Mezouar: Le secteur privé n'a pas le moral

Ce mardi 10 juillet, une rencontre avec la CGEM sur les délais de paiement a été organisée par Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances. Lors de cette rencontre où ont été présentées les avancées réalisées par le gouvernement, le patronat a dressé un état des lieux alarmant et appelé à un engagement fort de l’Exécutif pour résoudre la problématique des délais de paiement et des arriérés de l’Etat. Des groupes de travail ont été constitués et un rendez-vous est donné en septembre prochain pour sortir avec des mesures concrètes.

Mezouar: Le secteur privé n'a pas le moral

Le 10 juillet 2018 à 13h34

Modifié 11 avril 2021 à 2h47

Ce mardi 10 juillet, une rencontre avec la CGEM sur les délais de paiement a été organisée par Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des Finances. Lors de cette rencontre où ont été présentées les avancées réalisées par le gouvernement, le patronat a dressé un état des lieux alarmant et appelé à un engagement fort de l’Exécutif pour résoudre la problématique des délais de paiement et des arriérés de l’Etat. Des groupes de travail ont été constitués et un rendez-vous est donné en septembre prochain pour sortir avec des mesures concrètes.

Parmi les réalisations présentées par le ministère des Finances, il y a la création de l’Observatoire des délais de paiement suite à la publication au BO, en novembre 2017, du décret relatif à cette institution (composition, missions…) prévue dans la nouvelle loi sur les délais de paiement, adoptée un an plus tôt.

Il y a aussi la mise en place d’une plateforme à la Direction des entreprises publiques et des participations pour le suivi des délais de paiement et des plaintes des fournisseurs.

Il y a aussi l’entrée en vigueur, courant 2016, du décret sur les délais de paiement et les intérêts moratoires dans le secteur public.

Nous reviendrons plus en détails sur ce bilan dans un prochain article. Ce qu’il faut souligner immédiatement, c’est que le discours adopté par le patronat lors de cette rencontre a été alarmant et fort.

"Le secteur privé n'a pas le moral"

«Le secteur privé n’a pas le moral. On sent une certaine déprime chez une grande partie des opérateurs. En matière de délais de paiement, on a battu tous les records.

«Je ne veux attribuer la responsabilité de cette situation à personne. Ce qui m’intéresse, ce sont les mesures que nous allons prendre ensemble. Il faut que la confiance soit rétablie.

«Des signaux d’inflexion doivent sortir de cette réunion. Le moment est sérieux pour le secteur privé. Le gouvernement est tenu d’assumer ses responsabilités», martèle Salaheddine Mezouar.

Les textes d'application de la loi se font attendre

Un état des lieux alarmant a été dressé par la CGEM.

«Les textes d’application de la loi ne sont toujours pas publiés», ajoute le patron des patrons.

En effet, parmi les textes d’application de la loi, celui relatif à l’Observatoire est le seul à avoir vu le jour. Les autres, à savoir le décret sur les délais dérogatoires définitifs pour les activités saisonnières, le texte sur les délais dérogatoires temporaires pour des secteurs en difficultés conjoncturelles, et l’arrêté du ministère des Finances fixant le taux des pénalités de retard, ne sont toujours pas publié, rendant la loi inapplicable.

En attendant, la situation des entreprises se dégrade.

Un délai de paiement moyen de 10 mois pour la TPE

A fin 2016 (dernières données disponibles auprès d’Inforisk, en attendant les bilans 2017), les délais de paiement atteignent:

-TPE (10 MDH de CA max): 9,9 mois pour encaisser et 6,6 mois pour payer les factures reçues (7,3 mois et 5,6 mois respectivement en 2010).
- PME (200 MDH de CA max): 5,1 mois et 3,5 mois (contre 4,1 et 3,7 mois).
- Grandes entreprises: 3,4 mois et 4,3 mois (contre 2,7 et 3,9 mois).

On le voit, c’est la TPE qui souffre le plus, avec un allongement de 77 jours depuis 2010. En face, la grande entreprise avec des délais clients inférieurs aux délais fournisseurs, se finance sur le dos des structures de plus petite taille.

Ces délais de paiement sont des moyennes. Autrement dit, des secteurs d’activités sont plus touchés que d’autres.

