Bras-de-fer étudiants en médecine-Louardi: les arguments des deux parties

Les étudiants de médecine ont réalisés jeudi 17 septembre une mobilisation historique dans les rues de Rabat, Casablanca, Oujda, Marrakech et Fès, pour ce qu’ils ont nommé la marche blanche. Ils s’opposent au service national sanitaire, un avant-projet de loi qui fait déjà grande polémique.   

Bras-de-fer étudiants en médecine-Louardi: les arguments des deux parties

Le 19 septembre 2015 à 13h33

Modifié 19 septembre 2015 à 13h33

Les étudiants de médecine ont réalisés jeudi 17 septembre une mobilisation historique dans les rues de Rabat, Casablanca, Oujda, Marrakech et Fès, pour ce qu’ils ont nommé la marche blanche. Ils s’opposent au service national sanitaire, un avant-projet de loi qui fait déjà grande polémique.   

Vendredi, une réunion a regroupé les différentes parties au litige sur le service national sanitaire, ministère de la Santé, ministère de l’Enseignement supérieur et les deux coordinations des étudiants en médecine et des médecins internes.

Le ministère de tutelle a promis de régler les problèmes en suspens, tels que les indemnités de garde, a annoncé le démarrage de la réforme des études médicales, a réexpliqué l’objectif du projet d’instauration du service national sanitaire. Bref, la crise état ce qu’elle est, le ministère semble réellement à l’écoute.

La situation est en effet arrivée à un point de crispation entre Louardi et les étudiants, réunis en une commission nationale des étudiants en médecine, chacune des parties dénonçant l’intransigeance de l’autre.

Quels sont les points de blocage? Pourquoi les syndicats opposent un refus au service obligatoire, au détriment du principe de continuité du service public? Ci après, le ministère et le collectif s'expliquent, à la demande de Médias 24.. 

Ce qu’est le service national sanitaire

La réforme qui n’est encore qu’au stade d’avant-projet, s’adresse aux futurs médecins, lesquels devront réaliser 2 ans de service dans les zones enclavées, avant les examens de spécialisation. Elle exclut les étudiants des facultés privées et des facultés militaires. Ceux-ci ne seront donc pas tenus par cette obligation.

La rémunération prévue est celle d’un médecin de la fonction publique augmentée d’une prime d’éloignement. Ces deux années compteront pour double dans le cadre des 8 années d’obligation de service public dûes par les nouveaux médecins admis au résidanat (cursus de spécialité). 

Selon les mots du ministre, le projet «vise à combler les déficits en termes de ressources humaines et à pallier la mauvaise répartition des cadres de la santé». D’après les chiffres qu’il fournit, 45% des ressources humaines sont aujourd’hui concentrées sur l’axe Casa-Rabat, tandis que 24% sont présentes en milieu rural. 

Le service est obligatoire mais ne se veut pas «éternel», nous explique Dr. Belghiti, le secrétaire général du Ministère. Il vise à combler un déficit temporaire dans les campagnes, où «la mortalité des femmes en couche est trois fois plus élevée qu’en ville».

Le Ministre de la Santé se défend de mettre en place un service déséquilibré: «la santé publique ne peut fonctionner si l’un des trois piliers est bancal. Les trois piliers sont la couverture sanitaire, l’infrastructure (y compris les bio-équipements) et les ressources humaines».

La réforme devrait coûter 1 Milliard de dirhams par an. Sur le plan des infrastructures, le Ministre promet d’allouer une enveloppe de 945 millions de Dirhams par an pour la remise à niveau des équipements dans tout le Maroc, un budget qui devrait être prélevé sur les économies de la décompensation du sucre. 

Sur le papier, l’intention est honorable. Les équipes hospitalières sont surmenées, dans les zones rurales comme dans les villes et leur périphérie. La patientèle se présente toujours plus nombreuse dans les CHU, un mouvement qui s’est accentué avec la généralisation du Ramed.

Pourtant, la proposition rencontre une vive opposition de la part des étudiants-médecins. La raison? Ils dénoncent une certaine “hypocrisie“ de la part du Ministère dont la réforme ne serait que le cache-misère d’un système de santé délabré.

Louardi lui, veut faire primer l’intérêt général «cette question concerne 33 millions d’habitants et non seulement 3.000 ou 4.000 personnes», a-t’il déclaré à la sortie du conseil du gouvernement tenu le 17 septembre.  Les étudiants expriment-ils un caprice, le refus d’exercer dans des zones désertées, ou alors un ras-le-bol d’être pris pour les dindons de la farce? 

La goutte d’eau qui fait déborder le vase

Salma Ettaki, présidente du BDE des étudiants de médecine dentaire de Casablanca et membre du Conseil national des étudiants en médecine, contredit l’idée que ce mouvement soit opportuniste. «Nous présentons un ensemble de revendication depuis 2011 au Ministère. Le SCO [service civil obligatoire, comme l’ont rebaptisés les étudiants de médecine] c’est la goutte d’eau qui fait déborder le vase».

