A cause de la sécheresse, le secteur de l’irrigation subit une récession jamais vue auparavant

L’amenuisement des ressources en eau dédiées à l'agriculture n’est pas sans conséquence sur le secteur de l’irrigation. D’après l'Association marocaine de l'irrigation par aspersion et goutte à goutte, il fait face à une récession d’environ 30% en 2023.

A cause de la sécheresse, le secteur de l’irrigation subit une récession jamais vue auparavant

Le 11 novembre 2023 à 17h50

Modifié 11 novembre 2023 à 17h50

L’amenuisement des ressources en eau dédiées à l'agriculture n’est pas sans conséquence sur le secteur de l’irrigation. D’après l'Association marocaine de l'irrigation par aspersion et goutte à goutte, il fait face à une récession d’environ 30% en 2023.

La pénurie d’eau que connaît le Maroc impacte l’ensemble du secteur agricole. L’écosystème de l'irrigation n’échappe pas à ce constat. Si les dernières précipitations ont été accueillies avec soulagement par le monde agricole, elles demeurent toutefois insuffisantes. 

"Le marché de l’irrigation est en récession d’environ 30% en 2023", indique à Médias24 l'Association marocaine de l'irrigation par aspersion et goutte à goutte (AMIAG). "Le nombre de défaillances d’entreprises et les licenciements n’ont jamais été aussi élevés dans le secteur", déplore l’Association. 

Avant les dernières années de sécheresse consécutives, les 30.000 hectares équipés annuellement de systèmes d’irrigation par goutte à goutte au Maroc, permettaient au secteur d’atteindre un chiffre d'affaires global de 3 MMDH par an, dont 1,6 MMDH provenant de subventions à l’irrigation accordées par le Fonds de développement agricole (FDA). 

Aujourd'hui, avec la sécheresse et le changement climatique, même le goutte-à-goutte ne se justifie pas, tant l'eau est rare. D'ailleurs, la part des ressources hydriques disponibles réservée à l'agriculture, est en baisse, car la priorité va à l'eau potable. Et les forages de puits sont désormais soumis à autorisation et étroitement surveillés, de sorte qu'il y a beaucoup moins de business qu'avant.

La donne a donc changé. "L’autorisation de pompage désormais nécessaire pour tout projet agricole. Dans certaines régions comme les zones agricoles de Marrakech, cette autorisation n'est plus accordée. On y compte d'ailleurs plus de 200 sociétés en arrêt d’activité. Idem dans la zone Berrechid-Settat", explique l’AMIAG.  

On ne peut plus irriguer n'importe quelle culture n'importe comment

Le ministère de l’Agriculture indique dans sa circulaire 1.377 que "l’adéquation entre les ressources en eau disponibles et les besoins des cultures doit désormais être vérifiée sur la base de documents réglementaires précisant le volume d’eau autorisé ou disponible à prélever pour chaque projet".

Selon la même circulaire (voir fac-similé ci-dessous), les dossiers pour obtenir la subvention à l’irrigation doivent être désormais complétés, selon le cas, par l’un des documents suivants :

- Une autorisation ou concession relative à l’utilisation du domaine public hydraulique (DPH) pour l’irrigation du fonds support du projet, pour les projets dont les prélèvements d’eau sont autorisés.

- Une attestation de l’ORMVA ou de la DPA concernée confirmant l’accès à l’eau du réseau d’irrigation collectif, pour les projets situés à l’intérieur des périmètres aménagés en partie ou en totalité par l’Etat. Toutefois, en situation de prélèvements complémentaires d’eau à partir des eaux souterraines, l’autorisation de prélèvement sera exigée pour les puits ou forages concernés.

- Un document justifiant les droits privatifs sur la ressource en eau, pour les projets disposant de droits d’eau acquis sur les ressources en eau.

En outre, le ministère de l’Agriculture impose, pour chaque dossier concerné par cette mesure, "une note d’observation à adresser par le service technique au postulant à travers le guichet unique". Des mesures qui tombent sous le sens au regard de la situation hydrique du Royaume. 

Exacerbation des déficits en eau des périmètres irrigués

Dans les faits, "la superficie équipée en techniques d’irrigation localisée avait auparavant connu une augmentation sans précédent, passant de 160.000 ha (ou 10% de la superficie irriguée) avant le Plan Maroc vert, à 750.000 ha en 2022 (soit 47% de la superficie irriguée)", explique à Médias24 Ahmed El Bouari, directeur de l’Irrigation et de l’aménagement de l’espace agricole au ministère de l’Agriculture.

Sauf que le secteur de l’irrigation est étroitement lié à la disponibilité des ressources hydriques. Ces ressources sont issues des barrages et des nappes phréatiques ; les deux fortement impactées par la sécheresse, d’où l’exacerbation des déficits en eau des périmètres irrigués dont l’approvisionnement a connu des restrictions drastiques dans les bassins irrigués de la Moulouya, Doukkala, Tadla, Haouz, Souss-Massa, Tafilalet et Ouarzazate.

Par ailleurs, les nappes font face à un accroissement de la demande. Leurs ressources sont estimées à 4 MMm3/an, mais le volume prélevé est évalué à 5,11 MMm3/an. Résultat, elles sont surexploitées à hauteur de 1,11 MMm3/an. L’agriculture est à l’origine de cette surexploitation, car le volume de l’eau souterraine prélevée pour l’irrigation s’élève à lui seul à 4,3 MMm3/an. 

L’accélération de ce rabattement des niveaux piézométriques des nappes coïncide avec l’intensification de l’activité agricole. Ses conséquences sont multiples, dont la dégradation de la qualité de l’eau, notamment à cause d’une forte teneur en nitrates, ainsi que la disparition des débits de base des cours d’eau.

Pour ce qui est des barrages, le secteur de l’irrigation n’utilise que le reliquat des ressources en eau après satisfaction de la demande en eau potable et des autres secteurs et, de ce fait, il est le plus affecté par les changements climatiques.

À titre d'exemple, pour la campagne agricole 2022-2023 en cours, la dotation d’eau allouée aux grands périmètres irrigués à partir des barrages n’a pas dépassé 900 Mm3, soit un taux de couverture d’à peine 17% de la dotation prévue dans les documents de planification de l’eau, évaluée à 5.300 Mm3/an. Avec un taux de remplissage de 24,7% (3,9 MMm3), à la date du mercredi 8 novembre, la situation ne risque pas de s'améliorer. 

De fait, pour faire face à la baisse des ressources en eau allouées à l’agriculture et rétablir l’équilibre entre les besoins en eau agricole et les ressources mobilisables, les politiques publiques ont actionné plusieurs leviers complémentaires, dont le développement de l’offre hydrique à travers les barrages. 

L’interconnexion des bassins pour mobiliser le maximum des ressources actuellement perdues en mer, ainsi que le recours au dessalement de l’eau de mer pour alimenter les villes côtières en eau potable, permettront de libérer une partie des eaux des barrages pour l’agriculture et de développer des projets d’irrigation. 

En attendant de finaliser ce plan d’action qui avance à grand pas, les ressources hydriques continueront d’être allouées à l’irrigation après avoir assuré l’alimentation en eau potable, sans pour autant risquer le tarissement des eaux souterraines, renforçant les préoccupations des professionnels de l’irrigation.  

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