Après le putsch au Niger, quels impacts sur le Maroc?

Dernier pays du Sahel à être encore stable, le Niger est tombé cette semaine entre les mains des militaires après le putsch contre le président élu, Mohamed Bazoum. Qui sont les perdants et les gagnants de ce nouvel état de fait ? Quelles seront les conséquences de ce coup d’État sur la région ? Eléments de réponse.

Après le putsch au Niger, quels impacts sur le Maroc?

Le 29 juillet 2023 à 10h20

Modifié le 29 juillet 2023 à 10h20

Dernier pays du Sahel à être encore stable, le Niger est tombé cette semaine entre les mains des militaires après le putsch contre le président élu, Mohamed Bazoum. Qui sont les perdants et les gagnants de ce nouvel état de fait ? Quelles seront les conséquences de ce coup d’État sur la région ? Eléments de réponse.

Après le Burkina et le Mali, c’est au tour du Niger de tomber entre les mains des militaires après le coup d’Etat de la garde présidentielle, soutenue par les autres factions de l’armée, contre le président élu, Mohamed Bazoum. Le putsch, qui était jusque-là hypothétique, est devenu officiel avec la sortie ce vendredi 28 juillet à midi du général Abdourahamane Tchiani. Ce dernier a pris la parole à la télévision nationale pour se déclarer à la tête du coup d’Etat qui a renversé le président Bazoum. Lui et sa famille sont toujours séquestrés dans la résidence présidentielle de la capitale Niamey, selon l’AFP.

Ancien ambassadeur du Maroc en Côte d’Ivoire et fin connaisseur de la région du Sahel et de ses enjeux sécuritaires, Ahmed Faouzi nous affirme d’emblée que ce coup d’Etat n’est pas vraiment une surprise. Il s’y attendait, pour la simple raison que le Niger faisait jusque-là figure d’exception dans la région.

"Quand vous prenez une carte du Sahel, de l’Atlantique à la mer rouge, tous les pays (Soudan, Tchad, Niger, Mali), sont aujourd’hui sous régime militaire, sauf la Mauritanie. Le Niger était jusqu’à présent le seul pays du Sahel à être dirigé par un gouvernement civil. Mais sa déstabilisation n’était qu’une question de temps, car on assiste depuis quelques années à un effet domino, une déstabilisation en chaîne de cette région, à laquelle la France elle-même a participé en créant le chaos en Libye en 2011", explique Ahmed Faouzi.

La France perd son dernier bastion au Sahel

Le mot est lâché : la France. Ancienne puissance colonisatrice du Niger, celle-ci semble être le premier et le grand perdant de ce changement brutal de régime. La presse française, qui suit les événements au Niger comme s’il s’agissait d’une question interne, parle du "pire scénario" qui pouvait arriver à la France, après les "gifles" diplomatiques et militaires du Mali et du Burkina Faso, où elle a tout simplement été chassée du territoire, au profit des troupes de la milice russe Wagner.

Après les événements du Mali et du Burkina, le Niger demeurait, en effet, la seule base arrière de Paris au Sahel, où elle dispose à ce jour d’une grande base militaire, avec une présence physique de 1.500 soldats. Le Niger, c’est aussi un des grands fournisseurs de la France en uranium, minerai qui fait tourner les centrales nucléaires qui éclairent l’Hexagone. Perdre le Niger, où plusieurs centaines de personnes sont sorties dans la rue avec les drapeaux russes après le putsch, c’est perdre toute influence dans cette région stratégique où elle régnait en maître il y a tout juste trois ans... mais aussi se voir priver d’une grande source d’approvisionnement en uranium.

S’ils reconnaissent aujourd’hui le risque géostratégique considérable que ce putsch provoque et le ralliement des nouveaux dirigeants du Niger à Moscou, des experts français tendent toutefois à minimiser la dépendance des centrales nucléaires françaises de l’uranium nigérien exploité par Orano (l’ex-Areva), expliquant qu’il ne représente que 10% du total des approvisionnements de la France.

