Les producteurs d’oignons demandent la reprise des exportations

Les exportations d’oignons vers les pays d’Afrique subsaharienne avaient été suspendues il y a plusieurs mois, afin d’éviter une flambée des prix sur le marché national. S’estimant lésés, les producteurs demandent une reprise, ne serait-ce que partielle, des exportations pour rentrer dans leurs frais.

Les producteurs d’oignons demandent la reprise des exportations

Le 11 octobre 2023 à 17h31

Modifié 11 octobre 2023 à 17h31

Les exportations d’oignons vers les pays d’Afrique subsaharienne avaient été suspendues il y a plusieurs mois, afin d’éviter une flambée des prix sur le marché national. S’estimant lésés, les producteurs demandent une reprise, ne serait-ce que partielle, des exportations pour rentrer dans leurs frais.

Les oignons destinés au marché national sont vendus par les agriculteurs entre 2 et 2,5 DH le kilo. Ceux réservés à l’export sont quant à eux achetés par les pays d'Afrique subsaharienne entre 4 et 5 DH le kilo, soit quasiment plus du double. Il n’est donc pas surprenant que les producteurs d’oignons demandent la reprise des exportations suspendues depuis février 2023. 

En effet, lors du premier trimestre 2023, la flambée des prix de l’oignon sur le marché national a obligé le gouvernement à suspendre les exportations vers les pays d’Afrique subsaharienne. À l’époque, le prix de l’oignon rouge dépassait les 15 DH. La suspension des exportations devait au moins écarter le risque de pénurie, et réduire par conséquent cette hausse vertigineuse des prix. 

Mais, depuis, les exportations n’ont pas repris. Enfin presque pas. "Il y a deux mois, il y a eu une petite exportation d'appoint de l’ordre de 3.000 tonnes", indique à Médias24, Rachid Benali, président de la Confédération marocaine de l'agriculture et du développement rural (COMADER). Cependant, cette quantité est infime en comparaison à la normale.

500.000 tonnes d’oignons à écouler

"D’habitude, il y a des exportations à cette période de l’année vers les pays d'Afrique subsaharienne", nous explique Abdennabi Zirari, responsable de l'Association des producteurs d'oignons d'El Hajeb et de Boufakrane, située dans la région de Fès-Meknès à l'origine de plus de 50% de la production nationale (environ 900.000 tonnes). 

"Actuellement, nous avons 500.000 tonnes d’oignons à écouler. Nous espéronsau moins commencer avec l’exportation d’une petite quantité de 30.000 tonnes, pour permettre aux producteurs de respirer financièrement". Mais pour ce faire, il faut que les prix sur le marché national baissent. 

Or, nous en sommes encore loin. "Nous avons aujourd’hui un excédent d'oignons, malheureusement les prix sur le marché national sont encore trop élevés pour les consommateurs", déplore Rachid Benali. "La crainte est de voir ces prix s’envoler encore plus, en cas de reprise des exportations".

Et de préciser : "Aujourd’hui, l’oignon est acheté chez l’agriculteur à 2,50 DH le kilo pour être vendu sur le marché à 9 DH le kilo. Si les exportations reprennent, la situation risque d’empirer, et le kilo pourrait atteindre jusqu’à 12 DH". 

Une situation mal vécue par les producteurs. "Si l’oignon coûte cher sur le marché, quel est le tort des producteurs qui vendent le kilo entre 2,50 DH et 3 DH ? Ils ne sont pas responsables de cette situation", s’agace Abdennabi Zirari. En cause, des intermédiaires peu scrupuleux. 

"Les intermédiaires sont extrêmement opportunistes", accuse un producteur. "Ils achètent les récoltes des agriculteurs parfois au prix coûtant et stockent l’oignon dans des silos de fortune pour créer une pénurie, et donc avoir un monopole qui impacte les prix lorsque la demande est plus importante que l’offre".

Une technique bien rodée qui s'appuie sur l’observation et sur une enquête minutieuse au moment des récoltes. "Avant de soumettre une offre à un agriculteur, l’intermédiaire sonde les exploitants pour avoir une idée de l’état des récoltes", nous explique notre interlocuteur. Autrement dit, quand la saison agricole est de bon augure, les intermédiaires proposent des prix qui offrent une marge bénéficiaire confortable aux agriculteurs.

A contrario, "quand il y une baisse de la production comme en 2022, l’intermédiaire propose des montants dérisoires qui couvrent à peine les investissements des maraîchers. Ces derniers n’ont d’autre choix que d’accepter parce qu’ils ont des dettes à rembourser", nous explique notre interlocuteur.

Loi n° 37-21 et encouragement du secteur formel 

Dans ce cas, comment échapper à l'emprise des intermédiaires ? L'une des solutions est l'application stricte "de la fameuse loi n° 37-21 édictant des mesures spéciales relatives à la commercialisation directe des fruits et légumes dans le cadre de l’agrégation agricole", souligne Rachid Benali.

La deuxième solution réside dans "la normalisation de la vente des produits conditionnés sous contrôle et avec une traçabilité. Cette mesure peut encourager le secteur formel", ajoute notre interlocuteur. 

"En même temps, il faut des financements dirigés vers le secteur agricole. Certes, le Fonds de développement agricole (FDA) intervient, mais au niveau des investissements de départ. Or, aujourd’hui, un hectare d'oignon coûte très cher. La seule banque qui finance le secteur n’arrive pas à suivre, et nous n’avons plus la main sur les produits. Ce sont désormais d’autres personnes qui spéculent, détiennent le produit et dictent leur loi sur le marché." 

À l’image des écueils soulevés dans un précédent article par les agriculteurs de la province de Berrechid, les maraîchers de la région de Meknès souffrent de la flambée des prix des intrants agricoles, parmi lesquels le coût de l’eau.

De source professionnelle, la production d’un hectare d’oignon coûte actuellement au moins 50.000 DH. "Avant l’apparition du Covid-19, elle ne dépassait pas les 25.000 ou 30.000 DH", nous explique notre interlocuteur. En ce sens, notons que le ministère de l’Agriculture subventionne les semences d’oignons.

La subvention se chiffre à 5.000 DH par hectare pour les semences certifiées, et à 4.000 DH par hectare pour les semences communes. À cela s’ajoute la mise à la disposition des agriculteurs d’engrais phosphatés et azotés subventionnés. Mais ces mesures ne semblent pas combler le manque à gagner lié à la suspension des exportations. 

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