Abderrahmane Lahlou: “Dans 5 ans, la finance participative pourrait accaparer 5 à 6% du marché” (Entretien)

Propos recueillis par Imane Boujnane | Le 5/11/2019 à 8:10

L’Académie de la finance participative (APAF) a été inaugurée jeudi 31 octobre à Casablanca. Cette académie a pour but de sensibiliser et former la population aux principes et à l’utilité de la finance participative. Son président, Abderrahmane Lahlou, nous a accordé un entretien pour mieux cerner les enjeux de la finance participative au Maroc et le rôle que pourrait jouer l'APAF dans son développement. 

 

-LeBoursier: Selon vous, quels sont les enjeux de la finance participative au Maroc?

-Abderrahmane Lahlou: D’une manière globale, l’enjeu principal de la finance participative réside dans la contribution d’une population plus large à l’activité économique moderne grâce à l’inclusion financière. Aujourd’hui, beaucoup de gens ont des convictions religieuses et des éthiques qui les empêchent de s’engager dans le domaine bancaire. Les plus radicaux ne déposent pas leur argent dans les banques. Les moins radicaux reçoivent leur salaire en banque, font des dépôts mais ne demandent pas de crédit. L’enjeu est ainsi d’inclure ces personnes en les encourageant à créer des comptes bancaires, faire des dépôts et assurer le futur de leurs enfants.

-Qu'est ce qui vous a motivé pour créer votre académie?

-Depuis sa création, la finance participative s'est très vite appropriée 11% du marché national. Toutefois, beaucoup pensent que les banques participatives n’ont pour raison d’être que l’octroi des crédits. En effet, les financements des banques participatives dépassent les 7,5 milliards de DH en juillet 2019 et vont probablement dépasser les 8 MMDH ou 9 MMDH à la clôture de l’année alors que les dépôts ne se sont élevés qu'à 2 MMDH en juillet dernier. Les banques conventionnelles emploient les dépôts pour les financements à environ 90% alors que les banques participatives se fient à leur capital. C’est ce dilemme qui nous a particulièrement poussé à créer cette académie.

- A votre sens, qu’est ce qui empêche ces personnes d’ouvrir des comptes bancaires dans les banques participatives?

-Les gens ne connaissent pas les banques participatives, c'est donc l’éducation qui pourrait remédier à ce problème. Les banques font déjà du marketing et des actions commerciales pour se faire connaître, nous pensons donc que cette académie pourrait les aider. Le système de la finance participative a été instauré par les autorités, il est nécessaire qu’il fonctionne. Ce qui inquiétant, c’est effectivement la demande.
Sa majesté le Roi a mis l’accent sur les banques durant son dernier discours, ces denières doivent se rapprocher des petites entreprises et financer d'avantage des investissements mais également contribuer à l’inclusion financière.
C’est généralement les personnes "traditionnelles" qui évitent de se fier aux banques. On est là pour leur dire, nous sommes en 2019, vous devez aujourd’hui faire partie du circuit économique. Nous nous adressons à des gens qui sont hors circuit pour des raisons d’éthique ou des gens qui veulent élargir leurs sources de financement. 

- Concrètement, que vas faire l’APAF pour développer la demande?

-Nous avons déjà commencé par des publications. Nous avons commencé par répondre à 40 questions récurrentes chez les citoyens. Ainsi, nous avons publié un ouvrage qui s’appelle"Les 40 questions/réponses sur la banque participative". Une dizaine de milliers d’exemplaires ont été imprimés pour être distribués gratuitement dans des réunions. Ensuite, nous avons publié un ouvrage qui explique ce qu’est la banque participative.

Par ailleurs, nous comptons organiser des foires, des conférences, caravanes régionales et avont préparés deux vidéos qui seront diffusées dans les réseaux sociaux. Nous essayons donc de toucher les citoyens avec les moyens habituels de sensibilisation. Pour ce faire, nous avons besoin du support d’institutions publiques et nous travaillons ainsi sur ça.

Aujourd’hui, nous sommes environ six personnes dans cette fondation. Nous allons donc nous lier à des associations régionales, bien implantées dans des villages et mettre à leur disposition nos ouvrages, publications et des vidéos et c’est eux qui vont prendre la relève.

-Quelles sont les perspectives d'avenir pour les banques participatives?

-Je pense que nous allons ressembler à des pays comme la Turquie, la Tunisie ou la Jordanie où les banques islamiques accaparent de 5 à 6% du marché. Aujourd’hui et au bout de 2 ans, nous somme à 1% du marché, je pense que dans 5ans, on pourrait facilement atteindre le même taux. Toutefois, je pense qu’on ne le dépassera pas car c’est le taux observé dans les pays avec une structure similaire au Maroc. Par contre, même si c’est peu, ça va toucher principalement les TPE.

-Pourquoi pensez vous que c’est les TPE qui seront principalement touchées?

-Dans une très petite entreprise, c'est la conviction du dirigeant intervient. Ainsi, il pourrait préférer se rendre chez les banques participatives car c’est conforme à la Chariaa. Par contre, dans les grandes entreprises, ces convictions sont diluées.

Ainsi, les TPE pourront augmenter leur chiffre d'affaires grâce au levier du financement. L’objectif est donc de développer l’économie par l'inclusion des personnes qui par conviction ou par éthique s'éloignent du financement bancaire.

- De manière générale, comment est ce que la finance participative pourrait participer à l’inclusion financière et par ricocher à la croissance économique?

-L’inclusion vise des personnes morales et physiques, pour les inciter à basculer de l’informel vers le formel. Chose qui va créer des points pour le PIB. Même les gens qui sont déjà inclus financièrement, pourront aussi élargir leurs sources de financement. Ce qui va ainsi développer le secteur bancaire en général et éventuellement l'économie marocaine. En gros, nous voulons intégrer les marocains dans leur économie grâce à la finance participative.

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