Étude: Le statut des médias associatifs au Maroc davantage précarisé

“Invisibles”, “retranchés” ou encore “précarisés”, les médias associatifs au Maroc pâtissent de situations contraignantes qui découlent de la réforme du Code de la presse, mais aussi du contexte marqué par la pandémie du Covid-19. C’est ce que conclut une étude réalisée dans le cadre du projet “Libex” qui “vise à développer et à renforcer les capacités des médias associatifs au Maroc".

Étude: Le statut des médias associatifs au Maroc davantage précarisé

Le 14 février 2022 à 19h42

Modifié 15 février 2022 à 7h31

“Invisibles”, “retranchés” ou encore “précarisés”, les médias associatifs au Maroc pâtissent de situations contraignantes qui découlent de la réforme du Code de la presse, mais aussi du contexte marqué par la pandémie du Covid-19. C’est ce que conclut une étude réalisée dans le cadre du projet “Libex” qui “vise à développer et à renforcer les capacités des médias associatifs au Maroc".

Depuis la réforme du Code de la presse en 2016 et compte tenu du contexte pandémique, "le statut légal des médias associatifs au Maroc a été précarisé davantage sur les plans institutionnel et financier", indique une étude sur l' "Impact du nouveau Code de la presse sur les médias associatifs au Maroc à l’heure de la Covid-19". Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet « Libex », qui vise à développer et à renforcer les capacités des médias associatifs au Maroc.

Sans définition précise, le concept de "média associatif" réfère, selon l'étude, à des "médias auto-organisés et participatifs appartenant au secteur non lucratif. Ils ont comme principal objectif de s’adresser aux communautés géographiques locales et/ou marginalisées".

Faisant face à une loi stricte quant aux conditions d'exercice du métier, et compte tenu des difficultés financières auxquelles est confrontée la presse en général, les médias associatifs peinent à se frayer une place et à obtenir une reconnaissance légale de leurs activités.

Malgré ses importants apports, rappelés par les auteurs de l’étude, la réforme du Code de la presse est tout de même pointée du doigt. Elle a créé "un nouveau vide juridique pour les médias associatifs opérant sur internet". Ceux-ci "ne peuvent plus opérer dans l’espace de liberté" qu’offre le web, puisque certains se sont retrouvés à exercer dans l’illégalité.

Seuls 372 sites de médias associatifs obéissent aux exigences légales (2019)

Grâce aux réseaux sociaux et à leur expansion au Maroc, "de nombreux sites d’information ont émergé au niveau local et dans les régions éloignées de l’axe Rabat-Marrakech. Ces sites, qui ont en général une forte audience locale, étaient devenus les premiers relais de l’information à leur niveau". Cela dit, les auteurs de l'étude estiment que le nouveau Code de la presse a "remis en cause" leur existence.

Selon les chiffres du ministère de la Communication, repris dans ce rapport, près de 4.000 sites d’information ont été déclarés non conformes aux dispositions en vigueur. Sachant qu’en 2019, les 372 sites obéissant aux exigences légales se concentrent dans l’axe Casablanca-Rabat (63%).

N’étant pas conformes à la loi, "plusieurs sites d’informations locaux, portés soit par des personnes, soit par des associations ou encore par des entreprises, ont été fermés depuis l’entrée en vigueur du nouveau Code de la presse", indique le rapport.

Selon ce dernier, "les procureurs du Roi dans plusieurs régions du Maroc ont entamé une campagne visant plusieurs dizaines de sites d’information locaux. Ainsi, durant les premiers mois de l’année et en plein contexte pandémique, les médias ont rapporté la fermeture de plusieurs sites d’information sur décision de justice, en raison de la non-conformité de ces sites avec les dispositions du nouveau Code de la presse".

"En février (2020, ndlr), six sites d’information et/ou de pages Facebook ont été fermés par décision de justice dans la ville d’Essaouira. En avril (...), c’est à Tiznit que la justice sévit à l’encontre de plusieurs sites d’information locaux."

Le nouveau statut du journaliste professionnel : un frein pour les médias associatifs

L’étude rapporte également que les médias associatifs déplorent le fait que le nouveau statut du journaliste professionnel constitue un frein à l’exercice normal de leur activité. Interviewé par les auteurs de l’étude, Driss Ksikess, professeur, écrivain et journaliste, "estime que le Code de la presse met des contrôles sur le statut du journaliste (carte de presse, diplômes, autorisations de tournage) qui vont à l’encontre de la législation internationale sur la question de la pluralité des médias".

