Vingt ans après la fermeture de la frontière Maroc-Algérie, l’immense gâchis

Le 24 août 1994, deux terroristes franco-algériens pénétraient dans le hall de l’hôtel Atlas Asni à Marrakech et tiraient en direction d’un groupe de touristes. L’événement aura de très lourdes conséquences politiques et économiques pour les deux pays.  

Vingt ans après la fermeture de la frontière Maroc-Algérie, l’immense gâchis

Le 24 août 2014 à 15h53

Modifié 24 août 2014 à 15h53

Le 24 août 1994, deux terroristes franco-algériens pénétraient dans le hall de l’hôtel Atlas Asni à Marrakech et tiraient en direction d’un groupe de touristes. L’événement aura de très lourdes conséquences politiques et économiques pour les deux pays.  

Au coeur de l’été 1994, trois jeunes franco-algériens auparavant recrutés par un franco-marocain, tous originaires d’Orléans, tuaient à l’arme automatique deux touristes espagnoles et blessaient une touriste française en vacances à Marrakech. Stéphane Ait Idir, Rédouane Hammadi et Tarek Fellah avaient été recrutés quelques mois auparavant par Abdelilah Ziyad avant de partir suivre une formation au maniement des armes au Pakistan et en Afghanistan.

Cet attentat visant des civils et une cible touristique et économique, inédit dans les annales du Maroc contemporain, provoque un immense choc au Maroc et l’instauration immédiate du visa par le ministère de l’Intérieur marocain pour les ressortissants algériens.

Dans les heures qui suivirent, les touristes algériens se trouvant sur le sol marocain et les résidents algériens au Maroc durent retourner en Algérie et suivre la procédure de demande de visa auprès des services consulaires marocains à Alger ou à Oran. Alger répliquera immédiatement en instaurant les mêmes mesures et en en rajoutant une deuxième qui perdure jusqu’à aujourd’hui :la fermeture des frontières terrestres entre les deux pays.

Outre la perturbation des flux commerciaux et humains entre les deux pays, la brutale détérioration des relations entre Rabat et Alger allait également provoquer d’autres situations inédites : désormais, pour exporter de Casablanca à Alger, il fallait faire transiter ses marchandises par les ports de Barcelone en Espagne ou de Marseille en France. Les liaisons aériennes directes seront également réduites au minimum avant d’être interrompues et de reprendre quelques années plus tard.

Mais la frontière terrestre entre Oujda et Maghnia restera, elle, fermée, exceptée pour les contrebandiers et les candidats à l’émigration clandestine vers l’Europe, qu’ils soient subsahariens, algériens ou plus récemment, syriens.

Des économies pénalisées

L’impact économique se fera ressentir des deux côtés de la frontière. L’été de la rupture, août 1994, 900.000 visiteurs algériens avaient été enregistrés au Maroc. Si l’Algérie vend peu de marchandises au Maroc, excepté du carburant et des produits pharmaceutiques bon marché car fortement subventionnés, les industriels de Casablanca, de Tanger ou de Fès accuseront le coup : matériel électrique, agro-alimentaire, produits de consommation courante en matière plastique ou textile-confection souffriront.

Selon diverses études réalisées au cours de ces dernières années, la fermeture des frontières terrestres entre le Maroc et l’Algérie couplée à la panne généralisée du processus du processus d’intégration maghrébine initiée à Marrakech en février 1989, provoque une perte d’un à deux points de PIB des deux côtés de la frontières.

Sur 20 ans, cela fait un gâchis supérieur à la moitié d’un PIB annuel. En 2013, le PIB marocain est estimé à 105 milliards de dollars, à 215 milliards de dollars en Algérie tiré à 95% des revenus du pétrole et du gaz. A ces chiffres, il faut ajouter la perte en termes de créations d’emplois : chaque point de PIB correspond dans le cas marocain à la création nette de 30.000 emplois, le cas algérien ne devant pas  être très éloigné.

