L’affaire de l’imam Iquioussen, nouveau point d’achoppement diplomatique entre Rabat et Paris ?

L’affaire de l’imam qui devait être expulsé de France vers le Maroc prend des allures de brouille diplomatique entre Paris et Rabat. Les autorités françaises ont vécu la suspension du laissez-passer consulaire délivré il y a quinze jours par les autorités marocaines comme « une humiliation », si l'on en croit le terme utilisé par plusieurs politiques et commentateurs de l’Hexagone pour qualifier cette décision. Round up d’une nouvelle affaire qui vient enrayer des relations qui ne cessent de se dégrader.

L’affaire de l’imam Iquioussen, nouveau point d’achoppement diplomatique entre Rabat et Paris ?

Le 1 septembre 2022 à 18h44

Modifié le 1 septembre 2022 à 19h02

L’affaire de l’imam qui devait être expulsé de France vers le Maroc prend des allures de brouille diplomatique entre Paris et Rabat. Les autorités françaises ont vécu la suspension du laissez-passer consulaire délivré il y a quinze jours par les autorités marocaines comme « une humiliation », si l'on en croit le terme utilisé par plusieurs politiques et commentateurs de l’Hexagone pour qualifier cette décision. Round up d’une nouvelle affaire qui vient enrayer des relations qui ne cessent de se dégrader.

PARIS. "En fuite" depuis le verdict du Conseil d’Etat qui a validé la décision de son expulsion du territoire français, l’imam Iquioussen (né en France mais de nationalité marocaine uniquement) est désormais au centre d’une nouvelle brouille diplomatique entre Rabat et Paris.

Le Maroc, qui, selon le ministre de l’Intérieur français Gérald Darmanin, a délivré il y a deux semaines aux autorités françaises un laissez-passer consulaire pour permettre l’extradition de l’imam vers le Maroc, a fait machine arrière, mardi soir, en suspendant ce document nécessaire à l’exécution de l’extradition, selon les informations diffusées en France.

« Une humiliation », répètent en chœur les politiques et commentateurs français sur les chaînes d’information, les radios et dans la presse de l’Hexagone. Pour beaucoup, cette affaire qui allait s’achever sur un happy end, « une grande victoire de la République » comme le clamait Gérald Darmanin, s’est transformée en un fiasco retentissant.

 « Un camouflet politique pour les autorités françaises »

Cheffe de l’extrême droite en France, Marine Le Pen s’est montrée particulièrement virulente contre le Maroc dans un tweet diffusé le mercredi 31 août. « Le seul islamiste que Gérald Darmanin s’apprêtait à expulser de France, après des mois de procédures, est aujourd’hui introuvable. Quant au Maroc, il bloque son expulsion en suspendant le laissez-passer consulaire. La France doit à nouveau se faire respecter ! », tonne-t-elle.

Beaucoup de twittos français abondent dans le même sens, se demandant pourquoi la France ne prend pas des mesures de rétorsion fortes « contre ces pays qui nous humilient sans arrêt ».

« Il y a eu des imams expulsés. Donc c’est faisable. On a des moyens de faire plier le Maroc. Je crois que l’Etat français n’a pas d’autre choix que d’aller au bout du bout sinon c'est le déshonneur pour tous », lance pour sa part la chroniqueuse et éditorialiste de CNews, Gabrielle Cluzel.

Le terme « humiliation » n’est pas utilisé dans le camp de la droite seulement - déchaîné par cette affaire d’expulsion d’un islamiste notoire - mais également à gauche, notamment par les Insoumis de Mélenchon.

De passage sur Sud Radio, Rodrigo Arenas, député du parti, a qualifié également la décision marocaine ainsi que la fuite de l’imam de « profonde humiliation » pour la République, critiquant le ministre de l’Intérieur qui aurait fait de ce dossier interne une affaire d’Etat.

« L’affaire est désormais entre les mains du Quai d’Orsay et de l’Elysée »

« C’est devenu une affaire d’Etat. Maintenant que le Maroc ne donne plus de visa consulaire (pour extrader l’imam, ndlr), l’affaire ne dépend plus désormais du ministre de l’Intérieur, mais du Quai d’Orsay et du président de la République. Nous avons aujourd’hui un problème diplomatique qui n’était pas nécessaire », souligne le député LFI.

Contactées par Médias24, plusieurs sources diplomatiques marocaines refusent de commenter ce dossier. C’est donc silence radio à Rabat, qui n’a pas pris non plus de position officielle jusque-là, au moment où les interprétations fusent en France sur ce qu’on appelle la volte-face marocaine.

