Compaoré-Houphouët : le rapprochement qui a tué l’espoir en Afrique

Au-delà des liens diplomatiques et historiques qui unissent le président burkinabé déchu à la Côte d’Ivoire, l’exil de Blaise Compaoré à Yamoussoukro rappelle les années noires de la fin de la révolution burkinabé, et le meurtre non encore élucidé de Thomas Sankara.  

Compaoré-Houphouët : le rapprochement qui a tué l’espoir en Afrique

Le 3 novembre 2014 à 11h18

Modifié le 3 novembre 2014 à 11h18

Au-delà des liens diplomatiques et historiques qui unissent le président burkinabé déchu à la Côte d’Ivoire, l’exil de Blaise Compaoré à Yamoussoukro rappelle les années noires de la fin de la révolution burkinabé, et le meurtre non encore élucidé de Thomas Sankara.  

Fin 1974, la guerre éclate entre le Mali et le Burkina Faso. Thomas Sankara était alors fraîchement rentré de Madagascar, où il avait fréquenté la jeunesse militante de la Fédération des étudiants d’Afrique noire en France, mouvement révolutionnaire à mouvance marxiste. C’est durant cette guerre que Sankara et Compaoré se lient d’amitié.

Le 25 novembre 1980, un coup d’Etat militaire mené par 25 officiers fait chuter le régime de Sangoulé Lazimana. Confrontés à une baisse de popularité, les putschistes font appel à Thomas Sankara, jeune leader doté d’un talent d’orateur hors norme, très respecté au Burkina Faso, à qui ils proposent le poste de secrétaire d’Etat à l’information. Après une longue hésitation, ce dernier finit par accepter… mais son mandat ne durera pas longtemps. Il est placé en résidence surveillée après avoir dénoncé la corruption rampante au sein de l’administration burkinabé.

Deux ans plus tard, soit le 7 novembre 1982,  un nouveau coup d’Etat militaire initié par le Comité de salut public qui regroupe toutes les représentations de l’armée burkinabé renverse le pouvoir. Le comité nomme Jean-Baptiste Ouedraogo président et Thomas Sankara devient alors chef du gouvernement. De janvier à mai 1983, Sankara noue des relations diplomatiques fortes avec d’autres pays d’Afrique, une longue liste dont la Libye de Kadhafi fait partie.

Ce dernier rapprochement Burkina-Libye ne sert pas les intérêts français dans la région, ni ceux de ses principaux alliés : la Côte d’Ivoire d’Houphouët, le Togo d’Eyadéma et le Mali de Moussa Traoré, tous les trois pays frontaliers du Burkina Faso. Guy Penne, alors conseiller de François Mitterrand pour les affaires africaines est dépêché pour organiser l’arrestation de Thomas Sankara avec l’appui de l’aile la plus radicale de l’armée burkinabé.

C’est ainsi que le premier ministre burkinabé fut arrêté le 17 mai 1983, en compagnie de plusieurs autres militaires. Blaise Compaoré parvint à s’enfuir vers la garnison de Pô au Burkina, où il rejoint les commandos sankaristes. Au même moment, les militaires fidèles à Sankara se sont renforcés, et ont réussi à investir Ouagadougou le 4 août 1983, portant Sankara à la tête du Conseil National de la Révolution, aux côtés de son meilleur ami Blaise Compaoré, et de leurs deux camarades de lutte Henri Zongo et Jean-Baptiste Ligani. Un peu partout au Burkina Faso, des comités de défense de la révolution se sont formés.

Multipliant les discours anti-impérialistes, appelant aux renforcements des liens de l’Union africaine, revendiquant l’indépendance des Etats d’Afrique et dénonçant les politiques occidentales néocoloniales, Sankara devient le symbole de la lutte pour l’indépendance africaine et s’attire les foudres de l’alliance francophone en Afrique. Il renforce son image de révolutionnaire à travers le train de vie modeste qu’il mène et qu’il impose à ses ministres, et donne un grand coup de fouet aux secteurs sociaux, malgré la rareté des ressources financières, après la suspension de l’aide budgétaire française et l’arrêt des financements de la Banque mondiale.  

Sur fond de rapports politiques tumultueux entre la Côte d’Ivoire et l’administration burkinabé, marqués par des phases répétées de tensions et d’apaisements, le président Félix Houphouët-Boigny a reçu à plusieurs reprises, à partir de janvier 1986, le numéro 2 de la révolution burkinabé, le capitaine Blaise Compaoré. Cette série de visites se soldera par le mariage de celui qui deviendra plus tard le président du Burkina Faso avec Chantal Terrasson de Fougères, « dame de la cour ivoirienne », et nièce de Félix Houphouët-Boigny. Ce dernier sera le parrain de leur union.

Habituée au train de vie opulent de la cour ivoirienne, Chantal Terrasson n’a pas eu de mal à convaincre Blaise Compaoré, déjà agacé par les restrictions imposées par Thomas Sankara, de profiter des avantages que pourrait lui offre son statut de deuxième homme de la révolution burkinabé. Il cèdera finalement à la tentation, allant jusqu’à approuver la campagne de tracts contre les dérives de la révolution menée par Félix Houphouët sur le sol burkinabé, signe annonciateur de la désintégration de l’amitié qui lie Sankara à Compaoré.

Conscient de l’influence qu’exerce Chantal sur son ami, nommé premier ministre en septembre 1987, Thomas Sankara a déclaré, dans une lettre adressée à l’ancien parlementaire français Edgard Pisani, connaitre l’intention de Blaise Compaoré de le tuer, mais qu’il ne fera rien qui risque d’entrainer le Burkina Faso dans une guerre fratricide. Il a été prévenu du complot par les gardes du corps de Blaise Compaoré.

Thomas Sankara a été assassiné le 15 octobre 1987, dans les bâtiments du Conseil de l’entente à Ouagadougou. Sept de ses proches collaborateurs ont connu le même sort. Le lendemain, un médecin a délivré un permis d’inhumer avec la mention « mort naturelle » A ce jour, aucune enquête n’a été ouverte pour déterminer les circonstances et identifier les responsables de son décès.

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