Pour la TPE, les délais dépassent 10 mois dans le BTP et le commerce. Pour la PME et la GE, ils dépassent la moyenne dans le BTP et l’immobilier.

Et la corrélation est forte entre allongement des délais de paiement et défaillances des entreprises: 7.161 cas en 2016, dont 40% directement engendrées par les défauts de paiement.

Les secteurs sinistrés sont justement le commerce, l’immobilier et le BTP, avec respectivement 35%, 22% et 16% des cas de défaillance.

Notons aussi que 91% des défaillances concernent les TPE.

Résultat, le crédit interentreprises est monté à 387,2 milliards de DH, contre 267,6 milliards de DH en 2010 (+45%). Il dépasse ainsi le crédit bancaire aux entreprises qui n’a crû que de 15% pour atteindre 318,9 milliards de DH.

Le patronat appelle à des mesures fortes

«En matière de comportement de paiement, l’Etat n’est pas exemplaire. Or, l’Etat doit donner l’exemple».

La CGEM appelle aussi à l’accélération de la publication des textes d’application de la loi sur les délais de paiement.

Elle préconise également d’agir sur le levier fiscal pour mieux faire appliquer la loi.

Selon nos sources, l’idée est de proposer la non soumission à l’IS du chiffre d’affaires non encaissé au 31 décembre si les factures n’ont pas été payées au bout d’un certain nombre de mois (3 ou 6 mois…). Pour neutraliser l’impact sur les recette fiscales, les charges correspondantes à ce chiffre d’affaires dans les comptes du client ne doivent pas être déductibles de la base de calcul de l’IS.

Pour le secteur privé, l’Etat doit aussi régler définitivement le problème de ses arriérés vis-à-vis des entreprises, notamment le problème du butoir TVA et les dettes échues des entreprises publiques.

Le patronat appelle également à la création du Fonds de garantie pour le fonds de roulement, mis en place provisoirement en 2009 et 2010 et qui a donné de bons résultats, selon Salaheddine Mezouar. «Ce serait un bon signe pour rétablir la confiance sans que ce soit coûteux pour l’Etat», précise-t-il.

«Nous avons besoin d’un secteur privé dynamique, il faut que les réformes avancent au rythme exigé par l’ampleur des défis. J’ai le sentiment à travers les éléments dont on dispose et les discussions que l’envie des opérateurs privés de continuer à investir s’est un peu estompée. L’état d’esprit actuel gangrène l’économie», conclut le président de la CGEM.

Quatre groupes de travail pour des propositions concrètes en septembre

In fine, aucune mesure concrète n’a été prise lors de cette rencontre pour accélérer les réformes et résoudre la problématique des délais de paiement.

Après une réunion à huis clos, la CGEM et le ministère des Finances ont décidé de créer quatre groupes de travail pour se pencher sur la problématique des délais de paiement et sortir avec des mesures concrètes. Ces mesures devront être discutées en septembre prochain, donc avant le dépôt du projet de loi de Finances pour l’année 2019.

Ces quatre groupes de travail se pencheront sur les quatre volets suivants: les entreprises et les établissements publics, le secteur privé, les collectivités territoriales et enfin les aspects réglementaire et fiscal.

Face-à-face Mezouar-Boussaïd

Pour Salaheddine Mezouar, cette réunion était une sorte de baptême du feu, dans le cadre de ses nouvelles fonctions au patronat. Il a tenu un discours conforme à ses engagements électoraux: relancer la confiance, donner de l'oxygène aux entreprises et en particulier les plus petites d'entre elles.

Le ton qu'il a pris, son attitude générale, étaient offensifs. Il a challengé le ministre des Finances: "nous devons sortir de cette réunion avec des décisions, des signaux forts".

Boussaid, son ex-collègue du gouvernement et ancien camarade du RNI, a été certainement pris de court. La réunion devait servir à présenter un observatoire des délais de paiement, une plateforme de réclamations et une réforme des marchés publics. Les journalistes n'étaient même pas invités à poser des questions mais à simplement rapporter la "bonne" parole des uns et des autres.

A la fin des présentations, les journalistes ont donc été invités à quitter la salle. Les deux ex-compères se sont retrouvés en face-à-face sans autres témoins que leurs collaborateurs et ont décidé de créer des groupes de travail et de se retrouver début septembre.

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