Les raisons de la forte hausse des transferts des MRE au 1er trimestre, selon des experts

B.B | Le 5/5/2021 à 15:47

Pour deux experts contactés, la surprenante hausse des transferts de MRE n’est pas uniquement liée à un mouvement de solidarité. Pour l’un, cela traduit aussi la formalisation de flux qui étaient informels avant la crise. Pour l’autre, une telle hausse ne peut pas seulement s’expliquer par les envois d’aides familiales. Elle résulte de rapatriements de fonds détenus à l’étranger et la vente de devises, également comptabilisés dans la rubrique 'MRE'.

Selon les derniers chiffres de l’Office des changes, les transferts de fonds effectués par les Marocains Résidents à l’Étranger ont accéléré leur performance constatée en 2020, en s’établissant à 20,9 milliards de dirhams au premier trimestre 2021 contre 14,73 milliards de dirhams un an auparavant, soit une forte hausse de 41,8%.

En fait, les transferts des MRE connaissent une croissance forte depuis la seconde moitié de l’année 2020. Une croissance qui traduit un élan de solidarité exceptionnel de la part des MRE pour aider leurs familles. Néanmoins, ce n'est pas la seule raison.

La hausse s’explique par plus de solidarité mais aussi par la formalisation des transferts

Pour Iñigo Moré, enseignant à Berkeley et fondateur du centre de recherche Remesas.org, qui suit l’évolution des transferts d’argent dans le monde, la solidarité des MRE envers leur famille est bien là. « Il y a un facteur de solidarité qui s’est déclenché de façon plus forte que la normale. Les urgences des familles marocaines au Maroc en temps de crise sont résolues avec de l’argent envoyé par leur famille à l’étranger. Les transferts traduisent cette solidarité et cette entraide » explique-t-il.

Mais cette augmentation des transferts traduit également une formalisation d'une partie des flux déjà existants. « La hausse des transferts relate aussi deux choses. Certes il y a une solidarité qui se matérialise, mais il y a aussi une formalisation des transferts. A travers cette hausse se cache également un flux qui auparavant était informel et qui désormais est comptabilisé par l’Office des changes » explique Inigo Moré. En effet, lors des voyages des MRE au Maroc, nombre d’entre eux viennent avec des cadeaux ou de l'argent en cash pour leurs familles. Avec les restrictions de mouvement imposées par les pays à cause de la pandémie, ces budgets ont été concrétisés par transferts formels.

Une aide aux familles qui devrait s’essouffler sur le reste de l'année

Selon Iñigo Moré, cette solidarité a ses limites, particulièrement en temps de crise. S’il lui est impossible de dire quand la tendance s’inversera, il rappelle que les transferts de fonds des MRE à leur famille au Maroc proviennent de leurs revenus. Ces derniers ne sont pas non plus épargnés par la crise, particulièrement en Europe d’où proviennent la majorité des transferts.

« Si les revenus s’amoindrissent, les transferts se réduiront aussi, c’est inévitable. En Europe, d’un point de vue macro-économique, le chômage s’aggrave, et le total des revenus de la population recule. D’un point de vue économique, cette tendance des transfert de fonds que l’on observe actuellement, n’est pas soutenable. Les MRE expriment une attache, un amour, une solidarité à leur pays, mais ils ne sont pas des magiciens » explique-t-il. 

Mais dans un précédent article, Iñigo Moré confiait à Medias24 qu'avec la baisse des revenus des MRE, une tendance baissière des transferts serait à prévoir dès septembre. Un pronostic qui s'est avéré déjoué. Alors pourquoi la hausse perdure-t-elle de manière si soutenue ?

Le rapatriement des fonds étrangers et le change de devises expliquent une si forte hausse

Contacté, un autre expert nous donne sa lecture de la forte hausse des transferts de MRE enregistrée sur le premier trimestre. Pour lui, il est essentiel de rappeler les caractéristiques statistiques des transferts. « Il faut savoir que la rubrique MRE est un compte résiduel. Il s’agit d’envoi de fonds de MRE à leur famille pour les aides familiales, mais pas uniquement » nous explique notre expert.

Notre source nous apprend que le change de devises en dirhams effectué par des marocains résidents au Maroc sont également comptabilisés dans cette rubrique. « Il en est de même pour des marocains qui détiennent des fonds à l’étranger non déclarés et qui souhaitent les rapatrier sans qu’ils soient soumis à une déclaration officielle à l’Office des changes ou sans passer par la contribution libératoire. Ces transferts sont également comptabilisés dans la rubrique MRE » ajoute notre interlocuteur.

Pour lui, la solidarité n’est pas le seul facteur expliquant une croissance de près de 42% des transferts de MRE d’une année sur l’autre. « Les fortes hausses vécues à travers l’histoire viennent d’éléments exceptionnels comme par exemple les campagnes de régularisation des travailleurs marocains en Espagne en 2006. Cela avait boosté les transferts. Mais là, c’est l’inverse, nous sommes en criseJe ne pense pas que cela vienne de la solidarité des MRE envers leur famille. Car n’oublions pas qu’eux aussi souffrent de la crise. Logiquement, nous devrions observer au mieux une stagnation de ces transferts et non une augmentation aussi importante que celle observée au premier trimestre 2021 » confie-t-il.

D'après notre source, il n’y a pas d’explications claires et limpides sur le sujet. Cependant, deux hypothèses se dégagent. « Je pense que cette forte progression vient notamment d’un mouvement exceptionnel lié aux craintes de communication financière entre le Maroc et l’OCDE. Nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il s’agit de marocains résidents au Maroc qui rapatrient leurs fonds au Maroc. Il peut également s’agir de résidents marocains qui détiennent des devises qu’ils vendent dans les bureaux de change par manque de liquidité » explique-t-il. La seconde hypothèse pourrait être en lien avec des arbitrages financiers de la part des MRE pour bénéficier de taux d’intérêts plus avantageux qu’en Europe. « Dans la rubrique MRE, il y a aussi les dépôts des MRE dans les banques marocaines. Une autre hypothèse qui se dresse, c’est la question de l’arbitrage financier. En Europe, actuellement, les taux d’intérêt sont négatifs et au Maroc, les taux créditeurs se situent autour de 2%, donc il se peut que certains MRE décident d’épargner ici ou d’investir ».

Pour notre interlocuteur, ces deux raisons pourraient pousser les transferts des MRE à la hausse sur le reste de l’année. « Il faut savoir que par le passé, quand il y a des hausses de ce genre, elles n'ont pas duré éternellement. Généralement il s’agit de phase exceptionnelle qui durent un an et demi ou deux ans avant de retrouver un niveau normatif. Pour les transferts qui concernent purement les aides familiales, il est évident que leur évolution sera tributaire de celle des revenus des MRE » conclut notre interlocuteur.

 

>>> Lire aussi : La surprenante hausse des transferts de MRE en 2020 expliquée par un expert

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