Une volte-face qui n’en est pas une, selon certains analystes, du fait de la probable fuite de l’imam en Belgique ou dans un autre pays de l'UE. Ce qui n’est pas de l’avis de tous. Car aujourd’hui, la France est en contact avec les autorités belges afin de capturer l’imam en cavale et le livrer à l’Etat français pour qu’il puisse l’extrader et clore ce dossier. Une extradition de facto impossible, faute de laissez-passer consulaire marocain.

« La solution préconisée d’attendre que la Belgique l’attrape et le livre à la France ne tient pas, parce que l’imam n’est pas extradable aujourd’hui vers le Maroc. Ça devient un casse-tête pour tout le monde », explique le député Rodrigo Arenas.

Le Maroc pourrait revenir sur sa décision, selon Gérald Darmanin

Mais le ministre de l’Intérieur reste optimiste. Il pense que le Maroc pourrait revenir sur sa décision au cas où l’imam recherché serait livré à la France ou retrouvé dans l'Hexagone, sa fuite présumée en Belgique n’ayant pas été officiellement confirmée par les autorités des deux pays.

De passage sur CNews ce matin, le ministre français de l’Intérieur affirme avoir eu des échanges, le mercredi 31 août, avec les autorités marocaines à ce sujet : « J’espère avoir convaincu les autorités marocaines de livrer le laissez-passer qu’ils nous avaient délivré voilà quinze jours. »

Le ministre a par la même occasion exprimé « son étonnement » face à cette suspension du laissez-passer consulaire, mais dit avoir compris les raisons qui ont motivé Rabat. Selon lui, les services marocains ont demandé un complément d’information sur l’imam Iquioussen avant son expulsion au Maroc.

« Et c’est bien normal. Nous considérons que c’est une personne dangereuse, il n’est pas tout à fait anodin que les services marocains nous demandent davantage d’informations... Je les ai données (les informations, ndlr) hier soir (mercredi) aux autorités marocaines. Je n’ai pas de doute sur le fait que si nous interpellons demain M. Iquioussen, il sera évidemment expulsé au Maroc », affirme, sûr de lui, le ministre.

Une mesure vexatoire de Rabat pour faire passer un message politique ?

Mais cela reste une version assez policée des faits, nous confie un géopolitologue marocain et expert des relations France-Maroc, qui pense que Darmanin tente de dissimuler « le camouflet qu’il a subi personnellement sur ce dossier » et qui serait, selon notre analyste, largement justifié.

« Si le Maroc voulait des informations, il l’aurait exigé avant de délivrer le laissez-passer consulaire il y a quinze jours, comme l’affirme le ministre de l’Intérieur français. La suspension du laissez-passer est un acte politique et doit se lire comme tel. Car il s’est passé des choses durant ces quinze jours qui peuvent justifier le changement de la position marocaine », explique notre expert.

Parmi les éléments qu'il cite, le discours royal du 20 août. « Le Roi a clairement signifié aux partenaires du pays que le Maroc n’accepterait plus d’ambiguïté sur le dossier du Sahara. Plusieurs pays européens et non européens ont réagi immédiatement au discours royal, réaffirmant leur soutien au plan d’autonomie proposé par la Maroc. Mais pas la France, ni le président Macron. »

Autre élément qui a dû vexer Rabat selon notre analyste : l’annonce « maladroite » par le président Macron de sa visite au Maroc en octobre, faite au sortir d’un concert de musique électro au Touquet, au lendemain de sa visite en Algérie. « Un président ne devrait pas faire ça. Les visites présidentielles doivent être annoncées d’abord de manière officielle. C’est un non-respect du protocole et des formes auxquelles le Maroc est fortement attaché. »

Pour notre analyste, la suspension du laissez-passer consulaire délivré aux autorités françaises est fort probablement « une mesure vexatoire assumée » qui vient en réponse à tous ces éléments, mais aussi à ce que les Français appellent eux-mêmes « des mesures vexatoires », au sujet de la réduction du nombre de visas délivrés aux citoyens marocains. Une sorte de réponse du berger à la bergère…

« Le Maroc a fait passer un message. Et je pense qu’il a été bien reçu à Paris. La coopération bilatérale ne peut pas être faite à la carte, à la demande et au profit d’une seule partie. C’est un ensemble. Le Roi l’a signalé de manière claire dans son dernier discours en affirmant que le dossier du Sahara est le seul prisme par lequel le Royaume évalue ses partenariats. Et la France reste à ce jour ambiguë dans ses positions sur ce sujet, essayant de jouer à l’équilibrisme entre Rabat et Alger. Ceci n’est plus accepté côté marocain. »

Affaire à suivre...

Ce que l’on sait de l’affaire de l’imam Hassan Iquioussen

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