Médicaments : ce que l’on sait des ruptures de stocks et comment y remédier

Apparues il y a quelques mois, les ruptures de stocks de médicaments concernent surtout les produits importés. Pour remédier à ces pénuries devenues récurrentes, la production nationale et la diversification des sources d’approvisionnement en matières premières doivent être davantage soutenues.

Médicaments : ce que l’on sait des ruptures de stocks et comment y remédier

Le 28 mars 2023 à 16h27

Modifié 28 mars 2023 à 17h09

Apparues il y a quelques mois, les ruptures de stocks de médicaments concernent surtout les produits importés. Pour remédier à ces pénuries devenues récurrentes, la production nationale et la diversification des sources d’approvisionnement en matières premières doivent être davantage soutenues.

Médicaments contre les maux d’estomac, pilules contraceptives, Celestene, solution injectable utilisée lors de l’accouchement, Spasfon injectable, paracétamols injectables, tels que le Perfalgan... Autant de produits en rupture de stocks dans les officines. C’est ce que nous confirment certains pharmaciens joints par nos soins et qui font état de pas moins de 1.200 médicaments concernés. La situation est donc grave, et peut mettre en danger les patients souffrant de pathologies lourdes, nécessitant des traitements de longue durée.

Le Levothyrox reste le premier exemple cité par la majorité de nos interlocuteurs. Malgré les sorties du ministère de la Santé visant à rassurer sur sa disponibilité, ce médicament reste très rare, voire introuvable dans de nombreuses pharmacies.

"Les médicaments en rupture sont ceux importés"

Mia Lahlou Filali, directrice générale du laboratoire Pharma 5, spécialisée dans la fabrication des médicaments génériques, explique cette situation par la hausse des prix des matières premières à l’international.

"Les médicaments en rupture sont ceux importés de l’étranger, suite à la flambée des prix des matières premières et des coûts d’approvisionnement", explique-t-elle. "Le fait qu’il y ait encore des usines fermées ou qui ne tournent pas à plein régime en Asie, en Chine notamment, provoque une forte tension sur certains produits. C’est le jeu de l’offre et de la demande : plus la demande est importante, plus les prix flambent."

"Quand on est un fabricant national, on a une responsabilité sociétale très forte, et quel que soit le coût de la matière première, on l’achète, on fabrique le médicament et on le vend. Les prix des médicaments sont fixes. On ne peut donc pas impacter la flambée des prix de la matière première sur les prix de vente. D’ailleurs, plusieurs produits sont vendus à perte, mais on considère que c’est notre responsabilité."

"Lorsque le médicament est importé, on se retrouve face à une société productrice qui préfère parfois prioriser les pays les plus rentables. Le meilleur exemple de ce cas de figure reste la France. Au sein de l’Union européenne, la France dispose des prix de médicaments les plus bas, notamment sur les corticoïdes, les antalgiques et les antibiotiques. Actuellement, toutes les formes de médicaments pédiatriques sont en rupture depuis plusieurs mois dans l’Hexagone. Les firmes internationales productrices préfèrent prioriser les pays dans lesquels ces produits sont plus rentables, puisqu’elles subissent aussi la hausse très importante des prix des intrants", poursuit Mia Lahlou Filali.

Des propos confirmés par une source de la Fédération nationale des syndicats des pharmaciens du Maroc, qui fait état d’une hausse des prix de la matière première, mais aussi de toutes les taxes d’importation. Résultat : "La disparition de plusieurs produits, d’où l’importance de la constitution d’un stock stratégique de 12 mois. En une semaine, au cours de deux gardes, j’ai retourné plusieurs ordonnances en raison de la rupture des médicaments prescrits. Pour les médicaments contre les maux d’estomac par exemple, de nombreux génériques étaient en rupture. C’est donc un problème de matières premières au niveau international."

Disparition des médicaments suite à la baisse de leurs prix

"De manière générale, la rupture est un phénomène international lié à un certain nombre de problématiques, en l’occurrence la disponibilité de la matière première, vu la dépendance de l’industrie pharmaceutique internationale envers l’Inde et la Chine, qui fabriquent près de 95% des matières premières destinées à la production de médicaments. La rupture peut être due également à de fortes perturbations de la logistique, en particulier le transport et la programmation", estime pour sa part le Dr Hamza Guedira, président du Conseil national de l’ordre des pharmaciens (CNOP).

