Algérie : Une opération mains propres pour faire taire la vox populi ?

Trois semaines après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, la situation ne cesse d’évoluer en Algérie. Entre les énormes manifestations populaires anti-système qui se répètent chaque vendredi et le lancement d’une campagne mains propres, l’avenir du pays est suspendu à un scrutin présidentiel dont personne n’est en mesure de confirmer la tenue et encore moins de prédire l’issue.

Algérie : Une opération mains propres pour faire taire la vox populi ?

Le 23 avril 2019 à 18h11

Modifié le 11 avril 2021 à 2h42

Trois semaines après la démission du président Abdelaziz Bouteflika, la situation ne cesse d’évoluer en Algérie. Entre les énormes manifestations populaires anti-système qui se répètent chaque vendredi et le lancement d’une campagne mains propres, l’avenir du pays est suspendu à un scrutin présidentiel dont personne n’est en mesure de confirmer la tenue et encore moins de prédire l’issue.

Hormis des oracles bien inspirés, personne n’est en mesure de prédire un quelconque scénario de résolution à la crise institutionnelle qui touche l’Algérie depuis le départ forcé de Bouteflika.

Des démissions jugées insuffisantes 

La démission du président semble en effet avoir ouvert les vannes d’une contestation populaire inédite. En dépit des semaines qui se succèdent, les manifestations quotidiennes, et surtout celles du vendredi, ne faiblissent pas avec les mêmes slogans qui demandent le départ immédiat des symboles du pouvoir.

Une demande qui aura sans doute pesé dans la décision du président Tayeb Belaiz de présenter, le 16 avril dernier, sa démission du Conseil constitutionnel, organisme crucial qui est notamment chargé de valider les candidatures et de veiller à la régularité des opérations de vote au scrutin présidentiel qui se tiendra le 4 juillet prochain.

Conspuée quotidiennement, cette figure de « l’ancien » régime visé par les contestataires faisait partie du clan Bouteflika à qui il devait toute sa carrière.

Le même jour, le Chef de l’Etat par intérim, Abdelkader Bensalah l’a remplacé par le magistrat Kamel Feniche qui pourrait, selon la Constitution, lui succéder en cas de démission de son poste de président intérimaire de l’Algérie.

Une hypothèse envisageable sachant que ce dernier fait aussi partie des "caciques" contestés par les manifestants réclamant à cor et à cri le départ des "3 B", à savoir Bensalah, Belaiz, et l’actuel Premier ministre Bedoui.

Des arrestations pour calmer les manifestants  ?

Hasard ou coïncidence, d’autres politiques voués aux gémonies par les manifestants ont été convoqués par des tribunaux pour répondre d’accusations en rapport avec leurs anciens postes dans la fonction publique.

Les premiers sont l’ancien Premier ministre Ahmed Ouyahia et l'actuel ministre des Finances Mohamed Loukal (ex-gouverneur de la Banque d’Algérie) qui ont été convoqués par la justice samedi 20 avril pour s’expliquer sur des faits de dilapidation des deniers publics.

Abdelmoumen Ould Kaddour a, quant à lui, été limogé, sans explication, mardi 23 avril, par le président Bensalah du poste de président de la Sonatrach qu'il occupait depuis 2 ans. Il a été remplacé à la tête de l'entreprise pétrolière nationale le même jour par Rachid Hachichi. 

Si aucun politicien de l’ancienne équipe au pouvoir n’a jusque-là été interpellé, il n’en est pas de même avec les représentants du monde économique, soupçonnés d’avoir profité d’avantages grâce aux appuis de l’ancien clan.

C’est le cas du milliardaire Issad Rebrab, PDG du groupe Cevital, qui a été mis lundi 22 avril, sous mandat de dépôt pour fausse déclaration relative à des transferts illicites de capitaux vers l’étranger. C'est du moins l'accusation dont il fait l'objet. Cet homme, le plus riche d'Algérie, avait en fait été le seul acteur économique important à se joindre d'emblée aux marches populaires contre Bouteflika.

La veille, ce sont les frères Kouninef (Reda, Karim, Abdelkader et Noah) du groupe Kou GC qui ont été arrêtés par les services de la gendarmerie pour trafic d’influence et non-respect de contrats conclus avec l’Etat après une enquête portant sur les conditions d’obtention de marchés publics.

La brusque accélération des arrestations vient après celle, début avril, de l’ex-président du patronat algérien, Ali Haddad, interpellé à la frontière tunisienne en possession de devises non déclarées et de 2 passeports.

Très proche de Said Bouteflika, frère du président démissionnaire, il a été accusé au lendemain de son interpellation de corruption et de transferts illicites de capitaux vers l’étranger.

Après les milliardaires, les sécuritaires ?

Ce qui s’apparente de plus en plus à une opération mains propres n’a pas épargné les sécuritaires, sachant que deux généraux importants sont également visés par la cour d’appel militaire de Blida.

Un mandat de dépôt a été délivré contre le général Saïd Bey, ancien commandant de la 2ème région et un mandat d’arrêt a été lancé contre l’ex-commandant de la 1ère RM, le général Habib Chentouf pour répondre de «recel d’armes et de munitions de guerre et d’infraction aux consignes de l’armée".

Le chef d’Etat-Major à la manœuvre ?

Personne n’est en mesure de savoir qui seront les prochaines personnes interpellées, mais tous les regards convergent vers le chef d’Etat-Major Ahmed Gaid Salah qui alimente la suspicion en multipliant les discours contre "les gangs de criminels".

Bien que son rôle soit de se limiter à veiller à la sécurité du pays, ce général est devenu le seul homme fort du pays capable d’initier des enquêtes de justice, même dans des affaires qui n’ont rien de militaire.

Malgré l’hostilité des slogans des manifestants à son égard, il continue à incarner le vrai pouvoir.

Si le nom du futur président ne sera connu que le 4 juillet au soir, les observateurs avisés auront cependant déjà une idée de qui se trouve derrière chaque candidat après la date limite de dépôt des dossiers de candidature qui a été fixée au 19 mai prochain.

Pour l’instant, 32 candidatures ont été déposées mais le candidat le plus connu et considéré comme crédible est le général Ali Ghediri. 

Il n’est toutefois pas exclu que le scrutin soit finalement reporté face à une contestation grandissante qui ne faiblit pas malgré les tentatives du système de trouver des boucs émissaires et de repartir comme si de rien n’était.

Face à l'opacité de ce système qui dure depuis 1962, toutes ces questions resteront sans véritable réponse avant de connaître le nom et surtout le passé du prochain président algérien. 

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