Questionnements autour de la salubrité des pastèques marocaines : Pesticides et conformité en débat

ROUND UP. En 2023, près de 300 prélèvements ont été effectués par l'Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA) en vue de garantir la salubrité des pastèques sur le marché national. A l'inverse d'une quinzaine, la majorité des échantillons étaient conformes et sains. Plusieurs dizaines de tonnes de pastèques ont été détruits et 5 autorisations sanitaires suspendues. Est-ce suffisant pour dire que les pastèques consommées sur le marché marocain sont totalement inoffensives? Débuts de réponse.

Questionnements autour de la salubrité des pastèques marocaines : Pesticides et conformité en débat

Le 13 août 2023 à 7h13

Modifié 13 août 2023 à 7h13

ROUND UP. En 2023, près de 300 prélèvements ont été effectués par l'Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA) en vue de garantir la salubrité des pastèques sur le marché national. A l'inverse d'une quinzaine, la majorité des échantillons étaient conformes et sains. Plusieurs dizaines de tonnes de pastèques ont été détruits et 5 autorisations sanitaires suspendues. Est-ce suffisant pour dire que les pastèques consommées sur le marché marocain sont totalement inoffensives? Débuts de réponse.

Depuis quelques semaines, la salubrité des pastèques marocaine est remise en question au sein de l'opinion. Il y a en tous les cas de nombreuses interrogations, voire quelques doutes. En cause, des alertes sur la présence de matières actives et de pesticides non autorisées dans certains lots de pastèques destinées aussi bien au marché national qu’à l’exportation. 

Il y a moins d’un mois, l'Espagne a évoqué la présence d'un pesticide non autorisé, notamment le méthomyl, dans un lot de pastèques originaires du Maroc. La notification espagnole auprès du Système européen d'alerte rapide sur les produits destinés à l’alimentation humaine et animale (RASFF), en date du 14 juillet, a été suivie d’une seconde sur le sol national. 

Dans un document daté du lundi 7 août 2023, l'Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA) signale avoir identifié et fait retirer des pastèques "insalubres" sur les étals d'une grande surface. Après analyses, les deux matières actives visées sont le Flonicamid et le Triadimenol.   

Entre temps, le flou s'épaissit et le doute s'immisce dans les esprits au sujet de la salubrité des pastèques vendues aux quatre coins du pays. Contacté par Médias24, l'Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire apporte plusieurs éclaircissements ci-dessous.  

Destruction de 168 tonnes de pastèques non conformes

Les pastèques commercialisées actuellement sur le marché national ont été semées en mars et récoltées entre juin et juillet. Pendant ce laps de temps, "la qualité et la salubrité de la pastèque commercialisée a été contrôlée strictement afin d’examiner sa conformité", assure l’ONSSA.

Les agents de l’Office mènent ces opérations de contrôle et d'échantillonnage dans les exploitations agricoles, les stations de conditionnement et les circuits commerciaux (marchés de gros et grandes surfaces). 

Outre les 3.000 prélèvements d’échantillons effectués à partir des produits agricoles importés au niveau des postes frontaliers, 5.000 prélèvements d’échantillons supplémentaires sont prévus en 2023 par les services de l’ONSSA. L'objectif est de détecter des résidus de pesticides dans les fruits, légumes et aromates. 

Jusqu’à présent, 3.500 prélèvements ont été réalisés, dont environ 12% dédiés à la pastèque (299 échantillons). "Les résultats des analyses ont montré que le nombre d'échantillons conformes et sains représente 95% du total des échantillons au niveau du marché national", ajoute la même source. 

Un agent de l'ONSSA effectue des prélèvements dans un champ de pastèques.

A contrario, une quinzaine d’échantillons se sont révélés non conformes, donnant lieu aux mesures suivantes :

- Transmission au parquet des procès-verbaux pour entamer les procédures judiciaires ;

- Destruction de 168 tonnes de pastèques non conformes au niveau des stations de conditionnement ;

- Réalisation de 14 visites d’inspection des stations de conditionnement ;

- Envoi de 5 notifications de non-conformité aux responsables des Marchés de Gros et Grandes et Moyennes Surfaces pour retrait immédiat des lots concernés et des stocks  ;

- Suspension de 5 autorisations sanitaires des stations de conditionnement concernées par les non-conformités ;

- Suspension de la certification sanitaire des exportateurs concernés.

Opération de destruction de lots de pastèques non conformes.

14 produits phytosanitaires autorisés

L’alerte lancée par l’Espagne mi-juillet 2023 se base sur un échantillon prélevé le 3 juillet, montrant que la quantité de résidus de méthomyl observée dans les pastèques marocaines (0.38+/-0.19 mg/kg - ppm) dépasse le plafond autorisé (0.015 mg/kg - ppm). 