Mais quelles que soient les estimations, la France apparaît comme le plus gros perdant de ce coup d’Etat au Niger, aussi bien sur les plans politique et militaire qu’économique. Un nouveau camouflet pour Paris, selon plusieurs experts français, qui ne cesse de perdre du terrain en Afrique et notamment au Sahel, au profit de Moscou, le grand gagnant de ce putsch.

Exaspérés par la domination française, les populations du Sahel autant que les nouveaux pouvoirs en place ne jurent que par Moscou, leur nouvel allié. La milice Wagner, devenue comme nous le dit Ahmed Faouzi, "le bras extérieur de la politique étrangère de la Russie", couvre aujourd’hui toute la région. Et bien au-delà, avec une influence et une présence physique dans d’autres pays d’Afrique subsaharienne, comme la République centrafricaine.

Exploitant le sentiment anti-français des populations du Sahel, les Russes ont réussi, via des outils de propagande très puissants, à déloger la France de la région. Un véritable exploit géopolitique, mais dont les conséquences sont encore incertaines en termes de stabilité et de lutte contre le terrorisme.

"Vu de Paris, le coup d’Etat au Niger est une catastrophe. C’est la goutte d'eau qui va peut-être faire déborder le vase. La France récolte les fruits de ses erreurs stratégiques dans la région, qui en ont fait une sorte d’espace Schengen du terrorisme. Les nouveaux pouvoirs en place préfèrent donc traiter avec la milice Wagner qu’ils considèrent plus efficace, du fait de sa grande flexibilité comparée aux troupes classiques françaises ou occidentales qui doivent obéir à des règles strictes, à des votes parlementaires, etc."

Quels enjeux pour le Maroc ?

Quid du Maroc, avec qui le Niger entretient de bonnes relations ? Difficile d’anticiper la réaction de Rabat, qui reste, comme l’ont montré les expériences malienne et burkinabaise, très mesurée dans ses positions. Mais ce qui est sûr, selon notre ancien diplomate, c’est que ce putsch vient confirmer ce que le Maroc et sa diplomatie ont, depuis de longues années, plaidé au sein des instances africaines et internationales.

"Les ingrédients qui ont abouti à cette déstabilisation, le Maroc les voyait déjà venir. Il alertait déjà sur ces risques. Le Maroc connaît très bien la région, que ce soit sur le plan politique ou économique, surtout avec l’installation dans ces pays d’institutions financières marocaines. Et le Royaume est vu par les populations et les élites de ces pays comme un allié sûr qui, contrairement à la France ou d’autres pays, a su développer des relations win-win, et participe à la formation de leur jeunesse à travers des bourses, ou encore à la promotion d’un islam éclairé à traves la formation au Maroc d’imams et de morchidat. Il y a d’ailleurs beaucoup de boursiers nigériens qui poursuivent leurs études au Maroc, ainsi que des imams et des morchidat…", explique Ahmed Faouzi.

Le Maroc, un pays sahélien

Donc pas de conséquence directe sur le Maroc, ou ses relations bilatérales avec le Niger, pour l’instant. Mais l’effet indirect est là et personne ne peut le nier : la déstabilisation du Sahel et le Maroc est concerné.

"Le Maroc est un pays sahélien contrairement à ce que l’on pense. Le Sahara marocain est un peu le prolongement du Sahel. Nous ne pouvons donc pas rester indifférents par rapport aux risques sécuritaires dans la région", indique Ahmed Faouzi. Il ajoute que dans cette configuration, il apparaît aujourd’hui clairement que le Maroc est "le seul pays sûr dans cette région" et "le seul acteur qui connaît à la fois très bien la région et qui dispose des ingrédients qui peuvent aider à la pacifier" .

Avec ce développement au Niger, dernière base arrière de la France et de l’Occident dans le Sahel, les portes restent ouvertes à tous les scénarios : l’armée française acceptera-t-elle de quitter le Niger, comme elle l’a fait au Mali et au Burkina ? Les putschistes vont-ils pouvoir résister aux pressions occidentales ? Comment réagira la Russie en cas de coup de force français au Niger, où Moscou mène une guerre par procuration à la France et à l'Occident ? À suivre…

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