Initiative royale pour l'Atlantique : l’analyse de Omar Hilale au Forum annuel MD Sahara

Intervenant lors de la troisième édition du Forum annuel MD Sahara, organisé par Maroc Diplomatique les 10 et 11 mai à Rabat, autour du thème "Façade atlantique 2030 : Une Vision Royale pour une ère de connexion et de prospérité transcontinentale", Omar Hilale, représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies, est revenu sur tous les aspects de l’initiative royale.

Initiative royale pour l'Atlantique : l’analyse de Omar Hilale au Forum annuel MD Sahara

Le 10 mai 2024 à 16h19

Modifié 11 mai 2024 à 17h15

Intervenant lors de la troisième édition du Forum annuel MD Sahara, organisé par Maroc Diplomatique les 10 et 11 mai à Rabat, autour du thème "Façade atlantique 2030 : Une Vision Royale pour une ère de connexion et de prospérité transcontinentale", Omar Hilale, représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies, est revenu sur tous les aspects de l’initiative royale.

Dans son allocution, Omar Hilale, représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies, a indiqué que cette initiative "survient dans un contexte international anxiogène et chargé d'incertitudes", mais a insisté sur son caractère altruiste et porteur d'espoir par sa projection dans l'avenir, libérateur d'énergie économique de ces pays enclavés, et ambitieux par son objectif ultime de la stabilité et du développement durable".

Explorant les dimensions humaines et géopolitiques de cette initiative, M. Hilale a précisé que "l'enclavement d'un pays ne se réduit pas à un déficit ou à un manque d'accès à la mer, il se présente aussi en un sentiment d'enfermement ou d'exclusion d'une population ou d'un groupe humain", une situation que les sociologues assimilent au syndrome d'obsidionalité. L'initiative royale vise à "sortir ces pays de leur isolement en leur offrant un espace plus large et en les intégrant dans un système économique et commercial ouvert sur le monde".

Le diplomate marocain a également souligné l'importance historique de l'accès à la mer, souvent source de conflits, comme le montrent les exemples de la Bolivie ou de l'Éthiopie qui avaient revendiqué cet accès comme un droit vital. "L'importance de l'initiative royale est à analyser également à l'aune de l'enjeu de l'accès à la mer dans le passé et dans l'histoire présente", a-t-il expliqué.

S'exprimant sur l'impact transformateur de cette initiative au Sahel, M. Hilale a affirmé qu'elle "va transformer le corridor vers la mer en un facteur de paix, de stabilité, de coexistence et de développement". Cette démarche s'attaque aux "causes profondes de la fragilité de la région en s'éloignant de tout paternalisme ou ingérence dans les choix stratégiques de ces pays".

Omar Hilale a d'autre part mis en lumière le potentiel de l'Initiative royale de l'Atlantique à servir de modèle pour d'autres régions du monde, offrant "des solutions innovantes aux problèmes multiformes de l'enclavement dont souffrent lourdement 47 pays dans le monde, dont 16 sont africains". Un modèle d'engagement royal qui pourrait inspirer des actions similaires pour les pays sans littoral à travers le globe.

La dimension politique de l'Initiative

Omar Hilale a d'autre part mis en avant l'importance stratégique de l'Initiative Royale de l'Atlantique pour renforcer les relations entre le Maroc et les pays du Sahel. "Dans sa dimension politique, cette initiative vise une relation renforcée entre le Maroc et ses pays frères du Sahel", a-t-il déclaré. Il a rappelé que "les liens du Maroc avec les pays du Sahel sont séculaires, nourris par des apports multiformes des dynasties marocaines successives".

Après les indépendances, ces pays "ont bénéficié de l'assistance et de la coopération consistante du royaume malgré les pressions, les menaces et les chantages de leurs voisins algériens". L'avènement du règne de Sa Majesté le Roi Mohammed VI a marqué un tournant décisif, donnant un nouvel élan à ces relations grâce à "de nombreuses visites royales aux cinq pays de la région, des accords de coopération signés et les projets socio-économiques lancés".

Le diplomate a souligné que l'initiative arrive à un moment crucial pour injecter un élan nouveau via ce qu'il appelle la "diplomatie bleue". Cette stratégie vise à "aider ces pays à s'affranchir des barrières physiques et non physiques et à libérer ainsi le grand potentiel de leurs échanges commerciaux et à renforcer leur connectivité avec le reste du monde grâce au grand portail atlantique que Sa Majesté le Roi leur ouvre".

