Baisse de la production de miel cette année à cause de la sécheresse

ROUND UP. Les épisodes de sécheresse successifs ont réduit de façon drastique les ressources mellifères du pays, affaiblissant par conséquent les abeilles. C’est la cause principale de la baisse de la production nationale de miel. Et la tendance n’est pas près de s’arrêter dans certaines régions.

Baisse de la production de miel cette année à cause de la sécheresse

Le 26 février 2023 à 10h57

Modifié 25 avril 2023 à 12h31

ROUND UP. Les épisodes de sécheresse successifs ont réduit de façon drastique les ressources mellifères du pays, affaiblissant par conséquent les abeilles. C’est la cause principale de la baisse de la production nationale de miel. Et la tendance n’est pas près de s’arrêter dans certaines régions.

A l’approche du mois de ramadan, la demande en miel va monter crescendo. Sauf que dans la lignée de l’ensemble du secteur agricole, la productivité de la filière apicole est en recul de 10% par rapport à 2021, selon le ministère de l’Agriculture. En cause, le syndrome d’effondrement des colonies d’abeilles, dû principalement à la sécheresse qui conduit à une raréfaction des ressources mellifères (plantes dont le nectar est récolté par les abeilles pour élaborer le miel, ndlr).

Pourtant, grâce au Plan Maroc vert, l’apiculture nationale évoluait dans le bon sens. La production est passée de 4.717 tonnes en 2009 à 6.534 tonnes en 2022. Le nombre d’apiculteurs a augmenté de 22.045 (2009) à plus de 36.000 (2022), tandis que celui des ruches a atteint 900.000, dont 640.000 ruches modernes contre près de 600.000 en 2009 (111.000 modernes).

Ces ruches sont colonisées par trois races d’abeilles prédominantes. Elles se différencient principalement par leur couleur. Deux d’entre elles, "l’Apis mellifica intermissa" et "l’Apis mellifica major”, sont noires. L’"Apis mellifica sahariensis", elle, est jaune or.

Les ruches sont disséminées aux quatre coins du Royaume, selon la nature de la ressource mellifère, dont les forêts d’eucalyptus, les cultures industrielles (tournesol, colza...), les plantes naturelles de montagne (thym, euphorbe, romarin, lavande, armoise) et les plantes spontanées.

Des ressources à l’origine de plusieurs types de miel labellisés : le miel d’euphorbe (Tadla Azilal), le miel de l’arbousier (Jbel Moulay Abdeslam), le miel d’euphorbe (Sahara, région de Guelmim et de Souss-Massa), le miel de zendaz (Fès-Boulemane) et le miel de thym (Souss-Massa).

Toutefois, "ces dernières années, cette richesse s’est tarie à mesure que les ressources mellifères se sont raréfiées à cause de la sécheresse", observe Mohamed Merzouk, secrétaire général de la Fédération interprofessionnelle marocaine de l’apiculture (FIMAP), qui fait le point sur l’une des filières agricoles les plus impactées par le réchauffement climatique.

Une baisse de la production de 10%

A l’époque de son lancement, le Plan Maroc vert tablait sur une production de 16.000 tonnes à l’horizon 2020. En 2022, la production était de 6.534 tonnes, en baisse de 10% par rapport à 2021 (7.260 tonnes). L’objectif initial était-il trop ambitieux ? Pas tant que ça, au vu du potentiel productif annuel estimé à 50.000 tonnes.

Cela dit, les effets du réchauffement climatique ont eu raison des prévisions les plus optimistes. À cause de la sécheresse et des précipitations désordonnées, certaines espèces de plantes fleurissent plus tôt ou plus tard dans l’année. Ce timing ne correspond plus à l’organisation annuelle des abeilles.

Par conséquent, elles n’ont plus de quoi se nourrir, s’affaiblissent et deviennent incapables de résister à la rudesse de leur environnement. "La situation mellifère et le couvert végétal ont commencé à sérieusement se dégrader il y a cinq ou six ans", souligne Mohamed Merzouk.

"Dans la région de l’Oriental par exemple, la filière se porte mal. Dans le cas du miel d’oranger, la production par ruche était de 20 kg, mais la période de floraison s’est réduite d’un mois à quinze jours. Dès lors, la production par ruche a chuté de plus de 50% pour s’établir à 7 ou 8 kg par ruche."

"Les agriculteurs qui avaient l’habitude de produire trois ou quatre quintaux ont eu du mal à atteindre le quintal en 2022", poursuit-il, avant que notre conversation téléphonique ne soit interrompue par l’arrivée de deux apiculteurs aux fortunes diverses.

L’un assure à notre interlocuteur que sa production a baissé de 50% entre 2021 et 2022, tandis que le second admet une hausse de 20%, mais seulement après avoir déplacé ses ruches dans les environ de Nador, où les ressources mellifères sont plus abondantes, notamment le jujubier (sedra).

