Affaire Ouahbi : l’arbre qui cache la forêt de la défiance des Marocains vis-à-vis des politiques

Le tollé populaire contre le ministre de la Justice, comme celui contre les députés impliqués dans l’affaire de la billetterie au Qatar, nous ramène de manière brutale à la réalité, après la parenthèse enchantée du Mondial. Exit la "Niya"... les Marocains montrent encore une fois qu’ils n’ont absolument pas confiance en leurs élus.

Affaire Ouahbi : l’arbre qui cache la forêt de la défiance des Marocains vis-à-vis des politiques

Le 5 janvier 2023 à 17h02

Modifié 5 janvier 2023 à 18h01

Le tollé populaire contre le ministre de la Justice, comme celui contre les députés impliqués dans l’affaire de la billetterie au Qatar, nous ramène de manière brutale à la réalité, après la parenthèse enchantée du Mondial. Exit la "Niya"... les Marocains montrent encore une fois qu’ils n’ont absolument pas confiance en leurs élus.

Il aura suffi de quelques jours pour que le positivisme ambiant, né de la performance de l’équipe nationale au Qatar, retombe. Et les "héros" de cet exploit sont encore une fois les politiques : d’abord ceux qui sont accusés d’avoir abusé de leur position pour créer un "marché secondaire" de la billetterie des matchs du Maroc à Doha, puis le ministre de la Justice, Abdellatif Ouahbi, qui subit un procès public à la suite des résultats du concours d’accès à la profession d’avocat et de son dérapage verbal pour justifier la présence de son fils dans la liste des admis.

Dans les deux affaires, les internautes, actifs sur les réseaux sociaux, nouvelle arène de débat politique et social, ne veulent rien savoir. Avant même qu’une enquête sérieuse ne soit menée sur les deux fronts, pour que les faits reprochés aux uns et autres soient établis, la sentence populaire est déjà tombée.

Concernant la première affaire, le président de la Fédération royale marocaine de football (FRMF), Fouzi Lekjaa, a pris ses responsabilités et diligenté une enquête administrée par les magistrats de la FRMF, en donnant à l’opinion publique un délai (le 10 janvier) pour que les responsables de ce scandale soient jugés.

Dans l’affaire des robes noires, Abdellatif Ouahbi s’est rapidement invité sur un plateau de la SNRT pour s’expliquer et présenter ses excuses aux Marocains qui se sont sentis blessés par ses propos. Aucune enquête administrative ou judiciaire sur les faits ou les suspicions concernant le ministre et son département n’a été lancée pour l’instant.

Manque de confiance des citoyens dans les politiques

Bien que ces deux affaires ne soient pas liées à première vue, elles ont en commun un mal qui ronge la société marocaine depuis plusieurs années : le manque de confiance des citoyens dans les politiques.

Si l’enquête de la FRMF, dont les résultats seront bientôt connus, blanchit tout le monde, personne ne lui accordera de crédit. Et un scandale viendra s’ajouter à un autre. Les gens veulent la tête des politiques, il faut la leur donner, ou rien ne passera.

Idem dans l’affaire Ouahbi. Ses excuses ne serviront à rien. Il est comme la majorité des responsables politiques de notre pays : inaudible. Et seul son limogeage pourra contenter l’opinion publique, qui est convaincue que ce concours a été entaché de favoritisme, de népotisme et de clientélisme. Personne ne pourra convaincre la justice populaire du contraire.

La défiance dans notre pays est à son comble. Et ces deux affaires ne sont que l’arbre qui cache la forêt "noire", l’indice d’un malaise très profond, d’une fracture qui sépare les citoyens de leurs élus, quel que soit leur niveau de responsabilité.

Comment faire confiance à un homme qui, dit-on, criait haut et fort, quelques jours avant les élections législatives, qu’il ne serait jamais ministre dans le gouvernement Akhannouch ? Comment croire ce qu’il dit, ce qu’il promet, quand on sait les graves accusations qu’il portait sur son actuel chef et allié politique ? Comment le ministre de la Justice pourra-t-il demain convaincre l’opinion publique du futur projet de Code pénal dont il a la charge ?

Cette défiance ne concerne pas uniquement la personne de Abdellatif Ouahbi qui, il faut le dire, ne cesse de multiplier les maladresses de communication. Elle est générale. Et c’est l’un des principaux, voire le principal frein au développement du pays, comme l’ont bien constaté les membres de la Commission sur le Nouveau Modèle de développement.

"Niya", une façon très marocaine de dire "confiance"

Walid Regragui, qui est désormais cité en exemple dans la gestion de la chose publique, le management des équipes, la communication des citoyens et le sens du patriotisme et de l’intérêt public, parlait de "Niya", une façon très marocaine de dire "confiance". Un concept qui lui a permis de faire converger les énergies de tout un peuple autour d’un projet, et qui a été (sans superstition aucune) le secret de sa réussite.

Ça a marché dans le foot, mais c’est valable dans tous les domaines. N’importe quel économiste vous le dira : un pays peut avoir les meilleures politiques publiques du monde, si la variable confiance est nulle, il ne faut pas s’attendre au moindre résultat positif.

C’est également valable dans l’investissement, où un Etat peut dérouler tous les incentives possibles et imaginables, sans obtenir de résultat si les entrepreneurs n’ont pas confiance en l’administration, en leurs interlocuteurs politiques. Idem dans le domaine des réformes sociales, celle de l’éducation à leur tête.

Nous disposons aujourd’hui d’un projet, d’une feuille de route pour relever le niveau de l’école publique. Le projet est ambitieux, bien ficelé, très beau sur le papier. Mais sans la confiance de l’ensemble des acteurs du système, enseignants, directeurs d’établissement, fonctionnaires du ministère, inspecteurs, élèves et parents d’élèves… on retombera dans les mêmes travers des plans du passé.

Au-delà des soupçons de favoritisme dans un concours public, faits graves s’ils se confirment, voilà donc ce que l’affaire Ouahbi nous révèle : une défiance populaire vis-à-vis de tout ce qui vient du politique. Une maladie qui n’est pas seulement marocaine mais mondiale, et dont personne ne parvient à trouver le remède.

Sauf si les Marocains, dans leur intelligence collective, arrivent à innover et à concocter une recette politique, démocratique, où des Regragui – et Dieu sait qu’ils sont nombreux – arrivent à s’imposer pour conduire le pays de l’ombre au soleil…

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