Round up. La filière des fruits rouges en légère perte de vitesse

Marquée par une croissance soutenue depuis les années 1990, la filière des fruits rouges accuse un ralentissement en terme de superficie cultivée, à cause de la maturité des marchés importateurs et une baisse de la demande européenne. Le point avec Amine Bennani, président de l’Association marocaine des producteurs de fruits rouges.

Round up. La filière des fruits rouges en légère perte de vitesse

Le 22 février 2023 à 18h23

Modifié 25 avril 2023 à 12h31

Marquée par une croissance soutenue depuis les années 1990, la filière des fruits rouges accuse un ralentissement en terme de superficie cultivée, à cause de la maturité des marchés importateurs et une baisse de la demande européenne. Le point avec Amine Bennani, président de l’Association marocaine des producteurs de fruits rouges.

L’avènement au Maroc de la filière des fruits rouges date des années 1970, avec la production de fraises dans la région du Loukkos. Son expansion à logique commerciale à grande échelle n’a débuté qu’à partir des années 2000. Depuis, myrtilles, framboises, mûres et baies de goji ont étoffé l’offre nationale en fruits rouges pour répondre à la demande des marchés européens.

Mais ces deux dernières années, le rythme de croissance de la filière a légèrement ralenti. En cause, "la maturation du marché et la baisse de la demande dans certains pays de l’Union européenne, plus précisément en Grande-Bretagne et en Allemagne", affirme à Médias24 Amine Bennani. 

Le président de l’Association marocaine des producteurs de fruits rouges (AMPFR) fait le point sur les perspectives d’une filière qui, à l’image du secteur agricole du pays, est confrontée aux conditions climatiques extrêmes et à la pénurie d’eau. 

Une croissance qui tourne au ralenti

Lors de la campagne agricole 2021-2022, 11.600 ha ont été consacrés à la production de fruits rouges dans le pays. Une superficie répartie quasiment à part égale entre les fraises (3.500 ha), les myrtilles (4.000 ha) et les framboises (4.000 ha). "Près d’une centaine d’hectares sont dédiés à la culture des mûres et baies de goji", complète Amine Bennani. 

En comparaison à la campagne 2020-2021 (9.000 ha), la surface cultivée en 2021-2022 a augmenté de 2.600 ha pour s'établir à 11.600 ha. En 2022-2023, la superficie sera de 13.000 ha, soit une hausse de 1.400 ha, tous fruits rouges confondus. "Le rythme de croissance a ralenti. La superficie cultivée augmente toujours, mais moins vite qu’avant car le marché est mature", indique M. Bennani.

"Lors de la précédente campagne, nous avions augmenté la superficie de la framboise mais les producteurs ont eu des problèmes d’écoulement et ils se sont retrouvés déficitaires", explique-t-il. "L’année prochaine, nous aurons une baisse des superficies de framboises, mais avec un maintien des autres cultures de fruits rouges."

Si la région du Loukkos est le berceau de la culture des fruits rouges au Maroc, elle a rapidement été rejointe par le Gharb. Les deux régions accueillent 75% des superficies, suivies par la région Souss-Massa (25%), plus précisément dans la province d’Agadir. "Actuellement, nous essayons de développer cette culture dans les régions du sud, notamment à Dakhla, mais aussi à Meknès", déclare M. Bennani.  

Dans ces régions où le cycle de production dure de novembre à juin, selon le fruit rouge, 214.000 tonnes ont été produites et exportées. Soit une hausse de 20% par rapport à la campagne de 2020-2021 (180.000 T), dont 90.000 T de fraises, 60.000 T de framboises et 57.000 T de myrtilles. Sur les 214.000 T produites, on compte 124.000 T de fruits rouges frais et 89.000 T de surgelés. 

 

Les principaux pays importateurs de fruits rouges marocains frais sont issus en grande majorité (94%) de l’Union européenne (Espagne, Allemagne…). Les 6% restants sont des pays du Golfe, ainsi que les pays scandinaves à hauteur de 3%", précise Amine Bennani. 

