Algérie: Les ressorts de la récente purge et ses conséquences sur la future élection présidentielle

Quelques mois avant le scrutin présidentiel de mai 2019, la récente purge qui n’a épargné aucun corps sécuritaire interpelle sur l’avenir de l’Algérie. Afin d’en savoir plus, Médias24 a interrogé plusieurs sources européennes de haut niveau et bien connectées, qui estiment qu’elle résulte d’une recomposition du groupe de militaires détenant le vrai pouvoir. Selon nos interlocuteurs, cette lutte d’influence n’aboutira cependant à aucun changement du système présidentiel qui restera cantonné à un rôle d’apparat.   

Algérie: Les ressorts de la récente purge et ses conséquences sur la future élection présidentielle

Le 9 octobre 2018 à 18h39

Modifié le 11 avril 2021 à 2h49

Quelques mois avant le scrutin présidentiel de mai 2019, la récente purge qui n’a épargné aucun corps sécuritaire interpelle sur l’avenir de l’Algérie. Afin d’en savoir plus, Médias24 a interrogé plusieurs sources européennes de haut niveau et bien connectées, qui estiment qu’elle résulte d’une recomposition du groupe de militaires détenant le vrai pouvoir. Selon nos interlocuteurs, cette lutte d’influence n’aboutira cependant à aucun changement du système présidentiel qui restera cantonné à un rôle d’apparat.   

Plusieurs experts de l’Algérie ont accepté de nous livrer leur appréciation de la situation qui prévaut dans ce pays et leur pronostic sur le résultat de la prochaine élection présidentielle qui devrait avoir lieu en mai 2019.

Selon eux, l’enchaînement des événements qui a conduit à la récente purge des services de sécurité (police, armée, gendarmerie) repose sur une reconfiguration des vrais détenteurs des clefs du pouvoir.

Il est vrai que depuis que l’armée a chassé le président civil Ahmed Ben Bella par un coup d’Etat en 1965, le système militaire qui n'a cessé de muter contrôle toujours toutes les élections présidentielles.

Le vrai pouvoir désormais aux mains de la gendarmerie

Après l’indépendance, l’Algérie a d’abord été dirigée par les anciens de l’armée de libération populaire (ALP), puis pendant et après la décennie terroriste, par les membres des services de renseignement de l'ex-Sécurité militaire (SM) et de la Direction du renseignement et de la sécurité (DRS).

Depuis peu, la nouvelle locomotive du pouvoir serait, selon nos sources, la gendarmerie nationale.

Ce corps sécuritaire qui dispose de moyens importants et de matériel d’élite a en effet récemment récupéré le contrôle des frontières et des côtes.

Sa nouvelle puissance viendrait donc de sa capacité à protéger le pays et surtout l’Europe de la menace migratoire en provenance en partie de son territoire mais aussi des pays du Sahel.

"Même si ce n’est pas avouable publiquement, les militaires algériens et leurs homologues européens ont établi la nouvelle frontière de l’UE à Tamanrasset.

Ils maintiennent les flux migratoires à l’extérieur et en échange, ils ont la paix pour diriger leurs affaires comme ils l’entendent. Ces militaires ne voient aucun inconvénient à ce que leur pays soit dirigé par Bouteflika pour un 5ème mandat car ils considèrent les acteurs politiques comme des gens inutiles.

A partir de là, ils n’ont aucun scrupule à voir Bouteflika ou un quelconque membre de sa famille à occuper le fauteuil présidentiel", avancent nos interlocuteurs.

Comme disait Rimbaud, "la vraie vie serait donc ailleurs" car la réalité du pouvoir ne se trouve plus au palais présidentiel de la Mouradia. Depuis la mort du colonel président Houari Boumediene, son locataire n’a en effet plus qu’un rôle protocolaire et cérémonial.

En réalité, ce sont toujours les militaires qui sont à la manœuvre et détiennent le véritable pouvoir.

Pourquoi la récente purge sécuritaire ?

C’est un système dans lequel existe une espèce de Vatican de cardinaux-généraux où de temps en temps, éclatent des crises aboutissant à des mises à la retraite comme lors de la récente purge.

Selon une de nos sources en contact avec des hauts gradés algériens, contrairement à ce qui a été dit, le récent limogeage d’une vingtaine de généraux n’a pas été initié par le clan présidentiel mais par une frange de l'armée.

En fait, la grande peur de ce système serait d’aboutir au syndrome pakistanais.

