PLF 2017. Les propositions de la CGEM expliquées par Abdelkader Boukhriss

EXCLUSIF. Dans cet entretien, le président de la commission fiscalité de la CGEM détaille les mesures phares du cahier revendicatif du patronat, balisant les discussions avec les Finances. Progressivité de l'IS, fiscalité de groupe, provision pour investissement ou pour augmentation de capital en font partie.

PLF 2017. Les propositions de la CGEM expliquées par Abdelkader Boukhriss

Le 14 septembre 2016 à 21h06

Modifié 14 septembre 2016 à 21h06

EXCLUSIF. Dans cet entretien, le président de la commission fiscalité de la CGEM détaille les mesures phares du cahier revendicatif du patronat, balisant les discussions avec les Finances. Progressivité de l'IS, fiscalité de groupe, provision pour investissement ou pour augmentation de capital en font partie.

Médias24: La CGEM est en train de finaliser son cahier revendicatif fiscal, qui devra être discuté dans le cadre des préparatifs du projet de loi de finances 2017. Quelles en sont les mesures phares?

Abdelkader Boukhriss: Je voudrais tout d’abord reposer le cadre dans lequel nous travaillons.

Les échanges entre la CGEM et l’administration fiscale, ainsi que le ministère des Finances, démarrent juste après la publication de la loi de finances de l’année précédente. Nous remettons sur la table les propositions non retenues et nous en discutons. C’est dans cet esprit que nous travaillons, pour avoir le temps nécessaire au débat, dans un dossier qui peut parfois être très complexe et très technique.

Dès que nous démarrons ce travail, des arbitrages sont à faire. Certaines mesures fiscales ont un impact budgétaire et nous souhaitons avoir le feed-back des pouvoirs publics et avoir le temps de réfléchir aux moyens de les réaménager, si possible.

Certaines mesures demandées, comme les exonérations sectorielles par exemple, sont faciles à expliquer et la décision ou l'arbitrage les concernant également. D’autres sont plus complexes et demandent que tout une architecture soit mise en place.

Je donne l’exemple de la progressivité de l’IS. Il faut d’abord fixer les taux, dire si les taux existants sont suffisants pour pouvoir garantir en même temps une recette fiscale et être un levier intéressant pour l’entreprise….

-On peut dire que la progressivité de l’IS est la revendication phare de cette année. En quoi consiste-t-elle exactement?

-Aujourd’hui, il existe 4 taux d’IS (10%, 20%, 30% et 31%) calculés selon la proportionnalité du bénéfice. L’idée est de passer le cap et d’aller vers une progressivité comme l’ont fait d’autres pays. Ainsi, l’impôt sera calculé par tranches.

Je vous donne un exemple: dès qu’une entreprise réalise un bénéfice de 10 MDH, elle paie 31% sur la totalité de ses bénéfices. L’idée est qu’elle puisse s’acquitter de cet impôt par tranches de bénéfice. Pour chacune de ces tranches, elle paie un IS correspondant au seuil fixé par le fisc.

Quelles sont les tranches proposées?

-Pour le moment, le débat est engagé. Ni les taux, ni les seuils ne sont encore déterminés. Nous attendons un retour de la part du fisc, qui doit probablement, s’il est favorable à l’idée de la progressivité, avoir déjà une idée précise du schéma à adopter en matière de progressivité. Mais nous sommes confiants.

Dans le cadre de la LF 2016, nous avons déjà pu introduire un nouveau taux de 20%. Cela  veut dire que le dispositif est amorcé, sachant que pour sa part, l’administration a introduit un taux de 31% pour compenser l’entrée en vigueur de ce nouveau taux de 20%. L’équilibre a pu ainsi être maintenu.

Parallèlement, nous souhaitons introduire la fiscalité de groupe. Nous en avons déjà discuté l’année dernière, mais cette mesure n’a pas été retenue.

-Quel en est le principe?

-Même dans le cas de groupe, en principe, chaque filiale paie son impôt. Si  la fiscalité de groupe est introduite dans la réglementation fiscale marocaine, les groupes paieront un impôt consolidé. Cette mesure permettrait aux groupes de développer leur business sans se soucier de l’aspect fiscal.

Aujourd’hui, force est de constater que certains groupes évitent de créer des filiales, de peur de payer un impôt pour l’activité qui dégage des bénéfices, sans pouvoir compenser des pertes endossées ou les faibles performances réalisées par une autre filiale. Résultat: le fait de s’organiser en filiales peut être pénalisant, fiscalement parlant.

Cette mesure de fiscalité de groupe, si elle était adoptée, va encourager la filialisation, la constitution de groupes marocains…

D’un autre côté, le fait de combiner la progressivité de l’IS à la fiscalité de groupe pourrait permettre à certains groupes de faire de l’optimisation fiscale, comme elle pourrait amener d’autres groupes à payer plus d’impôt. Il faut que l’opérateur accepte de jouer le jeu, quel qu'en soit l’impact.

