Sonasid : Ismaïl Akalay raconte l'impact de la crise et les perspectives du secteur

Brian Brequeville | Le 24/7/2020 à 14:00

Entre l'écroulement des ventes, l'arrêt de l’approvisionnement en matière première et le maintien du paiement de salaires de ses employés, Sonasid n'a pas été épargnée par la crise. Mais avec des signes de redressement du marché début juin et une sa situation financière solide, la firme compte maintenir ses investissements pour lancer de nouveaux produits.

Bien avant la crise sanitaire et économique engendrée par le Coronavirus, l’industrie sidérurgique marocaine était soumise à de nombreuses pressions, notamment une demande locale faible et d'importations massives de produits finis venant concurrencer les producteurs locaux. Ces pressions ont été exacerbées par le contexte actuel.

Ventes en baisse et décalage des approvisionnements

Sonasid, filiale d'Al Mada et du géant ArcelorMittal et leader du secteur, avait déjà présenté un bilan au T1 2020 avec des indices en recul par rapport à une année auparavant : un chiffre d’affaires consolidé en retrait de près de 34%, passant de 955 à 632 millions de dirhams. Un trend qui s’est naturellement poursuivi durant la phase de confinement qu'a traversée le Maroc. D'ailleurs, elle vient de publier un profit warning où elle annonce une chute de 34% de ses ventes au premier semestre.

Son directeur général, Ismaïl Akalay, confie au Boursier, que « les employés des usines ont travaillé jusqu’au 31 mars pour constituer des stocks de façon à répondre à toute demande du marché. Nos trois usines sont ensuite passées à l’arrêt sur les mois d’avril et mai, ce qui a eu un impact financier important pour nous. Il y a cependant eu des ventes durant ces mois d’arrêt, mais ces dernières étaient très faibles, de l’ordre 10% à 15% du volume habituel ».

Puisque les ventes ont été impactées, l’approvisionnement en matières premières a été interrompu pour limiter la casse. La société qui utilise la ferraille comme matière première pour la fabrication de ses ronds à bétons et ses fils machine s’approvisionne au niveau local et international. « Il y a un approvisionnement local qui couvre environ 30% de nos besoins. Ce dernier s’est arrêté totalement car les camions ne circulaient plus entre les villes. Les 70% restant, en provenance de l’extérieur, viennent en bateau mais nous avons négocié des décalages de réception et de paiement de la marchandise avec nos fournisseurs », nous explique Ismaïl Akalay. Un moyen pour la société de soulager ses cash-flow. « Sachant que les usines ne fonctionnaient pas sur les mois d’avril et mai, cela aurait encore plus affecté l’entreprise » poursuit le directeur général.

Malgré ces difficultés, Sonasid annonce avoir poursuivi le paiement intégral des salaires de ses employés et de ne pas les avoir inscrits à la CNSS pour la perception de l'indemnité pour arrêt temporaire d'activité. Tout en reconnaissant que « cela a eu un coût ». Car si la centaine d’employés au niveau du back-office (marketing, vente, administratif) étaient en télétravail, les ouvriers sur les trois usines du groupe à Jorf Lasfar et Nador ont quant à eux cessé le travail sur les mois d’avril et mai.

Reprise en douceur et investissement maintenu

La reprise est déjà amorcée pour le sidérurgiste qui se réjouit du redémarrage des activités depuis le mois de juin. « Nous avons repris et nous avons pu voir que le marché a bougé avec la remise en marche des chantiers de construction. Nous sommes donc reparti en production à partir de juin. Ce qui s’est passé sur ce mois est très encourageant et nous espérons rester sur ce trend », se réjouit le directeur général de Sonasid. En effet, selon une note de l’association professionnelle des cimentiers, les livraisons de ciment ont affiché une hausse de 33% sur le mois de juin, laissant présager une reprise d’activité progressive sur le secteur. Cependant avec les célébrations de l’Aïd Al Adha, « nous nous attendons à ce que cela donne un léger coup d’arrêt. Les chantiers vont s’arrêter pendant minimum deux semaines entre fin juillet et début août », nuance Ismaïl Akalay.

Concernant les investissements en cours, déjà en augmentation sur le T1 2020, ceux prévus pour le reste de l’année resteront inchangés, nous garantit le directeur général de Sonasid. « Malgré la crise du coronavirus, nous allons poursuivre nos investissements. Grâce à nos actionnaires ArcelorMittal, nous bénéficions d’un appui solide en terme de R&D et nous voulons aller chercher de la valeur ajoutée et des projets plus rémunérateurs », sans cependant divulguer les détails sur lesdits projets en cours. Le dirigeant nous explique cependant que les investissements réalisés au T1 2020 « concernent principalement la maintenance de nos usines. Nous investissons beaucoup dans la maintenance préventive et les renouvellements d’équipements ». Il poursuit, « nous devons améliorer ces outils industriels car nous travaillons sur de nouveaux produits que nous souhaitons mettre sur le marché début 2021. Il s’agit de ronds à bétons et de fils machines améliorés ».

Contexte structurellement tendu et concurrence acharnée

Les perturbations conjoncturelles que traverse Sonasid apparaissent dans un secteur en proie à de grandes difficultés structurelles. Entre une demande locale stagnante et des importations de produits finis qui augmentent d’année en année, le sidérurgiste fait face à un marché complexe. « Le problème que nous avons aujourd’hui est que beaucoup d’importations de produits finis viennent nous concurrencer. Nous avons jusqu’à fin 2021, une clause de sauvegarde qui permet de taxer ces produits importés de l’ordre de 50€ la tonne, ce qui représente une taxe de 10% sur la valeur du produit importé. Mais le quota d’importation non soumis à cette taxe, autorisé par le ministère de l’industrie et du commerce, augmente de 10% chaque année », nous explique Ismaïl Akalay.

Le directeur général de Sonasid détaille au Boursier, « sur une consommation nationale d’environ 1,2 million de tonnes de rond à béton par an et 250 000 à 400 000 tonnes par an de fil machine, en 2019, il y a eu une importation de 295 000 tonnes de rond à béton et de fil machine. L’essentiel de ces produits finis sont importés de la Turquie, pays avec lequel nous avons un accord de libre-échange (ALE). Les importations turques ont doublé en 2019 par rapport à 2018 ». Un contexte qui selon l’industriel, fait perdre des parts de marché aux acteurs locaux contraints de niveler leurs prix par le bas, qui plus est dans un pays où l'offre locale a une capacité de production de 3,5 millions de tonnes.

Entre le marteau et l’enclume, ces derniers se heurtent également à des barrières à l’export. Car dans cette industrie férocement défendue dans d’autres zones du monde comme les Etats-Unis ou encore l’Union Européenne, des droits de douanes de 25% sont appliqués aux produits en provenance de l’étranger, faisant de facto perdre au Maroc, sa compétitivité prix sur ces marchés d’exportation.

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