Maroc-France : entre Stéphane Séjourné et Rachida Dati

Dès l'annonce de la composition du nouveau gouvernement français, beaucoup de Marocains qui suivent de près l'actualité diplomatique se sont interrogés : que faut-il en penser ? Voici l'analyse à chaud d'Ahmed Faouzi, ancien diplomate.

Gabriel Attal

Maroc-France : entre Stéphane Séjourné et Rachida Dati

Le 12 janvier 2024 à 18h20

Modifié le 12 janvier 2024 à 19h24

Dès l'annonce de la composition du nouveau gouvernement français, beaucoup de Marocains qui suivent de près l'actualité diplomatique se sont interrogés : que faut-il en penser ? Voici l'analyse à chaud d'Ahmed Faouzi, ancien diplomate.

Après la nomination de Gabriel Attal comme Premier ministre le 8 janvier, l’Elysée a dévoilé la liste du nouveau gouvernement qui a gardé les mêmes poids lourds de l’ancien gouvernement d’Elisabeth Borne, tout en y ajoutant d’autres personnalités de la droite. L’ossature est donc restée la même avec des profils déjà connus. Bruno Le Maire à l’Économie, Gérald Darmanin à l’Intérieur et Éric Dupond-Moretti comme garde des Sceaux. Les deux autres qui ont constitué la surprise sont Stéphane Séjourné à la tête de la diplomatie française, et Rachida Dati qui sera à la tête du ministère de la Culture.

La diplomatie française sera ainsi coiffée par un jeune hispanisant de 38 ans. C’est un ancien membre du parti socialiste qui a d’abord travaillé aux côtés de l’ancien ministre socialiste Dominique Strauss-Kahn. Lors du passage d’Emmanuel Macron, alors ministre du Budget sous le président François Hollande, il devient son proche conseiller aux affaires économiques. Ce passage aux côtés du ministre Macron va l'inciter à s’embarquer dans la constitution d’un nouveau mouvement politique, le Mouvement des Jeunes, noyau du futur parti En Marche qui allait défaire Hollande.

Séjourné a participé avec Macron à ce parricide, au moment où le président Hollande était devenu impopulaire et fragile politiquement. Arrivé au pouvoir en 2017, Macron le garde comme conseiller à l’Élysée, puis le charge de mener la campagne des élections européennes et d'être candidat de la liste de La République en marche (LREM).

Élu, puis député européen, il préside le groupe Renew depuis 2021, qu’il n’hésitera pas à utiliser pour contrer les intérêts du Maroc à partir du Parlement européen. En septembre 2022, on le verra de nouveau comme secrétaire général du parti de Macron, renommé Renaissance.

Au moment d’un passage à vide dans les relations entre la France et le Maroc, Séjourné a été le maître de cérémonie pour monter le Parlement européen contre le Royaume. Les deux résolutions non contraignantes, en janvier et février 2023, adoptées à quelques jours d'intervalle, n’ont pas été appréciées par le Maroc. Au lieu d’éteindre l’incendie, le nouveau ministre s’est totalement employé à l’attiser. Il en a été le stratège, et tout porte à croire qu’il a procédé ainsi sur instigation de l’Élysée.

C’est cet activisme débordant qui a marqué les esprits au Maroc. Le comportement de Séjourné au Parlement européen fait de lui, pour le moment, un responsable à qui il faudrait être attentif et dont il faut suivre le comportement à la loupe. Il est de règle que les chefs des diplomaties échangent des lettres de félicitations à l’occasion d’une nomination. Bien que protocolaires, les mots et les expressions qui seront utilisés à cette occasion avec son homologue marocain détermineront soit la volonté d’apaiser, ou alors de maintenir le statu quo, en attendant des jours meilleurs. Sa première visite, hors Union européenne, déterminera à coup sûr les priorités qu’il se donnera vis-à-vis du Maghreb.

Quoi qu’il en soit, son passé de militant contre les intérêts du Maroc lui restera collé à la peau, en raison de la sournoiserie de la démarche. Son arrivée à la tête d’un ministère régalien ne lui donnera cependant pas carte blanche, puisque les relations extérieures sont le domaine réservé de l’Elysée. Mais une franche discussion, entre quatre yeux comme on dit, est nécessaire pour clarifier les positions des uns et des autres et les faire évoluer dans un monde qui pose de grands défis aussi bien à la France qu’au Maroc.

L’autre surprise dans ce nouveau gouvernement français est la nomination de Rachida Dati au poste de ministre de la Culture. Cette Franco-Marocaine, très proche de Nicolas Sarkozy, n’était pas attendue pour se joindre à l’équipe gouvernementale. Tout laisse à penser quelle a pris sa décision à l’insu et sans l’accord de son parti Les Républicains qui, dès l’annonce de la liste du gouvernement, l’a exclue de ses rangs. Pour ses détracteurs, par l’acceptation de ce poste, Dati préparera sa candidature au poste de maire de Paris contre l’actuelle maire Anne Hidalgo.

Il est difficile d’imaginer la cohésion de cette équipe, quand on se remémore les critiques acerbes de Dati contre Macron et son parti. En mai 2021, elle affirmait que tous ceux qui ont fait des alliances opportunistes avec le parti de Macron aux municipales ont perdu. L’alliance avec En Marche, c’est le baiser de la mort, disait-elle. Puis en juin 2022, elle récidive en déclarant, sans sourciller : La République en Marche, c’est quoi ? Et de donner sa réponse : C’est un parti de traîtres de gauche et de traîtres de droite, selon elle. Dans quelle catégorie se situera-t-elle aux yeux des Français maintenant ?

L’entrée de Dati au gouvernement est par ailleurs un geste à l’égard des minorités et des musulmans issus de l’immigration. C’est une manière de leur donner une forme de visibilité, alors que les médias d’extrême droite ne cessent de les critiquer en surfant sur tout ce qui est musulman. De toutes les critiques qui ont fusé contre la nomination de Dati, la voix de Roselyne Bachelot, ancienne ministre de la Culture, sort du lot. C’est une vraie ministre politique, dira-t-elle, elle va être écoutée et entendue, pas toujours de manière bienveillante, mais ça c’est la règle du jeu. Pour Bachelot, Macron a cherché une personne de la société civile pour s’occuper de la culture, il n’a pas trouvé mieux qu’une femme politique de poigne en Rachida Dati.

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