5 clés pour décrypter le discours de la Marche Verte

Le discours du 40e anniversaire de la Marche Verte, prononcé vendredi 6 novembre à Laâyoune, est un pas supplémentaire, dans un patient processus de réformes. 

5 clés pour décrypter le discours de la Marche Verte

Le 7 novembre 2015 à 15h02

Modifié 11 avril 2021 à 2h37

Le discours du 40e anniversaire de la Marche Verte, prononcé vendredi 6 novembre à Laâyoune, est un pas supplémentaire, dans un patient processus de réformes. 

Ces dernières ne concernent pas seulement le Sahara. Voici une grille de lecture.

1. Economie: nouveau modèle de développement et grands chantiers

Ni l’un ni l’autre ne sont nouveaux. La nouveauté, c'est la mise en oeuvre du modèle, lancée le lendemain, samedi 7 novembre 2015.

Le nouveau modèle de développement a été élaboré par le CESE à la demande du Roi Mohammed VI. Il a été rendu public à l’automne 2013. Il fait un diagnostic sévère de la période passée, basée sur la rente et le clientélisme. Il met en évidence le système d’assistanat qui a été mis en place dans les provinces du sud ainsi que la faiblesse des investissements privés. Il rappelle que la défiscalisation des activités économiques est une aberration qui constitue un frein au développement.

Le rapport du CESE est disponible sur notre portail, texte intégral ou synthèse.

Par exemple, lorsque le Roi dit dans le discours du 6 novembre que le système d’aide sociale doit devenir plus transparent, il fait référence au diagnostic du CESE et à une demande des populations locales.

Les grands chantiers annoncés dans les régions de Laâyoune Sakia El-Hamra, Dakhla Oued Eddahab et Guelmim-Oued Noun:

-La stratégie suivie consiste à ériger les provinces du sud en hub entre le Maroc et l’Afrique. Tous les atouts de la région sont mis à profit : géographique (hub africain, port de Dakhla), pêche, énergies renouvelables…

Dans le domaine des infrastructures, le Roi a annoncé le renforcement du réseau routier de la région, à travers la réalisation d'une voie expresse, aux normes internationales, entre Tiznit-Laâyoune et Dakhla.
- le port Dakhla Atlantique,

- projets d'énergie solaire et éolienne dans le Sud,

-connecter la ville de Dakhla au réseau électrique national.
-station de dessalement de l'eau de mer à Dakhla,

- mise en place d'unités et de zones industrielles à Laâyoune, Marsa et Boujdour.
-mise en place d'un cadre juridique incitatif pour l'investissement,

-création d'un Fonds de développement économique ayant vocation à renforcer le tissu économique, soutenir les entreprises et l'économie sociale et assurer l'emploi et un revenu stable, surtout pour les jeunes.

Le CESE a préconisé un plan de développement avec 140 MMDH d’investissements sur dix ans, devant créer 120.000 emplois. Mais le Roi n’a annoncé aucun chiffre.

2. La régionalisation: Contrats programmes et transferts de compétences.

Après les élections du 4 septembre dernier, la régionalisation avancée s’installe dans les 12 régions avec une inévitable progressivité.

La régionalisation est un étage supplémentaire entre la commune et le gouvernement central. C’est aussi un maillon possible entre la situation actuelle et l’autonomie.

La régionalisation signifie l’avènement d’identités territoriales, de conscience du territoire, la prise en charge par les populations de leurs propres affaires à travers des représentants élus “à la régulière“.

Elle implique des pré-requis parmi lesquels une mise à niveau du territoire national pour réduire les inégalités d’une région à l’autre. D’où l’initiative royale de créer un Fonds destiné à effectuer une mise à niveau dans les infrastructures et les prestations sociales dans plus de 20.000 douars démunis. C’est le fameux Fonds doté de 50 milliards de DH sur 7 ans.

Seconde limite ou frein à dépasser avant de pouvoir donner un contenu concret à la régionalisation: la faible qualification des élites locales, les faibles moyens financiers et humains.

Troisième pré-requis: il faut concevoir des projets et proposer des contrats-programmes pour obtenir des financements et des transferts de compétences.

Dans son discours, le Roi Mohammed VI a souligné que "pour illustrer la volonté de donner la primauté aux provinces du Sud dans le processus d'application de la régionalisation avancée, il est prévu de mettre au point des contrats-programmes entre l'Etat et les régions".
Le Roi a appelé le gouvernement à activer la mise en œuvre des dispositions juridiques relatives au transfert des compétences du centre vers les régions du sud, et à soutenir celles-ci en leur affectant les compétences humaines et les ressources matérielles nécessaires, dans la perspective de la généralisation de cette expérience parmi les autres régions du Royaume.
Autre pré-requis pour la réussite de la régionalisation (et, en cas de besoin, de l’autonomie) : la création ou la multiplication de structures de médiation crédibles et institutionnalisées.