J’ajouterai que le seul objectif de la fiscalité de groupe n’est pas de consolider les résultats, mais aussi de neutraliser les bénéfices virtuels et d’éviter les frottements fiscaux inter-groupe.

Une transaction intergroupe par exemple ne génère pas une réelle plus value. Mais dans le système actuel, ce genre d’opération est considéré comme une cession pure et simple réalisée au prix du marché. En cas de  fiscalité de groupe, ce genre de cas ne devrait plus poser de problème.

-Avez-vous pensé à des propositions en faveur de la création d’emplois?  

-Au sein de la CGEM, nous n’avons eu de cesse de rappeler que la redynamisation de l’emploi passe par une redynamisation de l’investissement. Parmi les incitations que nous proposons, il y a celle de la provision pour investissement, une mesure qui a existé pendant une certaine période, mais qui a été abandonnée par la suite. Elle permet de procéder à un abattement des bénéfices de l’ordre de 20%, avec l’engagement de les investir en triplant ou en quadruplant le montant à charge pour l’opérateur économique d’y procéder dans un délai de trois ans,  par exemple.

La redynamisation de l’emploi passe également par la création d’entreprises. Il est nécessaire aujourd’hui de donner une possibilité d’exonération d’impôt de trois années pour les sociétés nouvellement créées, quels que soient le secteur d’activité ou la zone d’implantation, sachant que le projet de charte d’investissement prévoit une exonération pour les entreprises industrielles. L’idée est de généraliser cette mesure à tout le tissu économique.

Nous avons aussi formulé des revendications permettant les augmentations de capital. Beaucoup d’études ont démontré que les entreprises marocaines étaient sous-capitalisées. Il faudrait qu’elles y remédient pour pouvoir aller demander des crédits, lever des fonds… A cette fin et là encore, la CGEM propose de mettre en place une incitation fiscale.

-Qu’en est-il de la TVA?

-On n’a jamais cessé de demander la neutralité de la TVA. Cette année ne fait pas exception.

Certes, des efforts ont été faits ces dernières années par les pouvoirs publics, en donnant la possibilité de rembourser les crédits de TVA –butoir-. En 2016, cela a permis aux entreprises qui investissent et qui ont un crédit TVA né de l’investissement d’être remboursées sous 3 mois. Sauf qu’aujourd’hui, les cas de crédits de TVA ne sont pas tous éligibles au remboursement. Une entreprise qui achète à 20% et vend à 7% ne peut pas en profiter,  car  son cas relève de l’exploitation et non de l’investissement. Nous plaidons pour la généralisation du remboursement du crédit de la TVA, peu importe son origine, puisqu’elle est à la charge du consommateur final.

Il faut en même temps réduire les cas de remboursement de la TVA, en diminuant le nombre de taux de TVA. Aujourd’hui, on a 5 taux de TVA (20, 14, 10, 7 et 0%). Les recommandations des assises de la fiscalité de 2013 avaient suggéré de disposer de deux taux, tout en gardant l’exonération (20% et 10%) pour éviter les distorsions en matière de TVA…

-Quelles sont les autres mesures demandées?

-Nous nous sommes intéressés aux droits d’enregistrement relatifs aux cessions d’actions, de l’ordre de 4% actuellement. Un investisseur qui veut entrer dans le capital d’une société doit s’en acquitter de prime abord.

Ce taux constitue un réel frein à l’investissement et à la transmission de l’entreprise. Sachant que sous d’autres cieux, ces droits sont soit inexistants, soit plafonnés à des montants raisonnables.

Au niveau de la CGEM, nous sommes en train de procéder à des simulations pour mieux affiner notre proposition.

Il y a aussi des mesures qui arriveront à échéance fin 2016. Il s’agit par exemple du cas du régime transitoire de fusion-scission, important pour les restructurations des entreprises. Il faudrait aujourd’hui évaluer l’apport de ce dispositif. Nous estimons qu’il est à reconduire, tout en en  réaménageant certains aspects. Nous avons suffisamment de recul pour pouvoir l’apprécier.

En matière de plans d’épargne (actions, logement, éducation …) qui existent depuis 4 ou 5 ans, nous nous sommes rendu compte, suite à des discussions avec les banques, que cet outil n’a pas donné les résultats escomptés. Il faudra donc le remettre sur la table et en redéfinir les contours. Nous sommes convaincus que ces plans d’épargne demeurent un levier nécessaire du marché financier.

En matière des plus-values sur des opérations exceptionnelles (vente d’outils de production obsolètes, ou de renouvelmement du parc… ) dans le secteur industriel et les services, c’est le régimes fiscal de droit commun qui est appliqué. Nous réclamons que cette plus-value puisse profiter d’une exonération ou d’un abattement, si l’opérateur s’engage à réinvestir la totalité du produit de cession. Dans la majorité des pays à fiscalité moderne, on différencie les plus-values à long terme d’une plus-value dégagée dans une opération courante. Le Maroc devra faire de même.

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