Par ailleurs, l'initiative vise également à promouvoir la stabilité régionale. "La région du Sahel a été pendant des siècles un havre de paix, de coexistence civilisationnelle, spirituelle et tribale, et une destination pour tous ceux en quête de savoir", a expliqué M. Hilal. Toutefois, il a noté que "depuis plus de deux décennies, cette région est affligée par la criminalité transfrontière, les réseaux mafieux de la migration, les groupes séparatistes, l'extrémisme violent et l'incrustation rampante et meurtrière des groupes terroristes Daesh et Al-Qaïda".

Convaincu que "le développement est impossible sans paix et sécurité", le Maroc a, selon M. Hilal, investi d'énormes efforts via sa diplomatie douce en faveur de la stabilité régionale, la réconciliation nationale et la paix.

Il a également affirmé que "cette initiative vise à progresser dans la réalisation des objectifs du développement durable 2030, en tirant parti de la connectivité entre les pays du Sahel, tout en prenant en considération les dynamiques et les défis nationaux qui leur sont spécifiques".

La dimension économique et commerciale

Poursuivant son analyse de l'Initiative Royale de l'Atlantique, le représentant permanent du Maroc auprès des Nations unies a abordé les perspectives économiques et commerciales que l'Initiative ouvre pour le Sahel. Les rapports des Nations Unies montrent que les pays sans littoral ont un niveau de développement inférieur de 20% s'ils avaient eu accès à la mer. "Si le Sahel est classé parmi les régions les moins avancées de l'Afrique par les Nations Unies, elle est néanmoins la plus prometteuse du continent", a-t-il affirmé.

Les indicateurs économiques du Sahel révèlent une "résilience remarquable malgré les vulnérabilités climatiques et sécuritaires, ainsi que la guerre imposée par les groupes terroristes". Il a précisé que "le PIB sahélien a quadruplé entre 1990 et 2024 et la région affiche un taux de croissance économique parmi les plus élevés d'Afrique, autour de 4,8% par an en moyenne depuis 2010".

M. Hilale a également mis en avant les opportunités d'investissement diversifiées de la région, notamment dans les industries extractives, les énergies renouvelables et l'agroalimentaire. Il a souligné l'importance du secteur agricole, qui représente près d'un tiers du PIB et emploie 75% de la population, notant que la région est un grand producteur de coton, céréales, bétail, et a un potentiel significatif en horticulture et cultures oléagineuses.

Le diplomate a considéré que l'Initiative Atlantique pourrait répondre aux problèmes structurels des pays sahéliens et offrir des perspectives de développement en exploitant le corridor vers l'Atlantique et en mettant en œuvre les accords de coopération avec le Maroc. "Au moment où la Banque mondiale s'inquiète que les chocs consécutifs des turbulences mondiales ont plongé 17 millions de personnes supplémentaires dans l'extrême précarité en Afrique, l'initiative royale vient renforcer la féconde coopération Sud-Sud dans divers domaines," a-t-il poursuivi, soulignant l'engagement du Maroc en tant que partenaire solidaire et dynamique en Afrique.

L'importance de l'appropriation locale pour le succès de l'Initiative royale atlantique

Omar Hilale est aussi revenu lors de son intervention, sur la nécessité pour les pays du Sahel de s'approprier pleinement l'Initiative Royale de l'Atlantique pour en garantir le succès. "Aucune initiative ne peut réussir si elle n'est pas appropriée par ceux à qui elle est destinée", a-t-il déclaré. Hilal a insisté sur le fait que "l'appropriation d'initiatives royales par les pays sahéliens est fondamentale pour que celle-ci leur soit pleinement bénéfique."

Selon M. Hilale, cette appropriation "deviendra le moteur du renforcement de leur souveraineté économique et leur sécurité alimentaire, et le facteur du changement du statut géopolitique de la région à long terme." Il a ajouté que "cet impératif de l'appropriation s'est immédiatement opéré. Les pays du Sahel ont pleinement saisi la portée politique de cette initiative et appréhendé les énormes opportunités qu'elle offre à leurs économies respectives".

L'enthousiasme des pays du Sahel pour cette initiative a été manifeste lors de la première réunion ministérielle consacrée à cette initiative, tenue le 23 décembre 2024 à Rabat. "Leurs ministres des Affaires étrangères ont accueilli le geste royal avec enthousiasme et reconnaissance", a expliqué Hilal. Cette réunion a été marquée par un communiqué conjoint où "ils ont exprimé leur adhésion à cette initiative de portée régionale et internationale."

