Le texte modifiant la loi organique portant statut des magistrats est en cours d’examen par les députés. Il introduit une mesure qui concerne les délais de traitement des dossiers, dans le but de remédier aux lenteurs à ce niveau.

Dans les cas pour lesquels le législateur n’a pas prévu de délais fixes, le projet de loi permet au Conseil supérieur du pouvoir judiciaire (CSPJ) de fixer des délais "indicatifs" pour le traitement des dossiers, selon la nature de ces derniers.

Cela dit, cette mesure est très mal accueillie par la profession, notamment les membres du Club des magistrats du Maroc, dont le secrétaire général, Abdeslam Zouir, contacté par Médias24. "Le problème ne réside pas dans le fait de fixer les délais de traitement de dossiers, mais de tenir les magistrats pour uniques responsables de ce qui ne relève pas d’eux, surtout en l’absence d’études et de statistiques scientifiques et objectives en la matière", affirme-t-il.

Pour le Club des magistrats du Maroc, le traitement des dossiers doit être effectué dans un "délai raisonnable", tel que prévu par l’article 120 de la Constitution. Il s’agit donc d’un "droit constitutionnel", qui nécessite de réunir les "conditions adéquates dans le respect des droits et libertés des citoyens".

Selon Abdeslam Zouir, "les principales raisons de la lenteur des dossiers n’ont pas été discutées, alors que les plus importantes d’entre elles sont liées à la notification, aux convocations, aux jugements et décisions, ainsi qu’à la multitude d’intervenants et au nombre des parties, mais aussi aux modalités de notification qui n’ont pas évolué. N’est-il pas temps d’adopter la notification électronique et d’utiliser les SMS ou autres moyens de communication modernes ?"

"Il est aussi nécessaire de fournir les moyens matériels et humains suffisants et qualifiés qui correspondent à la quantité de dossiers. Le magistrat n’a aucun intérêt à tarder dans le traitement des affaires, car, dans tous les cas, il est contraint de prononcer une décision", poursuit-il.

Pas de consultation préalable

"La responsabilité du magistrat intervient lorsqu’il n’étudie pas le dossier ou qu’il n’ordonne pas les mesures d’investigation et de vérification. Le retard de leur exécution revient, quant à lui, à la partie chargée de les exécuter. On ne peut donc pas dire que le magistrat est responsable des lenteurs et le sanctionner dans ce sens. Cela constitue une menace à l’indépendance de la justice. D’où la nécessité de revoir ces dispositions", souligne Abdeslam Zouir.

Pour l’heure, les commentaires de la profession restent lettre morte. Selon notre interlocuteur, le Club des magistrats du Maroc n’a pas été consulté au préalable et n’a pris connaissance de ces dispositions qu’après le dépôt du projet de loi au Parlement.

"Le ministre de la Justice n’a pas voulu consulter les associations professionnelles et a exprimé explicitement son refus de le faire, en violation flagrante des dispositions de la Constitution et des lois réglementaires, et en rejet de l’approche participative qui porte atteinte à la qualité des textes et des projets qui peuvent être éloignés de la réalité et ne répondent pas aux défis et problèmes posés dans la pratique (...). Il était nécessaire de consulter les juges par le biais de leurs associations professionnelles établies conformément à la Constitution", conclut-il.