Comment Da'ech recrute et développe ses réseaux en Occident

Le think tank New America analyse la manière dont se développent les réseaux jihadistes en Europe. Plein d'enseignements.

Comment Da'ech recrute et développe ses réseaux en Occident

Le 2 décembre 2015 à 11h55

Modifié le 11 avril 2021 à 2h37

Le think tank New America analyse la manière dont se développent les réseaux jihadistes en Europe. Plein d'enseignements.

On estime que 4.500 Occidentaux sont partis en Syrie pour rejoindre soit Da'ech soit d’autres groupes jihadistes. Dans l'étude "Da'ech en Occident: le nouveau visage de l’extrémisme" (parue en novembre 2015), le think tank New America tente d’expliquer le problème de l’enrôlement de recrues occidentales par l'organisation. 

New America a collecté des informations sur 474 individus de 25 pays occidentaux qui d’après des sources "crédibles" sont partis en Syrie ou en Irak. Il ressort que:

-les femmes sont fortement représentées, "comme jamais auparavant dans un tel conflit". Un militant occidental sur 7 est une femme. Elles jouent un rôle de "soutien", souvent en épousant un combattant et parfois en travaillant comme agents de police faisant respecter les lois "draconiennes" de Da'ech

-ces combattants sont jeunes. Les femmes ont en moyenne 21 ans contre 24-25 ans pour leurs homologues masculins. New America a recensé 89 cas d’adolescents, soit environ un cinquième des Occidentaux partis. Da'ech a des camps d’endoctrinement destinés aux plus jeunes. Des enfants en dessous de 16 ans ont par ailleurs été impliqués dans des violences, même en tant qu’exécuteurs.

-ils sont très actifs sur les réseaux sociaux. Près d’un tiers des combattants étrangers de la base de données de New America ont fréquenté des cercles virtuels de jihadistes ou se sont radicalisés à travers des interactions virtuelles. 46.000 comptes twitter soutiennent Da'ech, selon les spécialistes J.M. Berger et Jonathon Morgan. Des individus agissent comme recruteurs virtuels.

Toutefois, le recrutement "en personne" se poursuit. L’ONU indique que "la plupart des Etats membres indiquent que le contact personnel direct reste un ingrédient clef dans la plupart des processus de recrutement et de radicalisation de combattants terroristes étrangers".

-il existe des liens familiaux. Un tiers des concernés ont une connexion familiale au jihad. Des proches se battent en Syrie, sont mariés à des combattants occidentaux partis en Syrie ou en Irak, ou sont liés à des terroristes responsables de conflits ou d’attaques antérieurs. "Parmi ceux qui ont ces liens familiaux, près de 2 tiers ont un proche qui combat dans cette guerre et près d’un tiers sont connectés par le mariage. Beaucoup de ces derniers ont été mariés récemment, peu après leur arrivée en Syrie."

-près de deux tiers des combattants occidentaux de la base de données ont été déclarés morts en Syrie ou en Irak. Presque la moitié des combattants masculins ont été tués, contre 6% des militantes. Cela montre, d’après le rapport, que les femmes ne prennent pas part aux combats. Ce que souligne une recrue de Da'ech: "Il n’y a pas une seule femme qui combat pour Da'ech. La place de la femme est à la maison. Elle doit prendre soin de ses enfants et remplir ses devoirs envers son époux."

Une partie des hommes sont utilisés comme kamikazes ou comme chair à canon. Sans compter les frappes aériennes de la coalition qui ont fait, selon l’étude, 10.000 morts dans les rangs de Da'ech. Par ailleurs, il est rapporté que Da'ech a exécuté des combattants étrangers qui souhaitaient rentrer chez eux.

-la menace des combattants qui reviennent est bien plus grande en Europe qu’aux Etats-Unis. Un constat logique vu que la plupart des terroristes étrangers viennent du vieux continent. Selon les autorités françaises, en septembre 2015, 1.800 Français étaient partis en Syrie pour s’allier à Da'ech. A fin décembre 2014, 60 étaient morts et 185 étaient rentrés au pays dont 82 se trouvaient en prison et 36 sous contrôle judiciaire.

750 Britanniques ont fait le trajet jusqu’en Syrie, selon des sources officielles. En août 2015, l’Allemagne affirmait que 720 Allemands avaient quitté l’Europe pour la Syrie. On estimait alors que 100 d’entre eux avaient été tués, et que 180 étaient retournés en Allemagne. En novembre 2014, la Belgique a expliqué qu’entre 300 et 350 Belges avaient rejoint les rangs de Da'ech.

Des 474 combattants passés en revue dans le rapport, les premières nationalités représentées sont: le Royaume-Uni avec 106; la Belgique avec 91; la France avec 43; l’Australie avec 34; les Pays-Bas avec 29; l’Allemagne avec 28; le Canada avec 25. 

-la route la plus populaire vers la Syrie est par la Turquie.

-la majorité des combattants ont rejoint Da'ech. Seulement 10% ont rejoint Jabhat al-Nusra, la filière syrienne d’al-Qaeda, et 6% ont joint d’autres groupes plus petits.

L’étude du groupe de recherche a essayé de trouver des causes qui poussent ces Occidentaux à aller combattre pour Da'ech. Elle cite, à titre non exhaustif, l’opposition à Assad, les invocations religieuses du bénéfice spirituel à participer au jihad, le raisonnement jihadiste qui consiste à dire que le devoir religieux impose de vivre dans un califat, le désir de faire partie d’un "noble" projet, la colère et l’aliénation par rapport à la société occidentale, et pour certains le facteur "cool" de prendre part à la guerre. Ces thèmes sont utilisés dans les propagandes de Da'ech.

New America recommande de:

-pousser les déserteurs de Da'ech à partager leur histoire avec le grand public;

-amplifier les voix d’opposants à Da'ech tels que Raqqa is Being Slaughtered Silently (Raqqa est massacré en silence);

-donner plus d’ampleur au travail d’anciens jihadistes qui interviennent directement quand ils suspectent que des jeunes sont en train d’être recrutés en ligne pour les empêcher de partir;

-obtenir le soutien d’imams reconnus qui réussissent à dissuader des musulmans séduits par Da'ech de rejoindre l’organisation en les convainquant que ce que fait Da'ech est contraire à l’Islam;

-faire pression sur les compagnies de réseaux sociaux pour qu’elles fassent respecter leur propre règlement d’utilisation;

-poursuivre la campagne militaire contre Da'ech;

-reconnaître les efforts de la Turquie pour gérer l’afflux de combattants étrangers sur son sol qui tentent de rejoindre l'organisation, et pousser la Turquie à faire plus;

-prévoir des mesures spécifiques pour les jeunes séduits par Da'ech qui n’ont pas un passé violent (Ainsi, les familles ne se retrouveraient pas face au dilemme de voir un des leurs risquer de lourdes peines si elles mentionnent les penchants de la personne aux autorités);

-conscientiser les parents aux messages de propagande que Da'ech répand sur le web;

-constamment marteler le message que Da'ech se présente comme défenseur des musulmans alors que l’écrasante majorité de ses victimes sont des musulmans;

-établir une base de données de tous les étrangers partis.

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