Baisse des prix des médicaments : un délai transitoire s'impose pour réétiqueter les stocks

CASSE-TÊTE. La suppression de la TVA sur les médicaments pose plusieurs problèmes, d’ordre technique notamment, aux industriels. Un délai de transition s’impose pour la mise sur le marché de médicaments avec les nouveaux prix, dont la durée est encore en discussion avec le ministère de tutelle et la Direction générale des impôts.

Baisse des prix des médicaments : un délai transitoire s'impose pour réétiqueter les stocks

Le 10 janvier 2024 à 18h38

Modifié 11 janvier 2024 à 12h08

CASSE-TÊTE. La suppression de la TVA sur les médicaments pose plusieurs problèmes, d’ordre technique notamment, aux industriels. Un délai de transition s’impose pour la mise sur le marché de médicaments avec les nouveaux prix, dont la durée est encore en discussion avec le ministère de tutelle et la Direction générale des impôts.

La suppression de la TVA sur les médicaments est entrée en vigueur le 1er janvier 2024. L’arrêté du ministère de la Santé relatif à cette mesure a été publié au Bulletin officiel daté du 1er janvier, mais n'a été mis en ligne que ce mardi 9 janvier 2024.

Selon nos informations, les officines continuent d’appliquer les prix TTC à ce jour. Une situation qui nous a été expliquée par nos sources du secteur pharmaceutique par des contraintes techniques, de stock et d'organisation.

"Un délai de transition est obligatoire"

Joints par nos soins, des industriels et des officinaux nous expliquent qu’un tel changement nécessite une période transitoire. "On ne peut pas changer les prix de millions de boîtes de médicaments du jour au lendemain. Il s’agit d’une opération compliquée qui nécessite du temps".

"Au niveau de la fabrication, nous avons anticipé", nous explique un industriel du secteur. "Dès que nous avons reçu la nouvelle grille des prix, nous avons démarré la production avec les prix hors TVA, mais nous ne pouvions pas la mettre sur le marché tant que la loi n’était pas encore entrée en vigueur. L’arrêté du ministère de la Santé à ce sujet n’a été publié que ce mardi", ajoute notre interlocuteur.

"Le délai transitoire dont nous avons besoin doit à présent être fixé par le ministère de la Santé, qui est d’accord sur le principe. Il doit également être approuvé par la Direction générale des impôts (DGI), pour qu’on soit à la fois conformes avec la loi en vigueur, mais pour que nos contraintes soient également prises en considération", poursuit-il.

"Il s’agit de millions de boîtes dont l’étiquetage doit être revu, qui se trouvent chez les industriels, les grossistes et les pharmaciens. Une telle opération pose donc des problèmes de qualité des médicaments, mais aussi des problèmes réglementaires auxquels nous devons nous préparer. En outre, la procédure de changement des prix est très lourde, et nécessite la création d’un dossier de lot, la réalisation de prélèvements et d’échantillonnage notamment, pour s’assurer qu’il n’y a pas d’erreur".

"Deux solutions principales se présentaient alors à nous", souligne notre source. "La première est l’application de cette mesure depuis le 1er janvier, ce qui implique l’arrêt du réapprovisionnement du marché pendant trois à quatre semaines. Nous aurions ainsi pu mettre le marché à sec, et c’est un risque que l’on ne pouvait pas prendre".

"La seconde solution est d’avoir un délai technique qui nous permettra de préparer ce changement de prix. Nous devrons, durant cette période, récupérer les produits sur le marché, les réétiqueter pour les remettre encore une fois sur le circuit de vente".

Une réunion a eu lieu ce mercredi 10 décembre entre les industriels et la DGI pour discuter de cette deuxième option.

L'autre problématique à prendre en considération dans cette opération de réétiquetage est le remboursement des patients dans le cadre de l’assurance maladie, note également notre interlocuteur.

"Il ne faut pas qu’un dossier qui contient des médicaments avec les anciens prix (TTC) soit rejeté par les assureurs. C’est un point que l’on doit donc examiner avec la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) notamment".

"Un stock minimum de trois mois à écouler"

Même son de cloche auprès des officinaux. "La fixation des prix se fait entre les industriels et la Direction du médicament et de la pharmacie (DMP). La TVA est payée par le citoyen et est récupérée de deux manières. Dans le premier cas de figure, ce sont les grossistes et les laboratoires qui la restituent aux impôts. Dans le deuxième, ce sont les officinaux, dont le chiffre d’affaires annuel dépasse deux millions de DH, qui la déclarent et qui la paient par trimestre", nous explique le Dr Khalid Zouine, président du conseil national de l'Union nationale des pharmaciens du Maroc.