Et d’ajouter : "Avant la crise en Ukraine, la Russie était également un pays importateur de fruits rouges marocains. En ce qui concerne les fruits rouges surgelés, ils sont exportés vers près de 50 destinations, dont les Etats-Unis (8%) et l’UE (79%)."

 

La Chine, un marché prometteur mais difficile à pénétrer 

Les fruits rouges sont un produit hautement périssable, en particulier dans le cas de la framboise. Raison pour laquelle la conquête de nouveaux marchés s’avère limitée. "Sauf dans le cas de la myrtille", nuance M. Bennani. "Nous travaillons actuellement en collaboration avec l’ONSSA, pour nous implanter sur le marché chinois."

"Plusieurs opérateurs sont intéressés par ce marché comme Driscoll (Etats-Unis), Surexport (Espagne) ou des groupes marocains associés à des sociétés espagnoles", a-t-il précisé. "Mais il n’y pas encore d’accord entre l’ONSSA et la douane chinoise."

"Il faut qu’il y ait un protocole d’accord entre les deux pays pour que nos fruits rouges soient admis et autorisés par la douane chinoise, contrairement à l’Union européenne, où nous avons des autorisations de vente, au même titre que le Canada, les Etats-Unis ou encore la Russie."

En attendant l’ouverture du marché chinois aux fruits rouges marocains, plusieurs sociétés étrangères se lancent dans la production de ces fruits dans le Royaume. Après la firme chilienne Agroberries, c’est l’entreprise fruiticole espagnole Daifressh qui a acquis deux nouveaux sites totalisant une superficie de 140 hectares.

"Généralement les sociétés qui produisent des fruits rouges au Maroc sont des joint-venture, à savoir un partenariat entre des producteurs marocains et étrangers", explique Amine Bennani. "Cela permet aux sociétés étrangères de maîtriser la ligne de production de l’amont jusqu’à l’aval. Sans cette maîtrise, difficile de s’assurer de la fiabilité de la production, de la vente et de la commercialisation des produits."

Dans les faits, le groupe étranger fournit les plants aux opérateurs marocains qui les cultivent. Le groupe contrôle et effectue le suivi des producteurs avec des ingénieurs et des techniciens. Une fois la récolte prête, il procède à la vente, pour être sûr de la qualité des produits et l’acheminement de la production.

Certes, il y a des sociétés marocaines comme Iberry, qui est à 100% marocaine, "mais elle possède des partenaires en Europe qui s’occupent de la commercialisation", souligne notre interlocuteur. 

7.000 m³ d’eau par campagne pour irriguer un hectare de fruits rouges

Partant du postulat que l’apport en eau par hectare de fruits rouges est d’environ 7.000 m³ pour toute une campagne agricole, le plus grand défi auquel sont confrontés les opérateurs de la filière est l’irrigation, en particulier dans la région d’Agadir, où le stress hydrique est important. Une problématique que l’eau dessalée ne semble résoudre qu’en partie.

"Les opérateurs ont remarqué que l’eau dessalée ne répond pas à toutes les spécificités et besoins des cultures de fruits rouges. Car les stations de dessalement dont l’eau est destinée à l’irrigation, comme celle d’Agadir, ont été conçues suivant un cahier des charges qui s’est basé sur la tomate comme culture de référence", déplore le président de l'AMPFR. 

Il est vrai que la teneur en certains éléments dans l’eau dessalée n’est pas adéquate par rapport aux besoins de la myrtille, une culture sensible au chlorure. "L’eau de mer à une salinité totale qui varie de 33 à 39 g/l. Le chlore tout seul représente jusqu’à 19 g/l", détaille Fouad Amraoui, chercheur et professeur en hydrologie à l’Université Hassan II de Casablanca. 

Et de poursuivre : "Le dessalement peut ramener la salinité de l’eau à moins de 1 g/l pour qu’elle serve à l’usage domestique. Le chlore donc représente 40 à 50 %, soit 400 à 500 mg/l. Pour certaines cultures sensibles comme les fruits rouges, l’utilisation de l’eau dessalée peut être un frein à moyen terme en termes de rendement agricole et de salinisation des sols."

Autres problématiques majeures, la flambée des prix des intrants agricoles qui impacte le prix de production des opérateurs de fruits rouges alors que la demande est en baisse. 

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