Iran: Extension des troubles, 10 morts

Dix personnes ont été tuées lors des pires violences en Iran depuis le début il y a quatre jours des protestations contre la vie chère et le pouvoir, une contestation inédite depuis des années dans le pays.

Iran: Extension des troubles, 10 morts

Le 1 janvier 2018 à 9h17

Modifié le 1 janvier 2018 à 9h17

Dix personnes ont été tuées lors des pires violences en Iran depuis le début il y a quatre jours des protestations contre la vie chère et le pouvoir, une contestation inédite depuis des années dans le pays.

 

Au lendemain de son appel au calme et à sa promesse "d'un plus grand espace pour les critiques", le président Hassan Rohani a averti lundi que "le peuple iranien répondra aux fauteurs de troubles", une "petite minorité" selon lui.

Pour la quatrième nuit consécutive, des manifestants sont descendus dimanche soir dans la rue dans plusieurs villes du pays dont la capitale Téhéran pour protester contre le gouvernement et les difficultés économiques - chômage, vie chère et corruption.

Selon des vidéos mises en ligne par les médias iraniens et les réseaux sociaux, les manifestants ont attaqué et parfois incendié des bâtiments publics, des centres religieux et des banques ou des sièges du Bassidj (milice du régime). Les manifestants ont aussi mis le feu à des voitures de police.

Au total, dix  personnes ont été tuées et des centaines arrêtées depuis le début jeudi des manifestations sociales et antigouvernementales qui ont éclaté à Machhad (nord-est) avant de prendre de l'ampleur et de se propager à travers le pays.

Dimanche soir, deux manifestants ont été tués par balles durant les protestations à Izeh (sud-ouest), a déclaré le député local Hedayatollah Khademi cité par l'agence Ilna. Il a néanmoins dit ignorer "si les tirs provenaient des forces de l'ordre ou des manifestants".

Dans une autre ville touchée par les protestations, Doroud (ouest), deux personnes ont péri dimanche soir dans les violences. Des protestataires se sont emparés d'un camion de pompiers et l'ont lâché du haut d'une pente. Il a percuté leur véhicule et "les deux passagers ont été tués", a déclaré le préfet à la télévision.

Samedi, deux manifestants ont été tués également à Doroud. Là aussi, un responsable a affirmé que les forces de l'ordre n'avaient pas tiré sur les protestataires.

 Droit de manifester 

Les manifestations ont eu lieu dimanche soir malgré le fait que les autorités ont limité l'accès aux réseaux sociaux, en bloquant sur les téléphones portables les messageries Telegram et Instagram, utilisées pour appeler à manifester.

Sortant de son silence après trois jours de contestation, M. Rohani a reconnu que l'Iran devait fournir "un espace" pour que la population puisse exprimer ses "inquiétudes quotidiennes", mais il a condamné les violences et la destructions des biens publics.

"Critiquer, c'est totalement différent que d'utiliser la violence", a-t-il souligné lors du Conseil des ministres. "Il faut même créer les conditions pour la critique, les protestations légales, y compris des manifestations et des rassemblements légaux. C'est le droit du peuple".

M. Rohani, élu pour un second mandant en mai dernier, a permis à l'Iran de sortir de son isolement avec la levée de sanctions internationales qui avaient été imposées pour dénoncer les activités nucléaires sensibles du pays.

Cette levée de sanctions avec la signature d'un accord historique avec les grandes puissances sur le programme nucléaire iranien avait fait espérer aux Iraniens une amélioration de la mauvaise situation économique, mais les fruits de cet accord se font toujours attendre.

Inédites depuis le mouvement de contestation contre la réélection de l'ex-président ultraconservateur Mahmoud Ahmadinejad en 2009, violemment réprimé, les manifestations ont été émaillées depuis jeudi de violences avec des heurts entre manifestants et forces de l'ordre et des attaques contre les biens publics.

 Plus de 400 arrestations 

Des troubles ont eu lieu dans les villes de Nourabad, Doroud et Khoramabad "et des fauteurs de troubles ont été arrêtés", a déclaré Habibollah Khojastehpour, le vice-gouverneur de la province de Lorestan (ouest).

De petites manifestations se sont également déroulées à Kermanshah (ouest), Shahinshahr (près d'Ispahan), Takestan (nord), Zanjan (nord), Toyeserkan (ouest) et Nahavand où, selon des vidéos mises en ligne, des bâtiments publics, des banques ou des sièges du Bassidj (milice islamique) ont été attaqués par les manifestants.

A Téhéran, la police a utilisé du gaz lacrymogène et des canons à eau pour disperser un petit groupe de manifestants qui lançaient des slogans hostiles au pouvoir dans le quartier de l'université de Téhéran.

