Mohamed Benmoussa: “L’Istiqlal doit changer de logiciel de fonctionnement”

Economiste et homme d'entreprise, Mohammed Benmoussa est un militant istiqlalien qui accepte de se prêter au jeu de l'introspection sur la crise actuelle et l'avenir du parti.

Mohamed Benmoussa: “L’Istiqlal doit changer de logiciel de fonctionnement”

Le 11 novembre 2015 à 17h18

Modifié 11 novembre 2015 à 17h18

Economiste et homme d'entreprise, Mohammed Benmoussa est un militant istiqlalien qui accepte de se prêter au jeu de l'introspection sur la crise actuelle et l'avenir du parti.

Il se définit lui-même comme un militant de base de l’Istiqlal. Il est impliqué dans la vie du parti, à travers l’Alliance des économistes istiqlaliens et le Conseil National, ainsi que dans la vie associative à travers le Mouvement Damir.

Mohammed Benmoussa est également bien connu dans les milieux économiques, il a assumé des responsabilités dans différents secteurs tels que la banque et les marchés des capitaux.

Ci-dessous, il évoque la situation de l’Istiqlal sans langue de bois: "J'incarne avec une multitude d'autres personnes la base et je m'autorise à parler en tant que militant".

-Médias 24: Au lendemain des élections, quel diagnostic faites-vous des résultats électoraux de l’Istiqlal?

-Je tiens d’abord à préciser que je n’ai aucune intention belliqueuse à l’encontre de qui que ce soit. Même si je suis en désaccord avec la ligne politique de Hamid Chabat, sa personne mérite le respect.

Lors des dernières élections, la ligne politique qu’il a adoptée a donné des résultats désastreux. En dépit du fait que nous avons obtenu la 2e place en termes d’élus aux communales et la 3e place aux régionales, l’Istiqlal a été incapable de gagner les grandes villes qui sont allées au PJD et au PAM.

Même constat aux régionales où nous avons eu 2 régions sur 10 grâce aux candidats locaux et pas à leur appartenance istiqlalienne.

Nous avons été incapables de tisser de vraies relations de partenariats avec les autres partis politiques pour dégager des majorités stables et durables dans les grandes villes et régions du Maroc.

-Avec le recul, l’échec ne se sera pas limité à une déroute électorale?

-L’échec est électoral mais il est aussi moral et éthique car les engagements pris par les instances de direction n’ont pas été respectés.

Toute la direction avait promis de remettre son mandat entre les mains des militants mais ça n’a pas été fait alors qu’il aurait été salutaire de se remettre en cause après avoir failli en termes de performances électorales.

De plus, les affaires de fraudes électorales, citées par la commission de contrôle des élections, aggravent les choses (ndlr: 6 conseillers sont soupçonnés d’avoir acheté des voix pour se faire élire; à cela s'ajoutent ceux dont le nom est cité par le rapport de la Cour des comptes ou qui sont convoqués par la BNPJ).

Pour ne pas ternir l’image de leur famille politique, la moindre des choses pour ces présumés innocents aurait été de se retirer de l’action politique pour défendre leur honneur et protéger leur parti.

-Le Conseil national du 21 novembre prochain ne sera-t-il pas l’occasion d’en parler?

-La convocation du conseil a été tardive car celui-ci aurait dû être organisé au lendemain du processus électoral. Sur le fond, deux points sont à l’ordre du jour alors que de multiples questions se posent.

Il eu été préférable et cohérent que lors de ce rendez-vous, le comité exécutif et le secrétaire général présentent leur démission. Le Conseil national aurait alors désigné une équipe restreinte de 4 personnes (task force) pour gérer les affaires courantes et préparer dans l’urgence le congrès extraordinaire (CE).

-La commission préparatoire du CE est pourtant censée prendre la relève du comité exécutif?

-Nous ne savons toujours pas comment les choses vont s’organiser et quelles propositions émergeront. J’imagine qu’il y aura une gestion bicéphale avec d’un côté la commission chargée de préparer le congrès et de l’autre le comité exécutif qui continuera à gérer le parti jusqu’au renouvellement de ses instances.

