Au Maroc, près de la moitié des salariés du secteur privé toujours sous le Smig

Le rapport d’activité de la CNSS pour l’année 2019 regorge de données sur la structure des salaires dans le secteur privé. Salaire moyen, différences de genre, précarité de l’emploi, disparités sectorielles et régionales, entreprises qui créent le plus d’emplois… Les principaux chiffres à retenir.

Au Maroc, près de la moitié des salariés du secteur privé toujours sous le Smig

Le 4 novembre 2020 à 18h31

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

Le rapport d’activité de la CNSS pour l’année 2019 regorge de données sur la structure des salaires dans le secteur privé. Salaire moyen, différences de genre, précarité de l’emploi, disparités sectorielles et régionales, entreprises qui créent le plus d’emplois… Les principaux chiffres à retenir.

Ce rapport a été présenté au conseil d’administration de la CNSS, tenu en juin 2020. Il vient d'être rendu public par le ministre du Travail. Il donne une cartographie des entreprises affiliées à la caisse ainsi que des salariés déclarés. Les chiffres de ce rapport vont certainement évoluer de manière significative en 2020 au vu de la crise économique générée par la pandémie du Covid-19, mais la structure et les tendances générales ne bougeront pas trop, effet de masse oblige.  

A fin 2019, la CNSS comptait ainsi plus de 250.000 entreprises pour 3,54 millions de salariés déclarés. Durant les cinq dernières années, ce nombre de salariés déclarés a progressé en moyenne de 3,4% par année.

La masse salariale déclarée par le secteur privé s’est montée à 159 milliards de DH au total, contre 122 milliards de DH il y a cinq ans. Ceci est le résultat de l’augmentation du nombre d’affiliés mais également d’une certaine hausse des salaires dans le secteur privé.

Une masse assez grande qui cache toutefois le faible niveau de salaires servis dans le secteur privé. Ainsi que de fortes disparités de genre et entre secteurs d’activité.

45% des salariés déclarés touchent moins que le Smig mensuel

Ainsi, si le salaire moyen déclaré est de 5.255 DH pour 214 jours déclarés, 45% des salaires déclarés en 2019 sont inférieurs au Smig mensuel et 16% seulement des inscrits au régime perçoivent des salaires mensuels dépassant 6.000 DH.

Si l’on prend la médiane, indicateur plus représentatif que la moyenne qui est faussée par les extrêmes, le salaire médian dans le privé ressort à 2.738 DH.

L’idée que le privé paie bien est donc balayée par ces chiffres de la CNSS. Autre chiffre très parlant: les salariés qui touchent 10.000 DH et plus ne représentent que 7% de l’ensemble des personnes déclarées, soit un petit nombre de 247.394 personnes.

Les femmes représentent moins du tiers des effectifs du privé

Dans cet ensemble de salariés déclarés par les entreprises, la femme reste toujours sous représentée. Le secteur privé restant encore dominé par la gente masculine.

Les femmes représentent ainsi 32% de l’ensemble des salariés déclarés. Ce taux était de 22% en 1990, soit une progression de 10 points à peine en 30 ans…

Pire encore, cette sous-représentation des femmes dans l’entreprise s’accompagne de grandes disparités dans la rémunération par rapport aux hommes.

Le rapport d’activité de la CNSS nous apprend ainsi que 49% des femmes déclarées en 2019 perçoivent moins que le Smig. Chez les hommes, ce taux est de 43%.

Ces disparités se creusent encore plus quand on monte dans l’échelle des salaires. Dans la tranche des salaires hauts, seuls 75.909 femmes touchent 10.000 dirhams et plus, contre 171.485 hommes. Un rapport de 30/70 qui montre que plus on monte dans l’échelle, moins on trouve de femmes…

Ces disparités de genre existent en vérité dans toutes les tranches de salaires. Ainsi, seules 78.113 femmes touchent entre 3.000 et 6.000 DH par mois, contre plus d’un million d’hommes…

Des effectifs jeunes mais une forte précarité de l’emploi

L’analyse des données de la CNSS par âge montre aussi que les jeunes sont fortement présents dans le secteur privé. Ce qui reflète un peu la pyramide des âges de la société.

Ainsi, 46% des salariés déclarés par le secteur privé ont un âge inférieur à 35 ans. Et l’âge moyen de l’ensemble des salariés est de 37,7 ans: 38,2 ans pour les hommes et 36,7 ans pour les femmes.

Une structure d’âge qui n’a pas trop bougé par rapport à celle de 1990, année où l’âge moyen des salariés du privé était de 36 ans, soit une évolution de 1,7 an, en 30 ans.

Ces emplois dans le privé sont toutefois très précaires comme le montre les données de la CNSS. Une précarité plus accentuée chez les femmes que chez les hommes, comme le note le rapport.  

Preuve par les chiffres: 31% des salariés sont déclarés moins de 6 mois dans l'année. Et seuls 25% des salariés font une année pleine de travail (12 mois ou 312 jours de travail).

Et parmi ces "privilégiés" au travail régulier, les femmes sont encore une fois les moins représentées: seules 20% des salariées sont déclarées à hauteur de 12 mois sur 12 contre 27% pour les hommes.

Finance et communication: les secteurs qui rémunèrent le mieux

Par secteur, le rapport de la CNSS nous apprend que le plus gros des salariés déclarés travaillent dans les services (21%), l’industrie (18%), le commerce (15%) et la construction (15%).