"Il est toutefois à noter que pour les pharmaciens dont le chiffre d’affaires annuel est inférieur à 2 MDH, c’est une énorme perte, qui peut varier entre 10.000 DH et 20.000 DH par mois. Tout dépend de leurs stocks et du type de médicaments dont ils disposent le plus".

"Pour l’instant, les pharmaciens continuent de vendre avec les anciens prix [TTC, ndlr], puisqu’ils n’ont pas le droit de changer par eux-mêmes le prix de vente affiché sur les boîtes", ajoute le Dr Zouine.

Et notre source de souligner : "La loi en vigueur nous oblige à avoir un stock minimum de trois mois, qui est donc à l’ancien prix TTC. Des réunions avec le ministère de tutelle ont déjà été tenues avant l’entrée en vigueur de cette mesure, durant lesquelles la DMP et les industriels sont arrivés à un accord de principe sur un délai transitoire. Les industriels ont demandé un délai de 6 mois, tandis que la DMP leur a proposé 3 mois".

"Cela signifie que d’ici fin mars, nous devons commencer à vendre les médicaments exonérés de TVA. Certains laboratoires ont déjà demandé aux pharmaciens de leur rendre les stocks pour les réétiqueter, tandis que d’autres ne se sont pas encore manifestés".

"Toutefois, se posera le problème de chevauchement entre les nouveaux prix et les prix TTC", note par ailleurs notre source. "Par exemple, un pharmacien pourrait disposer d'un stock d’un médicament vendu habituellement à 100 DH TTC, et d'un nouveau stock exonéré de TVA, dont le prix est descendu à 93 DH. Il se retrouvera alors avec un stock du même produit, avec des prix différents. C'est un point qui doit encore être discuté avec le ministère de tutelle, mais à mon avis, trois mois sont largement suffisants pour gérer le stock des médicaments avec les prix TTC".

"Le problème se pose davantage pour les pharmacies des régions où la consommation reste faible par rapport aux régions de Casablanca-Settat par exemple, ou encore Rabat-Salé-Kénitra, qui pourront, elles, écouler leurs stocks plus rapidement", souligne par ailleurs un autre pharmacien contacté par Médias24.

"Un choc pour les petites pharmacies"

Cette baisse des prix sera également ressentie davantage par les petites pharmacies et celles de taille moyenne, ajoute le Dr Zouine. "C’est la première fois qu'une baisse touchera autant de produits. Il s’agit d’une baisse générale pour remettre la TVA à 0% pour tous les produits médicamenteux. C’est donc une répercussion importante, voire un choc pour les pharmaciens d’officine de petite taille et de taille moyenne, dont le chiffre d'affaires est inférieur à 2 MDH. C'est un bonus qu'ils vont perdre, vu qu'ils ne remboursent pas la TVA" .

"C’est d'ailleurs pour cette raison que les officinaux appellent depuis plusieurs années à la mise en place de mesures de compensation, qui éviteraient que les baisses des prix des médicaments n’impactent les pharmaciens. L'entrée en vigueur de cette mesure risque ainsi d’entraîner des licenciements et des fermetures de pharmacies", conclut-il.

Les taux de TVA appliqués sur les médicaments jusqu'à fin 2023 étaient comme suit :

- 0%, et donc l’exonération : pour les médicaments dont le prix fabricant hors taxe fixé par voie réglementaire dépasse 588 DH ; les médicaments anticancéreux; les médicaments antiviraux des hépatites B et C ; les médicaments destinés au traitement du diabète, de l’asthme, des maladies cardiovasculaires, de la maladie du syndrome immunodéficitaire acquis (SIDA) et de la maladie de la méningite ; les vaccins ; les médicaments dont la liste est fixée par un arrêté conjoint du ministre de la Santé et du ministre des Finances et qui sont destinés au traitement de la fertilité et au traitement de la sclérose en plaques.

- Une TVA de 7% : appliquée aux produits pharmaceutiques, aux matières premières et aux produits entrant intégralement, ou pour une partie de leurs éléments, dans la composition des produits pharmaceutiques, qui seront désormais également exonérés.

Malgré la suppression de la TVA, les prix des médicaments n'ont pas baissé dans les officines

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