"En ce qui concerne le Maroc, nous importons plusieurs produits qui sont en rupture, ce qui devrait nous pousser à diversifier nos fournisseurs pour ne plus être dépendants d’un seul marché. C’est le cas par exemple du Levothyrox". Ce médicament, qui fait régulièrement l’objet de ruptures de stocks, est importé auprès d’un seul fournisseur.

"De nombreux médicaments ont subi d’importante réductions de prix. Les importateurs sont donc face à une problématique de rentabilité. A titre d’exemple, le Levothyrox coûte à peine près de 6 DH", ajoute le Dr Hamza Guedira.

Notre source souligne que les produits appartenant aux tranches T3 et T4 restent très chers. Leurs prix doivent être revus à la baisse. "Nous importons plusieurs produits contre les maladies graves, tels que les anticancéreux ou les médicaments contre la sclérose en plaques. Lors de l’élaboration du fameux décret de la fixation des prix en 2013, on avait accordé des prix disproportionnés à ces médicaments par rapport aux prix pratiqués dans leur pays d’origine. On se retrouve aujourd'hui avec des médicaments qui sont plus chers que dans leur pays d’origine, atteignant plus de 40.000 DH pour certains, ce qui pose problème pour l’équilibre des caisses de remboursement."

"Ces perturbations doivent être résolues, d’autant qu’en ce moment, nous sommes en discussions concernant un nouveau décret sur la fixation des prix. Les prix des médicaments chers, qui appartiennent aux tranches T3 et T4, doivent être revus à la baisse."

Contacté par Médias 24 pour nous expliquer les raisons de ces ruptures, le ministère de la Santé n’avait pas encore donné suite à nos sollicitations au moment de la publication de cet article.

Activer la préférence nationale

Le renforcement et l’encouragement de la production nationale sont les principales solutions évoquées par nos sources pour faire face aux ruptures récurrentes des médicaments. "Au Maroc, et contrairement à d’autres pays voisins ou occidentaux, on n’est pas protégé en matière de médicament. Dans les appels d’offre publics, il n’y a pas de référence nationale", regrette Mia Lahlou Filali.

"Nous l’avons vécu lors de l’appel d’offres relatif à l’approvisionnement en médicament contre l’hépatite C. La moitié a été livrée par les Marocains (trois fabricants), tandis que l’autre moitié l’a été par l’importation pour un produit plus cher. La première chose à faire, c’est donc d’aller au bout de la défense du made in Morocco, sans être protectionnistes, certes, mais tout de même, il s’agit d’un enjeu de souveraineté capitale."

"Le seul moyen de renforcer la disponibilité des produits pharmaceutiques, c’est donc de renforcer la fabrication locale. Pour cela, il faut que l’Etat encourage les gens à investir, pas uniquement en leur donnant des subventions, mais en leur assurant un minimum de débouché par rapport à leur investissement", poursuit la directrice générale du laboratoire Pharma 5.

"On est capable de tout fabriquer au Maroc. Nous avons les ressources humaines et la maîtrise de la technologie. Dans la Smart factory que nous venons d’inaugurer, nous avons anticipé l’évolution technologique, en y mettant en en place des lignes de production en système clos. A l’avenir, nous serons mêmes capables de fabriquer des produits très actifs, comme les produits d’oncologie. Le problème actuel est relatif à la taille du marché intérieur, qui est très petit. Si l’on n’a même pas l’assurance d’avoir ce petit marché intérieur, on ne pourra pas réaliser des investissements aussi importants".

Le Dr Hamza Guedira confirme. "Notre gouvernement doit encourager l’industrie nationale, qui a déjà fait ses preuves lors de la pandémie de Covid-19, durant laquelle le marché était alimenté en médicaments sans aucun problème. Il faut encourager tous les intervenants dans l’écosystème du médicament, surtout le réseau de distribution national. Il ne suffit pas d’avoir un médicament ou de l’importer ; il faut l’acheminer vers toutes les régions du pays. Actuellement, le décret de fixation des prix accorde une marge de 2% aux grossistes. Il est donc difficile que ces derniers l’acheminent vers toutes les régions du Royaume, ce qui explique la disponibilité de certains médicaments à Casablanca et pas à Oujda par exemple."

Ce problème de marge se pose également pour les pharmaciens, notamment pour les produits des tranches T3 et T4, pour lesquels les marges ne dépassent pas 400 DH.

Notre source au sein de la Fédération des syndicats des pharmaciens estime quant à elle que le Maroc devrait créer une industrie pour la production des matières premières destinées à la production des médicaments, pour ne plus être dépendant d’autres pays.

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