A l'époque, l'Office national de la sécurité sanitaire et alimentaire (ONSSA) a affirmé avoir interdit l’usage du méthomyl dans toutes les cultures depuis le 26 septembre 2022. Des sanctions ont d’ailleurs été prises suite à ce signalement. En tout, 14 produits phytosanitaires, dont des fongicides, des acaricides et autres insecticides sont homologués pour la production de pastèque. Après vérification, aucun n’est composé de méthomyl : 

- AGRIKAR (Fongicide) ;  

- STAR APOLLO 50 (Acaricide) ; 

- SC BAROQUE 10 (Acaricide) ;  

- SC BENEVIA (Insecticide) ;

- CONCORD 100 EC (Insecticide) ; 

- DYNAMEC 018 EC (Insecticide-Acaricide) ;

- SESAMIN EC (Nématicide) ;

- TACHIGAREN 30 L (Fongicide) ; 

- TALENDO (Fongicide) ; 

- TRIACT 90 EC (Fongicide) ; 

- VERIMARK (Fongicide) ; 

- VERTIMEC (Insecticide-Acaricide) ; 

- VYDATE 10 L (Nématicide) ; 

- VYDATE L (Nématicide) ; 

Aucune trace non plus de Triadimenol ou de Flonicamid, substances définies comme interdites par l’ONSSA dans sa note sur les pastèques insalubres commercialisées à Agadir. A noter que le Flonicamid est autorisé pour un traitement phytosanitaire de plusieurs autres cultures, à travers l’insecticide Teppeki. 

Comment se fait-il que cette matière active soit interdite pour la culture de pastèques alors qu’elle est homologuée pour d’autres cultures ? "Pour les sociétés de commercialisation de produits phytosanitaires, il n'est pas intéressant de faire un dossier d'homologation sur une culture mineure. Le parfait exemple est la menthe. De nombreux pesticides sont utilisés sur d'autres cultures mais ne sont pas autorisés dans le cas de cette dernière", nous explique une source professionnelle. 

L’exposition pour l’homme doit être acceptable

"L’autorisation d’un pesticide pour un usage donné repose sur l’étude scientifique des données propres à l’usage en question après une demande préalable déposée par la société détentrice du produit en question", corrobore l’ONSSA. 

S’agissant du Flonicamid, "l’évaluation des données scientifiques soumises à l’autorité compétente a permis l’homologation d’un seul pesticide pour des usages sur certaines cultures", poursuit la même source. Cette évaluation est la clé de voute du processus d'homologation. 

La mise sur le marché d’un pesticide, sur la demande d’une société détentrice du produit, est fondée sur les données d'études scientifiques, comprenant l’évaluation biologique des pesticides sur la culture en question, notamment en termes d’efficacité, de sélectivité et innocuité des pesticides, de résistance et de rendement. En sus de la qualité des végétaux ou produits végétaux, de la phytotoxicité et des effets secondaires.

Il s’agit aussi de données scientifiques ayant trait aux résidus dans la culture ou la culture représentative, ainsi que l’évaluation de l’exposition des consommateurs. En bout de chaîne, le produit doit démontrer un niveau d’efficacité acceptable contre la cible visée et ne pas présenter de danger pour l’homme (applicateurs et consommateurs). 

Une fois homologué et ajouté à l'index phytosanitaire de l'ONSSA, le produit est mis sur le marché. Il peut être utilisé pour un ou plusieurs usages. "L’usage est défini comme étant la combinaison d’une culture et d’un ravageur ou d’une maladie", souligne l’office garant de la sécurité sanitaire et alimentaire. 

Et de préciser : "Dans le cadre de la commission nationale des pesticides à usage agricole, nos services procèdent régulièrement au réexamen des matières actives qui entrent dans la composition des pesticides à usage agricole, dans l'optique de renforcer la sécurité sanitaire des produits alimentaires". La dernière mise à jour est d'ailleurs récente. Elle date du vendredi 11 juillet 2023. 

Des traitements phytosanitaires nécessaires

En dépit de ce dispositif, certains lots non conformes passent encore sous le radar. L’idéal serait de produire des pastèques sans utiliser de pesticides. Néanmoins, il s'agit d'un mal nécessaire. 

Par exemple, dans la zone du Lokkos, "la pastèque est sous la pression de nombreuses maladies et ravageurs, notamment l’oïdium, le mildiou, les mineuses et les acariens, qui peuvent réduire considérablement le rendement et la qualité", nous expliquait dans un précédent article, Mohamed Benicha, directeur de recherche en chimie analytique et de l’environnement, spécialisé dans les résidus des pesticides au Centre régional de Tanger de l’Institut national de recherche agronomique (INRA)

"La culture de la pastèque reçoit des traitements préventifs et curatifs pour lutter contre ces nuisibles et améliorer la qualité et la quantité de ce fruit, par une diversité de matières actives, surtout les fongicides, qui représentent plus de 46% des traitements appliqués", ajoute-t-il.  

Mohamed Benicha fait partie d’un groupe de chercheurs marocains, auteurs d’une étude sur la culture de la pastèque dans le Loukkos. L'étude conclut à une amélioration de l’usage des pesticides, "en grande partie grâce aux efforts fournis par l’Office national de la sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA), aussi bien sur le volet réglementaire et du contrôle que sur celui de la sensibilisation et de la formation des agriculteurs", dit-il. 

A l’évidence, les traitements phytosanitaires sont utilisés d'une manière plus raisonné de nos jours. Mais ils demeurent incontournables. Il y va de la survie des cultures et des agriculteurs. Autant d’enjeux socio-économique menacés par les ravageurs et autres virus.

A ce titre, la sensibilisation des exploitants pour adopter de bonnes pratiques culturales est capitale. Car il ne suffit pas d’utiliser des produits homologués, encore faut-il les utiliser pour les usages autorisés. Suivre les bonnes pratiques agricoles pour chaque usage (doses, nombre d'applications maximum, intervalle entre les applications, délai avant récolte…). Des règles incontournables pour garantir "le niveau d’efficacité et la protection de la santé humaine animale et l’environnement", conclut l’ONSSA. 

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