Mais tout le monde n’a pas la possibilité d’effectuer ce déplacement. A l’image de Mohamed Merzouk, qui fait état d’une baisse de sa propre production de miel d’oranger de 30% à 40%. Un recul auquel le syndrome d’effondrement des colonies abeilles n’est pas étranger.

Un phénomène dû à la sécheresse

Début 2022, plusieurs apiculteurs ont alerté les services vétérinaire de l’Office national de sécurité sanitaire des produits alimentaires (ONSSA) sur un phénomène jamais constaté auparavant : la mort en masse des abeilles. Cet effondrement a été confirmé par l’Office, via des enquêtes écopathologiques portant sur 23.000 ruches dans différentes régions, qui ont conclu à l’atteinte de 36% des ruches étudiées.

Membre de la commission scientifique qui avait pour mission de réaliser des dépistages dans le cadre de ces enquêtes, Mohamed Merzouki assure que ni les maladies, et encore moins les pesticides, ne sont à l’origine de l’effondrement des colonies d’abeilles.

"Les pesticides représentent un danger réel. Mais ce n’est pas la cause principale. Car au moment où les agriculteurs commencent à utiliser les pesticides, les apiculteurs déplacent le plus souvent leurs ruches", explique-t-il.

"Lors du colloque scientifique organisé à Rabat en mars 2022, les participants ont été unanimes : l’effondrement des colonies d’abeilles est lié au déficit hydrique qui a provoqué un manque de pollen, ingrédient de base pour la survie d’une ruche."

"Il est vrai que certains apiculteurs accusent les pesticides pour expliquer la mort des abeilles", ajoute une source du ministère de l’Agriculture. "Mais ils sont rares ; il est donc difficile d’en déduire une tendance générale. Car en réalité, le gros problème, c’est la sécheresse."

"Pour preuve, un grand apiculteur possédant des ruchers qu’il alimente parfois avec du sucre. Il s’est avéré que ses colonies d’abeilles ne s’étaient pas effondrées, contrairement aux ruchers qu’il n’alimente pas", complète notre source.

La récolte de 2023 également en danger

Près d’un an après les ravages du phénomène de l’effondrement des colonies d’abeilles, le cauchemar semble se répéter dans certaines régions. "La région de l’Oriental a été particulièrement touchée par le syndrome de l’effondrement des colonies d’abeilles. C’est le cas également cette année", déplore Mohamed Merzouki.

La situation risque d’empirer à cause du retard accusé dans le cadre du plan d’urgence mis en place par le ministère de l’Agriculture. Ce plan visait à approfondir les investigations, avec des enquêtes écopathologiques sur l’ensemble du territoire, à traiter les ruches existantes et à reconstruire celles qui ont été perdues.

Cependant, cette reconstitution prend plus de temps que prévu. "La distribution des ruches aux apiculteurs n’a pas encore débuté, car le processus de l’appel d’offres pour l’achat des ruches est long et fastidieux", révèle à Médias24 une source du ministère de l’Agriculture.

Ce retard a également des conséquences sur la collaboration entre l’ONSSA et les apiculteurs. "D’habitude, les apiculteurs sont réticents au moment d’évoquer leurs récoltes ou le nombre de ruches qu’ils possèdent, par superstition. Pourtant, l’année dernière, ils ont collaboré dans le cadre des enquêtes et du recensement réalisés", affirme Mohamed Merzouki.

"Mais comme les aides qui leur ont été promises ne sont jamais arrivées, plusieurs apiculteurs ont décidé cette année de ne pas déclarer la totalité de leurs ruches, même dans le cadre de la campagne nationale de lutte contre la varroase", regrette-t-il.

Optimisme dans la province de Béni Mellal

Un manque de transparence qui risque de favoriser la prolifération du varroa, un acarien extrêmement nocif pour les colonies d’abeilles. "A moins qu’il y ait suffisamment de précipitations assurant le couvert végétal et du pollen pour les abeilles", nuance le secrétaire générale de la FIMAP.

Et d’expliquer : "La varroase attaque les ruches faibles dont les abeilles manquent de nourriture. D’ailleurs, les traitements ne sont pas effectués en pleine saison, car les ruches sont pleines et actives. Les abeilles réussissent donc à éliminer le varroa. Autrement dit, la prolifération de la maladie est particulièrement due à un manque de pollen, ce qui affaiblit les ruches."

Néanmoins, l’espoir d’une reprise de la production subsiste dans certaines régions. Comme la province de Béni Mellal, dans le Moyen Atlas, "où les neiges et pluies qui s’y sont abattues pourraient être bénéfiques pour la production de miel d’euphorbe (daghmous)", assure Mohamed Merzouki.

Dans la province de Rhamna, relevant de la région Marrakech-Safi, les apiculteurs sont également optimistes. "Il y a quelques jours, un apiculteur m’a assuré que ses colonies d’abeilles commençaient à se reconstituer petit à petit. La situation s’améliore dans cette région en tout cas", conclut un ingénieur agronome. Pourvu que ça dure.

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