Dans l’histoire de ce pays, il y avait en effet un système analogue de pouvoir avec une quinzaine de généraux qui se partageaient l’essentiel du pouvoir politique et économique.

Un beau jour, l’un d’entre eux a décidé de faire la course en tête et a réussi son coup. Arrivé au pouvoir, le général Zia Ul Haq a ordonné un audit et emprisonné tous ses camarades militaires.

Comme l’Algérie des généraux veut absolument éviter ce scénario, il arrive de temps à autre que certains devenus trop gourmands soient écartés par le groupe principal qui les met à la retraite voire même en prison.

Un général devenu trop ambitieux

Sachant que l’histoire des généraux pakistanais est la hantise du clan des gradés algériens, ces derniers se marquent mutuellement à la culotte pour qu’aucun ne puisse dépasser l’autre.

Ainsi, nos sources s’accordent à penser que le limogeage du directeur général de la police, Abdelghani Hamel, est intervenu après des rumeurs disant que ce général voulait succéder à Abdelaziz Bouteflika.

C’est de cette manière qu’aurait commencé la purge ayant abouti à la mise à l’écart de près de 20 officiers supérieurs. L’onde de choc a d'ailleurs été telle qu’elle n’a pas épargné le patron de la gendarmerie en poste depuis à peine 3 ans alors que sa longévité moyenne est de huit années.

Pour un de nos interlocuteurs français, "le coup de billard qui a fait voler les boules dans tous les sens est clairement lié à une recomposition du groupe de tête".

Le système militaire de cooptation présidentielle toujours d’actualité

Quand le général Mediene (ex-patron du DRS qui dirigeait l’Algérie) a choisi le successeur de Liamine Zeroual en la personne de Bouteflika, "c’était pour se débarrasser des tâches ménagères".

Aujourd’hui, il faut que ce soit moins ostensible mais la démarche est identique. Le système est toujours d’actualité et vu l’état de santé du président, il n’a pas son mot à dire.

Quand il est allé se faire soigner en France, les informations dont nous disposons font état d’un homme très diminué. .

Une indulgence européenne basée sur la hantise d’une énorme vague migratoire

A la question de savoir comment un tel système pouvait perdurer en 2018 avec le soutien de l’Europe, l'un de nos interlocuteurs répond, froidement, que les 7 millions de kilomètres carrés de ce pays expliquent l’indulgence de l’Occident.

"Le désert algérien a un rôle stratégique énorme pour l’UE car de ce côté de la méditerranée, nous privilégions la stabilité.

"La décennie terroriste en Algérie nous a appris qu’il était préférable de traiter avec eux, même si ce ne sont pas des enfants de chœur, plutôt qu’avec des adeptes de l’émirat islamique.

"Même si cela peut paraître cynique, personne parmi ses voisins, y compris le Maroc n’a intérêt à voir un Etat islamiste se créer à proximité de ses frontières".

"Pour l’ancienne puissance coloniale, l’essentiel est donc la continuité", conclut notre source qui ajoute que ce pays ne deviendra pas une démocratie avant longtemps.

En attendant la démocratie, la gendarmerie va reconduire Bouteflika

Les Algériens ne doivent donc pas s’attendre à ce que le carcan se desserre et en mai 2019, les militaires reconduiront le président sortant ou son frère car le plus important est le maintien du pouvoir des marionnettistes.

En réalité, pour nos interlocuteurs, le seul changement serait celui du nom du corps de sécurité qui a pris le pouvoir.

Après la primauté de l’armée populaire de libération (ALP), celle de la SM et de la DRS, c’est donc la gendarmerie qui selon ces sources en principe très bien informées, qui s’est emparée du pouvoir occulte mais bien réel.

"Aujourd’hui, c’est elle qui quadrille le pays et fait régner l’ordre intérieur et extérieur. Ce n’est certes pas un système en adéquation avec les principes de Montesquieu mais cela arrange la France.

"Concrètement, si ce pays devait connaître des troubles demain, l’Europe et surtout la France devraient faire face à l’actuel problème migratoire libyen à la puissance 10.

"Pour faire court, le désordre pousserait une partie des 40 millions d’Algériens sans compter les très nombreuses populations du Sahel à tenter leur chance sur le continent européen

"En conclusion, 2019 devrait voir une continuité au sommet de l’Etat algérien avec de nouveaux marionnettistes toujours soutenus par une Europe qui appréhende une énorme vague migratoire".  

 

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