C’est pourquoi le Roi a évoqué la nécessité “d'impliquer les populations, en assurant des espaces et des mécanismes permanents pour le dialogue et la concertation, leur permettant de s'approprier les programmes et de s'investir dans leur réalisation. Le Corcas (Conseil royal consultatif des affaires sahariennes) n’est pas suffisant comme structure de médiation et il n’est pas impossible que lui-même connaisse des changements.

3. Autonomie: c’est le maximum que le Maroc peut donner.

Régulièrement, une ou quelques voix s’élèvent pour demander une application unilatérale par le Maroc de son initiative d’autonomie présentée aux Nations Unies en 2007. On se demandait si le Roi allait évoquer cette possibilité, ou annoncer un calendrier, voire appeler de nouveau à négocier le contenu de l’autonomie.

Il n’en a rien été. Il n’y aura pas pour le moment de mise en œuvre tant que le contenu précis n’a pas été négocié avec l’autre bord.

L’autonomie est une forme crédible et reconnue d’autodétermination. La proposition marocaine prévoit l’élection d’un parlement régional au suffrage universel, qui élirait à son tour un chef de gouvernement. Le législatif et l’exécutif relèveraient des populations locales, de même que les tribunaux te la police locale. Tous les domaines régaliens relèveraient du pouvoir central: ordre juridictionnel, affaires étrangères, défense, sécurité, ainsi que le champ religieux. Le chef du gouvernement serait investi par le Roi.

Parmi les pré-requis à la réussite de l’autonomie, citons l’aspect culturel et identitaire, d’où les propos du Roi sur la culture hassanie, dans son discours de vendredi, le Souverain a rappelé les efforts déployés pour renforcer les mécanismes de préservation et de sensibilisation en faveur du patrimoine sahraoui, en édifiant notamment des théâtres, des musées et des maisons de culture dans les régions du Sud.

4. “Les contraintes sont productives“: Abdelaziz Alami, le mythique patron d’Attijari, aimait à le dire quand le contexte économique devenait difficile.

L’affaire du Sahara, née en 1975 d’un voisinage ombrageux et belliqueux, a imposé de nombreuses contraintes au Maroc. Mais au final, au-delà de la réunification certes historique, deux retombées au moins sont précieuses:

-les Marocains se sont approprié cet événement que fut la Marche Verte. On l’a encore vu au cours des derniers jours. Cet événement fait partie de la mémoire  collective et de l’identité marocaines. Les Marocains en sont fiers. C’est un projet de Hassan II mais c’est aussi, on le voit bien, un projet de la nation.

-on a pu lire et entendre, surtout dans les années 80 et 90, que l’affaire du Sahara a freiné la démocratisation puisque les voix dissonantes étaient étouffées, celles qui critiquaient la politique officielle ou la manière dont la cause marocaine était défendue. Avec le Roi Mohamed VI, il y a de plus en plus de transparence dans la gestion du dossier ainsi que la mobilisation et la consultation de la plupart des forces et des courants politiques. Deux exemples: les consultations préalables à l’initiative d’autonomie; la crise avec la Suède où l’on a vu le PSU de Nabila Mounib défendre la cause nationale.

En optant pour la régionalisation avancée et pour une initiative très audacieuse d’autonomie, le Maroc a fait un choix de démocratisation irréversible. Car ni régionalisation ni autonomie ne peuvent réussir sans démocratie. En fait, la démocratie est consubstantielle à l’Etat de droit et à la défense des libertés individuelles et collectives.

5. “Ne décentralisent que les Etats forts et sûrs d’eux“.C’est Hassan II qui le disait. Il ne cachait pas son admiration pour le modèle des landers allemands. La régionalisation, l’autonomie, font partie de l’histoire du Maroc. Le Royaume est parti pour renouer avec cette tradition, dans le cadre d’un Etat moderne cette fois-ci.

6. “Le génie est une longue patience“. Vers 1990, le Roi Hassan II a reçu les chefs des principaux partis politiques pour leur exposer les derniers développements de la question du Sahara. Invité à donner son avis, comme les autres leaders, Abderrahim Bouabid, premier secrétaire de l’USFP à l’époque, avait répondu par cette phrase que l’on prête à Buffon: “Majesté, le génie est une longue patience“.

Le discours du 6 novembre, tout comme les élections du 4 septembre, sont des pas supplémentaires sur une voie qui demande une longue patience.

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