Mais le secteur le mieux rémunérateur est celui des "activités financières et d’assurance". Le personnel du secteur financier, qui ne représente pourtant que 2% de l’ensemble des personnes déclarées, affiche un salaire moyen de 14.937 DH pour un total de 281 jours déclarés. Loin, très loin de la moyenne globale de 5.255 DH pour 214 jours travaillés.

La finance est suivie par le secteur de "l’information et de la communication", qui dégage un salaire moyen de 11.686 DH pour 248 jours travaillés en moyenne. Mais là aussi, ce secteur ne représente que 2% des effectifs déclarés à la CNSS.  

Ces deux secteurs sont suivis de loin par "le transport et entreposage" (6.520 DH et 248 jours), le commerce (5.712 DH et 247 jours), les services (5.163 DH et 238 jours) et l’industrie (5.002 dhs et 228 j).

En bas de l’échelle, les trois secteurs les moins rémunérateurs dans le privé sont: "l’agriculture, la sylviculture et la pêche", avec un salaire moyen de 2.975 dirhams et à peine 147 jours de travail, "l’hébergement et la restauration" (4.044 DH et 201 jours) ainsi que la construction (4.046 DH et 201 jours).

Autre donnée intéressante: le secteur qui connaît le plus de turnovers est celui des services, avec un flux net entrées/sorties du régime de 32%.

Les TPE créent le plus d’emplois

Le rapport de la CNSS renseigne également sur les dynamiques de l’emploi dans le privé. Et du type d’entreprises qui portent ces dynamiques.

En 2019 par exemple, le portefeuille global des entreprises actives a augmenté de 6% par rapport à 2018 dépassant ainsi les 250.000.

Donnée assez surprenante: sur cette masse d’entreprises, 62% emploient moins de 3 salariés et 86% emploient moins de 10 salariés. Ce sont donc les TPE qui déclarent le plus de salariés à la CNSS contrairement à l’idée reçue. Une donnée qui reflète en toute logique la structure de l’économie marocaine qui reste dominée par les entreprises de petite taille.

Mieux encore, sur les nouvelles déclarations de salariés effectuées en 2019, le plus gros vient de ces mêmes TPE. "La part des créations d'emploi des entreprises déclarant au plus 10 salariés étant de 96%", note le rapport.

De manière plus globale, les affiliés déclarant moins de 10 salariés représentent 86% du total des entreprises affiliées à la CNSS en 2019. Les entreprises de plus de 200 salariés ne représentent que 1% de l’ensemble des entreprises affiliées…

Casablanca, Agadir, Tanger: les régions les plus actives

Par région, Casablanca ressort en toute logique comme le principal bassin d’emploi dans le privé. La capitale économique vient en tête de classement des salariés déclarés avec une part de 38%. Elle est suivie de très loin par les régions d’Agadir et de Tanger, qui affichent des parts de 11% chacune.

Des données qui reflètent les dynamiques économiques dans ces trois régions et renseignent en même temps sur les grandes disparités territoriales en termes d’investissement et de création d’emplois par le secteur privé.

Les régions de Laâyoune, l’Oriental et la Chaouia ne représentent par exemple que 3% chacune de l’ensemble des salariés déclarés. Meknès-Tafilalet et Fès-Boulemane ne sont pas mieux loties avec des taux d’à peine 5%.

La pension moyenne est de 1.648 DH !

Les faibles rémunérations dans le privé et les disparités de genre se reflètent tout naturellement sur les prestations à la sortie.

Ainsi, le rapport nous apprend que 71% de l’ensemble des pensionnés perçoivent des pensions inférieures à 2.000 DH. En 2019, La pension moyenne servie, tous types de pensions confondus (retraite, invalidité, réversion…), est d’à peine 1.648 DH.

Sur les personnes ayant pris leur retraite en 2019, 55% perçoivent des pensions inférieures à 2.000 DH et 27% perçoivent des pensions comprises entre 3.000 et 4.200 DH.

"Globalement, les nouveaux pensionnés perçoivent des pensions supérieures à celles de l’ensemble. Ce constat est le résultat de l’amélioration des salaires déclarés et de l’allongement de la durée des carrières des assurés", explique le rapport de la CNSS.

Mais le taux de remplacement dans le régime reste globalement très faible, malgré cette évolution. Et ce taux par rapport au dernier salaire est, comme le note le rapport, plus favorable aux bas revenus. Plus le niveau des salaires est bas, plus le taux de remplacement est important.

Pour les salaires inférieurs au Smig, ce taux est de 69%. Il atteint 47% pour les salaires compris entre 5.000 DH et le plafond (6.000 DH). Au-delà du plafond, le taux de remplacement descend à 39% et passe carrément à 15% pour les salaires supérieurs à 10.000 DH.

Par genre, les femmes représentent 97% des assurés percevant des pensions de réversion, 18% de l’effectif des retraités et 40% de pensionnés d’invalidité. La pension moyenne de retraite servie aux femmes est de 1.936 DH contre 2.004 DH pour les hommes.

Les hommes sont encore fois mieux lotis, résultat direct de leur omniprésence en période d’activité et leur niveau de rémunération supérieur à celui des femmes.

La femme, malgré la grande évolution de la société ces dernières années, n’est toujours pas considérée comme un chef de foyer, puisque les allocations familiales servies par la CNSS sont majoritairement servies aux hommes à hauteur de 86%...

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