Cette implication active des nations sahéliennes montre non seulement leur engagement envers l'initiative, mais aussi leur volonté de transformer positivement leurs réalités économiques et géopolitiques grâce à des partenariats stratégiques et une coopération étroite avec le Maroc.

Les groupes terroristes, principaux obstacles de l'Initiative

Omar Hilale a évoqué dans son analyse les obstacles que l'Initiative Royale de l'Atlantique doit surmonter. "Les projets structurants ne se mesurent pas à la facilité de leur exécution, mais à l'aune des défis qu'ils doivent surmonter", a-t-il affirmé.

"Les pays bénéficiaires d'initiatives royales doivent remédier à leur vulnérabilité sécuritaire et mettre fin aux activités déstabilisatrices des groupes séparatistes et terroristes qui sévissent dans la région", a expliqué M. Hilale. Selon l'Office du contre-terrorisme des Nations Unies, "ces groupes terroristes et séparatistes ont commis durant 2023 plus de 3.900 attaques, soit près de la moitié des actes terroristes dans le monde, et occasionné plus de 4.593 morts, soit 47% du nombre global dans le monde".

M. Hilale a également abordé le problème posé par les groupes séparatistes, notamment le polisario, qui "entretient des liens étroits avérés avec ces groupes terroristes et qui convergent avec eux sur le même double objectif de balkanisation du Sahel et de déstabilisation de la région".

Face à ces menaces, les pays du Sahel ont pris des mesures proactives. "Conscients du préalable de la paix et la sécurité pour le développement économique, les pays du Sahel ont investi de grands efforts dans la modernisation et l'équipement de leurs armées", a-t-il déclaré. Ils ont aussi créé l'Alliance des États du Sahel, "ce qui constitue un développement important dans l'orientation stratégique de ces pays pour assurer collectivement la défense de leur population et combattre ensemble les hordes terroristes et séparatistes".

Ces efforts, selon M. Hilale, sont essentiels pour "la sécurisation de leurs frontières et le renforcement de leur sécurité interne", ce qui leur permettra de relever le défi de leur redressement économique avec l'accompagnement solidaire de l'initiative royale.

Les défis financiers

Omar Hilale s'est aussi penché sur un aspect crucial : le financement. "S'il est admis communément que l'argent est le nerf de la guerre, il est plus que jamais avéré que l'argent est le moteur du développement", souligne-t-il.

D'après M. Hilale, "la réussite de tout chantier gigantesque comme celui du corridor de l'Atlantique, nécessitera forcément un financement à la hauteur de son ambition". Il note que bien que le Maroc dispose d'infrastructures et de logistiques routières, portuaires, et ferroviaires que Sa Majesté le Roi a annoncé mettre à la disposition de ces pays, "leur accès à l'Atlantique nécessitera impérativement de leur côté la construction et la mise à niveau de leurs infrastructures nationales respectives et par conséquent un financement colossal qui dépasse leur capacité financière".

Il est cependant optimiste quant au soutien international que l'initiative a reçu. "A peine annoncée, l'initiative royale a été accueillie avec intérêt, enthousiasme et appréciation par un grand nombre de pays et de leurs responsables internationaux", déclare-t-il, évoquant plusieurs sources potentielles de financement:

  1. Soutien international direct : Des pays comme les États-Unis, l'Espagne, la France, et les pays du Golfe ont publiquement appuyé l'initiative, offrant un potentiel financier significatif.
  2. Accords de coopération régionale : Les pays du Sahel peuvent utiliser les accords de coopération avec le Maroc pour rediriger des fonds alloués par les institutions financières internationales vers ce projet.
  3. Marché financier marocain : En tant que troisième marché financier en Afrique et premier investisseur en Afrique de l'Ouest, le Maroc peut jouer un rôle clé dans l'accompagnement des réformes financières de ces pays.
  4. Banques privées marocaines : Très présentes sur le continent, elles pourraient jouer un rôle dans le financement du projet.
  5. Institutions financières internationales : Les pays du Sahel pourraient solliciter le soutien de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.
  6. Initiative chinoise des nouvelles routes de la soie : La Chine pourrait également être une source de financement avec son enveloppe budgétaire destinée à financer les infrastructures dans les pays signataires.

Ces sources, selon Hilale, "augurent d'un potentiel prometteur de canaux de financement" pour surmonter les défis financiers et réaliser l'ambition de l'Initiative Royale de l'Atlantique.