Dans la capitale, 200 personnes ont été arrêtées. Quelque 200 autres ont été interpellées dans des villes de province, selon les médias.

S'en prenant de nouveau au régime en Iran, leur ennemi juré, les Etats-Unis ont apporté dimanche leur soutien "au droit du peuple iranien à s'exprimer pacifiquement et être entendu".

L'Iran a de son côté dénoncé les ingérences des Etats-Unis dans ses affaires.

L'austérité en question

En dépit des slogans anti-régime lancés par les manifestants en Iran, les experts estiment que le mouvement de contestation actuel est né du même sentiment de colère qui a agité d'autres pays frappés par l'austérité.

"Ce qui fait descendre les Iraniens dans la rue le plus souvent, ce sont des problèmes économiques ordinaires --la frustration face au manque d'emplois, l'incertitude par rapport à l'avenir de leurs enfants", explique à l'AFP Esfandyar Batmanghelidj, fondateur du Europe-Iran Business Forum.

Selon cet expert, les troubles de ces derniers jours ont été provoqués par les mesures d'austérité du président Hassan Rohani depuis son arrivée au pouvoir en 2013, comme les réductions des budgets sociaux ou les augmentations des prix des carburants annoncées il y a quelques semaines.

"Pour Rohani, les budgets d'austérité sont certes difficiles à faire passer mais il s'agit de mesures nécessaires face à l'inflation et aux problèmes de devise ainsi que pour tenter d'améliorer l'attractivité de l'Iran pour les investissements", affirme M. Batmanghelidj.

Cependant, "après une période de sanctions très difficile, l'austérité ne peut qu'entamer la patience des gens".

Les manifestations ont éclaté jeudi à Machhad, deuxième ville d'Iran, avant de se propager à travers le pays. Six personnes sont mortes dans les troubles liés aux protestations qui ont dégénéré en violences dans plusieurs endroits, et des dizaines ont été arrêtées.

Des slogans comme "Mort au dictateur" et des attaques visant les symboles du régime ont donné aux manifestations --les plus importantes depuis celles de 2009-- un air de révolution.

Le gouvernement a accusé "des éléments hostiles" basés à l'étranger d'attiser le mouvement de contestation.

Certains suspectent aussi les conservateurs, rivaux du courant modéré dont fait partie M. Rohani, de vouloir saboter la politique économique du gouvernement au risque de déclencher un mouvement qui pourrait devenir difficile à maîtriser.

 Des banques qui s'effondrent 

Néanmoins, la colère suscitée par la situation économique est palpable depuis quelques années et a dominé les dernières élections en mai.

De petits mouvements ont eu lieu: ces dernières semaines, l'agence ILNA liée aux syndicats a fait état notamment de protestations de plusieurs centaines d'employés du secteur pétrolier pour des retards de paiement, ainsi que des fabricants de tracteurs à Tabriz contre la fermeture de leur usine.

La colère n'a fait qu'augmenter avec l'effondrement de sociétés de crédit qui a affecté des millions d'investisseurs.

Ces sociétés se sont multipliées sous le mandat du président Mahmoud Ahmadinejad et se sont effondrées quand la bulle immobilière a explosé.

"Je ne suis pas surpris par ces manifestations. Nous avons eu ces deux dernières années des défilés dans la rue contre les banques et les sociétés de crédit", rappelle le politiste Mojtaba Mousavi, basé à Téhéran.

"Tout le monde dit que les manifestants viennent des classes défavorisées mais de nombreux manifestants font partie de la classe moyenne qui a perdu beaucoup de ses avoirs", assure-t-il à l'AFP.

 Droit de protester 

En dépit des causes économiques évidentes, des griefs portant sur les restrictions concernant les libertés civiles sont toujours d'actualité.

Même au sein de la classe politique conservatrice, on reconnaît que les Iraniens ont peu d'espace pour exprimer leurs plaintes.

"Notre Constitution reconnaît le droit de protester mais en pratique, il n'y a pas de mécanisme pour le faire", souligne Gholamreza Mesbahi Moghddam, porte-parole de l'Association du clergé combattant (conservatrice) à l'agence ISNA.

"Les responsables doivent écouter le peuple. Les médias, également, ont la responsabilité de couvrir les manifestations."

Dimanche, M. Rohani lui-même a prôné "un espace" pour que le peuple puisse exprimer ses "inquiétudes quotidiennes".

Certains experts doutent que les manifestations puissent être une menace sérieuse pour le régime, estimant qu'elles ne semblent pas obéir à une organisation claire.

Les slogans politiques sont vus comme une aubaine pour le régime, lui permettant de réprimer les manifestants en les accusant d'éléments anti-sociaux et violents.

"Le système préfère les manifestations politiques plutôt que celles suscitées pour des raisons économiques car elles sont plus faciles à contrôler", souligne M. Mousavi.

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