D’ailleurs, ses collègues et elle se joignent chaque semaine aux caravanes médicales qui sillonnent le pays, sur une base volontariste et gratuite. 

«Nous ne refusons pas le travail dans les zones enclavées du pays, nous refusons d’être des médecins sur papier». Car, ce que réclament ces étudiants, c’est un minimum d’infrastructures. Les hôpitaux régionaux sont démunis, les étudiants se plaignent d’acheter eux-mêmes leur matériel, parfois même les antalgiques pour calmer la douleur des patients.

«A Casablanca, le CHU s’est arrêté 3 mois sans anesthésie,» nous informe cette étudiante. Avec le Ramed, le dénuement du service public de santé s’est aggravé: «Nous sommes contraints de donner des rendez-vous avec des délais de 5 ou 6 mois».  La pression est forte.

Sans équipements dans les hôpitaux, les médecins ont le sentiment d’être condamnés au rôle de «siftologue», à force de devoir renvoyer les patients dans d’autres centres, dans l’espoir que ceux-ci soient mieux pourvus.

Le service temporaire contre l’intégration dans la fonction publique

Parmi les revendications présentées par les étudiants de médecine, ceux-ci réclament l’augmentation des postes d’intégration à la fonction publique.

Pour eux, la mesure de service national ne vise qu’à remplacer les postes de la fonction publique par l’obligation de service dans les zones enclavées. "S’il manque des ressources humaines dans les zones enclavées, pourquoi avoir drastiquement réduit les postes de médecins fonctionnaires dans ces mêmes zones?", se plaignent ces étudiants.

«Nous n’avons jamais refusé d’aller dans des zones enclavées. Qu’ils créent des postes et nous irons. Ce que nous ne voulons pas, c’est être obligé de travailler 2 ans dans ces zones pour nous retrouver ensuite au chômage» se défend Khalil El Yachioui, également membre de la commission nationale et président du BDE d’Oujda. 

La commission avance qu’en 2015, 15 postes de généralistes ont été créés sur 1.500 nouveaux lauréats, tous dans des zones retirées.

Le son de cloche est différent du côté du ministère: sur les 2.900 créations de postes en 2015, 225 concernent des postes de généralistes. Il a fallu lancer trois sessions de concours pour recueillir suffisamment de candidatures, et seuls 125 postes ont été alloués.

«Et lorsque les postes sont alloués, les médecins ne viennent pas» assure le secrétaire général. 

Les autres revendications sont celles de meilleures conditions d’exercice en dotant le service public de moyens adéquats.

La promesse de débloquer un budget pour l’équipement des hôpitaux enclavés, Khalil El Yachioui n’y croit pas. «Ils nous avaient bien promis qu’il n’y aurait pas de facultés privées. Cette promesse n'a pas été tenue». 

L’autre bataille, c’est le statut de leur doctorat. Titulaires d’un doctorat d’exercice et non d’un diplôme d’Etat, les médecins de la fonction publique sont payés sur une grille de salaire correspondant à un niveau de master. Actuellement payés 8.800 DH  par mois à l’entrée dans les services hospitaliers, le statut de doctorant d’Etat leur ferait accéder à une rémunération de base de 13.000 DH. 

Point de blocage

La confrontation entre le ministère et les étudiants a atteint un point de blocage. Chaque partie accuse l’autre de refuser le dialogue. Les étudiants disent ne pas comprendre pourquoi le ministre ne les reçoit pas, qu’il a «fermé les portes du dialogue».

Au ministère, on se montre au contraire prêt à trouver des solutions sur chaque point de la loi. «Nous avons discuté avec les étudiants, ils ont exprimé leur prédisposition à exercer dans les zones enclavées. Ils ont beaucoup d’idées. Il existe des solutions pour s’accorder sur le projet de loi», explique le secrétaire général, qui déplore le rejet en bloc du projet par les syndicats. 

Côté étudiant, on est prêt à poursuivre la grève générale indéfiniment, jusqu’à ce que les revendications soient écoutées, et que l’aspect obligatoire du service soit retiré.

D’après les chiffres fournis par le conseil des étudiants de médecine, 10.000 étudiants ont manifesté jeudi. Le boycott des amphis et des stages est rallié à 100% à Oujda, Marrakech, Casablanca, Fès et à 70% a Rabat du fait de la présence des étudiants militaires.

«On est prêt à faire une, deux ou trois années blanches s’il le faut. Je n’imagine pas qu’un ministre responsable, n’aie pas peur que son pays ne fournisse pas de nouveaux médecins toute une année. Je ne vois pas où est son sens de responsabilité,» fustige Salma Ettaki. 

 En octobre, les internes feront leur rentrée et sont d'ores et déjà appelés à rallier le boycott. Si les internes suivent, les CHU seront dépourvus de ces forces vives, indispensables au fonctionnement de la médecine. En attendant, ce sont les patients d’un système de santé public en déliquescence qui trinquent.

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