Adversités et réactions régionales face à l'initiative royale

Dans le contexte complexe des relations régionales, Omar Hilale n'a pas manqué de rappeler les réactions adverses de l'Algérie vis-à-vis de l'Initiative Royale. Selon lui, "l'initiative royale a pris de court l'Algérie par son timing, sa pertinence et sa portée internationale, affirmant que cette initiative a "déstabilisé" l'Algérie car elle s'adresse directement aux États que l'Algérie considère comme sa zone d'influence, où elle a utilisé des "leviers de pression et de déstabilisation".

"L'Algérie a versé dans ses manœuvres sournoises des initiatives hâtives et irréalisables, dont le seul résultat a été l'effet d'annonce en interne", a expliqué M. Hilale, illustrant son point par plusieurs exemples. Il cite la tentative de réunion tripartite entre l'Algérie, la Tunisie et la Libye visant à créer un nouveau groupement régional sans inclure la Mauritanie ni le Maroc, qui s'est finalement soldée par un échec, la Libye se rétractant.

En outre, Hilale souligne la création précipitée d'une zone franche entre Tindouf et la frontière mauritanienne ainsi que l'annonce de la création d'une zone franche avec cinq pays africains frontaliers, comme des gestes destinés à rivaliser avec les initiatives marocaines.

Il mentionne également "l'intensification des pressions sur le Nigeria pour le lancement du projet irréalisable du gazoduc Nigeria-Algérie", visant à concurrencer le gazoduc Maroc-Nigeria. "Cependant, toutes ces manœuvres algériennes n'ont aucune crédibilité" , affirme Hilale, ajoutant que le "paternalisme honteux de l'Algérie envers les pays du Sahel et son ingérence flagrante dans leurs affaires internes ou encore son traitement inhumain de leurs ressortissants sur son sol ont amené ces pays à se cabrer publiquement contre le voisin de l'est.

Et d'ajouter: "Loin d'affecter le bien fondé ni la faisabilité de l'initiative royale, les gesticulations algériennes ont contribué au contraire à légitimer l'offre royale, à lui imprimer un caractère de crédibilité et surtout de solidarité sincère avec ses pays, sans condescende, ni opportunisme politique, ni agenda caché".

Les conclusions de Omar Hilale

 "Pour Sa Majesté le Roi, le Sahel n'est pas une région comme les autres. Moins encore qu'une simple barrière désertique entre l'Afrique du Nord et l'Afrique sud-saharienne", a-t-il déclaré. Selon M.Hilale, "pour Sa Majesté le Roi, le Sahel n'est pas une zone grise. Bien au contraire, elle est l'épicentre pour la paix et la sécurité régionale de la Méditerranée, la Mer Rouge, l'Afrique sud-saharienne et l'Atlantique".

Le diplomate marocain a décrit la manière dont le Roi voit le potentiel du Sahel, contrairement à la perception souvent négative de la région. "Là où beaucoup voient des problèmes, Sa Majesté le Roi voit des opportunités à mettre en œuvre. Là où d'aucuns parlent de sous-développement endémique, de crise politique et de désespoir de la jeunesse, Sa Majesté le Roi décèle le potentiel socio-économique du Sahel, le dynamisme de ses jeunes, la confiance dans ses élites et la résilience de ces peuples".

Contrairement aux approches qui utilisent le chantage et la déstabilisation, le roi propose une méthode différente. Là où certains recourent au chantage, aux menaces et à la déstabilisation par l'encouragement du séparatisme et des groupes terroristes, Sa Majesté le Roi offre la solidarité, le co-développement et la foi en la communauté du destin, a ajouté M. Hilale.

Il a également souligné l'importance du développement durable dans l'Initiative. "Seul le développement est holistique alors que l'approche militaro-sécuritaire reste fragmentée, aussi importante soit-elle."

Enfin, M. Hilale a exprimé son optimisme quant à l'impact futur de l'initiative royale. "Elle est un réel modèle d'inspiration. Elle peut servir de levier pour dynamiser le développement, non seulement au sein des pays du Sahel, mais également dans toute la sous-région et le continent africain à plus long terme."

"Le succès initial de l'initiative et son intégration dans les politiques nationales des pays bénéficiaires montrent qu'elle est bien partie pour transformer la géopolitique régionale et même globale, en invitant à une réflexion internationale sur la géopolitique des mers et des océans", a-t-il conclu.

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