Pour la symbolique, il aurait été préférable qu’il y ait une démission rapide de tous les dirigeants pour montrer que le message des citoyens a bien été reçu.

L’ordre du jour étriqué retenu par le conseil national donne l’impression que le parti est resté sourd et que certains essayent de minimiser l’ampleur de la déroute électorale et du désaveu populaire.

-A qui doit-on la paternité de cette situation?

-L’échec est collectif car le secrétaire général est conforté par un board tout aussi responsable que lui. La responsabilité incombe autant à Hamid Chabat qu’aux membres du comité exécutif qui l’entourent.

Toutes les grandes lignes stratégiques du parti ont été validées et cautionnées par le board du parti.

-Hamid Chabat ne peut donc être tenu pour seul comptable de la situation...

-Le secrétaire général a une très lourde responsabilité mais elle n’est pas exclusive car aucun membre du comité exécutif n’a jamais pris le risque d’exprimer son désaccord avec la ligne politique du parti.

-C’est peut-être parce qu’il a verrouillé le parti et qu’il fait peur à ses détracteurs?

-Peut-être mais quand on a peur en politique, c’est la paralysie assurée alors que les citoyens ont besoin de représentants libres.

-Ses opposants auraient donc dû démissionner pour manifester leur désaccord?

-Evidemment mais avant, ils auraient pu faire fléchir la ligne du parti quand il était encore temps au lieu de la cautionner par leur silence complice. Ils auraient dû alerter les militants, l’opinion publique ou à défaut se retirer de l’équipe dirigeante qui est comptable de la ligne politique du parti.

-Comment se porte la base du parti de l’Istiqlal?

-Il y a une grande amertume et une colère qui est paradoxalement dirigée contre un seul homme. C’est une erreur car s’il est le premier responsable, il n’est pas le seul à devoir assumer. Le comité exécutif ne l’a jamais rappelé à l’ordre alors qu’il aurait dû le faire à la première incartade de Chabat.

-A quoi doit-on cette indulgence?

-Pour être responsable politique de premier plan, il faut avoir des compétences, de la culture, une vision et une ambition pour son pays. Ce n’est assurément pas le cas de Monsieur Chabat ni le cas des membres du comité exécutif qui ont cautionné pendant plusieurs années ses dérapages.

S’il y avait eu des voix dissonantes qui s’étaient clairement exprimées, nous n’en serions pas là mais le SG est à l’image de son comité exécutif.

Il est facile aujourd’hui que le mal est fait de venir dire "nous n’étions pas d’accord" pour se repositionner lors des prochaines échéances. Cela relève de la malhonnêteté intellectuelle et les militants doivent se méfier de ce genre de discours.

-Pour un vrai changement, toute la direction du parti doit s’en aller?

-La problématique qui se pose ne se limite pas à ce départ, il nous faut revoir en totalité le logiciel du parti en redéfinissant notre idéologie afin d’être en phase avec les Marocains et nos électeurs.

Aujourd’hui, l’Istiqlal est devenu un parti passéiste; il faut donc renouveler l’équipe mais aussi son idéologie avec un modèle politique et économique adapté pour faire face aux grands problèmes du Maroc (chômage, faible croissance, disparités …).

-Le départ de Chabat est donc indissociable de celui des membres du comité exécutif?

-C’est indispensable mais rien n’empêche certains ou même la totalité des membres de redemander la confiance de la base. S’ils sont réélus, il ne faudra pas s’offusquer de la réédition des erreurs du passé car je rappelle qu’ils portent une lourde part de responsabilité dans la situation actuelle.

-Qui peut incarner le renouveau espéré du parti?

-Je ne vois personne au niveau de l’actuelle équipe dirigeante mais dans la future équipe que j’envisage, il y en a certainement.

Je ne peux pas vous citer de noms car ces personnes ne veulent pas être mises en avant. Ils sont plusieurs dans la nouvelle génération d’économistes, d’ingénieurs, d’intellectuels qui feront l’affaire.

Si on reproduit les mêmes erreurs du passé avec le même mode de fonctionnement et les mêmes personnes, on aura un Chabat bis et un Istiqlal qui continuera de décliner. 

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