L’exigence d’un personnel professionnel complique les activités des médias associatifs ou locaux sur le plan financier. Ceux-ci ne peuvent pas assurer des rémunérations moyennes estimées par le Conseil national de la presse, dans une récente étude (2021), allant de 6.500 DH pour un journaliste débutant à 14.600 DH pour un directeur de publication.

L’absence de carte de presse, dont l’octroi est limité aux seuls journalistes professionnels, conformément à la loi 90-13, comme le précisent les auteurs de l’étude, a contribué à exaspérer les contraintes liées aux conditions d’exercice des activités de médias associatifs, durant la période de confinement. "Seuls les journalistes disposant d’une carte de presse, et dûment déclarés par leur publication auprès des autorités, pouvaient bénéficier des autorisations exceptionnelles de déplacement."

Autre problématique durant la crise Covid : les difficultés financières. Si le contexte pandémique a conduit les autorités marocaines à mettre en place un dispositif d’appui à la presse, les auteurs de l’étude estiment que ces aides n’ont ciblé que les grands médias.

"Les entreprises de presse ayant un grand nombre de journalistes permanents sont largement avantagées par rapport à des rédactions aux effectifs réduits, ou encore celles recourant plus largement aux contributions externes, notamment de journalistes freelance. (...) Le secteur associatif n’a pas été concerné par les dispositifs d’aide et de soutien qui ont été mis en place au Maroc par le Comité de veille économique", lit-on dans le rapport de l’étude.

De manière générale, les médias associatifs ne sont pas étrangers aux difficultés financières. Cette catégorie "dépend largement de subventions et de contributions d’organismes internationaux". Or, conformément à l’article 13 de la loi 88-13, la presse écrite et électronique a l'interdiction de recevoir "d’une manière directe ou indirecte des fonds ou des aides de la part des gouvernements ou instances étrangères".

"L’actuel Code de la presse maintient des sanctions économiques très élevées et ne prévoit pas, pour ces sanctions, le principe de proportionnalité par rapport à la capacité financière du média ou du journaliste sanctionné", déplorent les auteurs de l’étude.

Des institutions pour assurer la pluralité des médias

Pour pallier ces difficultés, ces derniers recommandent - entre autres - la création d’une "entité représentant les médias locaux et régionaux, qui puisse porter un projet de plaidoyer spécifique pour la protection de la diversité et de la pluralité des médias", ainsi que "la protection des intérêts de ses membres".

Ce dispositif permettra d’assurer "une visibilité, sur le plan national, des problématiques et des thématiques qui concernent les médiaux locaux et régionaux", précise-t-on dans le rapport.

Les auteurs de l’étude appellent également à l’organisation d’un "débat national sur la réforme du Code de la presse" et des "garanties nécessaires qu’il doit offrir pour la diversité et la pluralité des médias". Un objectif que visera, au même titre, un "observatoire qui contribuera, via des rapports périodiques et thématiques" à "améliorer la protection du pluralisme et de la liberté des médias au Maroc et dans la région" (...).

Vous avez un projet immobilier en vue ? Yakeey & Médias24 vous aident à le concrétiser!

Si vous voulez que l'information se rapproche de vous

Suivez la chaîne Médias24 sur WhatsApp
© Médias24. Toute reproduction interdite, sous quelque forme que ce soit, sauf autorisation écrite de la Société des Nouveaux Médias. Ce contenu est protégé par la loi et notamment loi 88-13 relative à la presse et l’édition ainsi que les lois 66.19 et 2-00 relatives aux droits d’auteur et droits voisins.

A lire aussi


Communication financière

Attijari REIM: “Anfa REIT SPI” Exercice clos le 31.12.2023

Médias24 est un journal économique marocain en ligne qui fournit des informations orientées business, marchés, data et analyses économiques. Retrouvez en direct et en temps réel, en photos et en vidéos, toute l’actualité économique, politique, sociale, et culturelle au Maroc avec Médias24

Notre journal s’engage à vous livrer une information précise, originale et sans parti-pris vis à vis des opérateurs.