft-power pour faire briller le pays à l’international avec des films qui remportent des prix et remplissent des salles à travers le monde pour poursuivre l’âge d’or naissant du cinéma marocain commencé il y a 4 ou 5 ans.

Pour cela, l’autre grande revendication des professionnels qui étaient présents vendredi a été de réclamer de nouveaux textes pour régir la profession. De nombreuses discussions ont eu lieu entre les chambres professionnelles et le ministre Mehdi Bensaïd entre septembre 2022 et février 2023, déclare Nabil Ayouch en ajoutant que la profession n'a plus aucune nouvelle de ces textes depuis un an.

"Nous n’avons toujours pas reçu la version définitive et nous ne savons même pas où elle en est dans le circuit législatif… Or, ces nouveaux textes sont cruciaux si l’on veut faire avancer le secteur, car les anciens datent de plusieurs décennies et, à son arrivée, le ministre a tout de suite, et fort justement, exprimé son souhait de les changer.

"L’ancien directeur du CCM, Sarim Fassi Fihri, avait travaillé pendant trois ans sur de nouveaux textes que la nouvelle administration a voulu complètement refaire, et c’est son droit. Mais le résultat est que les professionnels attendent de nouveaux textes régissant le secteur depuis maintenant plus de cinq années. Ça commence à faire très long".

"Pour accompagner son développement, le CCM doit s’inspirer des chaînes publiques ou de l’ONMT. Nous estimons en effet qu’il existe au Maroc de nombreux profils capables de faire évoluer le CCM dans le cadre d’une stratégie marketing nationale/internationale", déclare le réalisateur en ajoutant que ce manager devra avoir une culture cinématographique et une vision pour ce secteur sans être ou avoir été nécessairement un professionnel du cinéma.

Le profil idéal …

Sur le meilleur profil à recruter, Ayouch avance que si le candidat ne devra pas nécessairement être un technocrate, il pourra être issu du secteur privé à l’image de Adel El Fakir qui dirige l’Office National Marocain du Tourisme (ONMT) et accomplit, selon lui, des merveilles pour développer le tourisme.

Il ajoute que le Maroc dispose aujourd’hui de grands dirigeants d’entreprises publiques, capables d’impulser une vraie dynamique, y compris dans le secteur audio-visuel.

"Ainsi, en 20 ans, Fayçal Laraichi a complètement révolutionné les chaînes de la SNRT en les faisant passer du statut de chaînes poussiéreuses à des chaînes de télé modernes et ambitieuses, capables de conquérir une audience très importante et de relever des défis techniques immenses. Ces gens brillants, tels aussi Salim Cheikh, devraient servir de modèles pour nommer le nouveau directeur ou directrice du CCM".

Un idéal proche de celui du ministre de tutelle qui déclarait à Médias24 que le nouveau DG ne devra pas être un ancien réalisateur ou producteur pour éviter "les éventuels mélanges des genres".

Là-dessus, Nabil Ayouch insiste : "La désignation de la directrice ou du directeur du CCM devra se faire par voie réglementaire, en ouvrant un concours accessible à tous les profils requis, en respectant les dispositions légales".

Hormis la désignation d’un dirigeant attendue avec impatience, Ayouch affirme que la profession souhaite plus de souplesse et d’échanges dans les rapports avec l’administration, ainsi que de fluidité dans les process.

Mais aussi davantage de liberté d’expression, avec notamment la suppression de la censure univoque et souvent appliquée sans aucune explication et son remplacement par l’instauration de catégories d’âge pour que certains films puissent être visionnés par un public adulte qui le désire.

Il conclut en précisant que "toutes nos revendications vont dans le sens d’une volonté de construire ensemble, main dans la main avec l’administration de tutelle, un cadre légal à l’image d’un Maroc moderne où les artistes seront pleinement respectés. Nous sommes totalement unis dans cette volonté et restons optimistes mais aussi vigilants".

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