Au vu des chiffres du chômage et des tentatives d’émigration clandestine ou non des jeunes Marocains et des jeunes Algériens depuis 20 ans, on voit ce qu’une politique de coopération bilatérale et régionale, une politique de voisinage normale entre deux peuples et deux sociétés si similaires, aurait pu apporter et rapporter aux deux pays. Le résultat est qu’en 2013, l’ensemble des PIB du Maroc, de l’Algérie, de la Tunisie, de la Libye et de la Mauritanie représente… 0,4% du PIB mondial selon le Pr. Abderrahmane Metboul, autant dire des broutilles. A cinq, les pays maghrébins arrivent péniblement 450 milliards de dollars.  

Résultat : Pour le reste du monde et les partenaires des pays maghrébins, le Maghreb intéresse tant qu’il n’est pas source de violences, qu’il continue de fournir de l’énergie, du gaz algérien et du pétrole libyen, qu’il fournit à quelques entreprises multinationales européennes, américaines et chinoises des marchés, sans oublier les marchands d’armes. En 2013, Alger a dépensé autant que Tel Aviv en achats d’armements, environ 12 milliards de dollars, le Maroc, un peu plus de trois milliards.

Depuis 20 ans, la normalisation des relations bilatérales et régionales butte sur des logiques qui vont contre les intérêts de la région, dont l’insistance d’Alger à faire du dossier du Sahara marocain une condition « incontournable » à la réouverture des frontières, comme si Alger avait la légitimité pour imposer une quelconque condition sur une affaire maroco-marocaine. C’est en ce sens que ceux qui estiment qu’Alger manipule ce dossier et le Polisario dans le strict intérêt du régime n’ont pas tort.  La logique et la légitimité de l’intégrité territoriale du royaume et du processus de décolonisation du Maroc des occupations française et espagnole ne trouvent pas grâce aux yeux de nombre des héritiers du FLN.

Messages… parfois contradictoires

Mais Rabat a de nouveau répondu à cela, de manière subtile et pertinente : L’envoi en juillet dernier par le Roi Mohammed VI au président algérien Abdelaziz Bouteflika, à partir de Dakhla, d’un message de félicitations à l’occasion de la fête nationale algérienne constitue un message suffisant en la matière.

La politique ne s’arrête jamais. Ainsi, on peut considérer que le contenu du discours du 20 août dernier du président Bouteflika apporte des éléments bienvenus de déblocage. Les Marocains le savent peu, mais Alger célèbre également la date du 20 août 1955, Journée nationale du Moujahid, là où le Maroc célèbre la date du 20 août 1953, la Révolution du Roi et du Peuple.

Dans ce message, Bouteflika dit notamment : « « La date du 20 août, gage de fraternité et de solidarité entre les peuples  marocain et algérien et date commune aux deux peuples, (…) nous appelle à ne pas faire cas des futilités des jours ordinaires, qui tentent de nous faire oublier cet idéal et nous amènent  à confondre entre les constantes et les variables ».  

« Futilité des jours ordinaires », « constantes et variables », un vent nouveau soufflerait-il sur le Maghreb ? Malheureusement pas encore.  A lire les déclarations faites fin juillet  par le chef de la diplomatie algérienne Ramtane Lamamra, réputé être un faucon en matière de relations maroco-algériennes, celui-ci  parle de relations « normales » avec le Maroc de l’UMA en les liant de nouveau au dossier du Sahara. Double message ou lutte des clans à Alger ?

Anyone for volley-ball ?

Les relations maroco-algériennes, 20 ans après l’attentat de l’Atlas Asni en sont au même point. Affligeantes.  Heureusement, cela n’a pas empêché un groupe de jeunes Marocains vite rejoints par des jeunes Algériens de prévoir l’organisation d’une partie de volley-ball le 31 octobre sur la ligne frontalière. Le lieu précis n’est pas encore déterminé ni une quelconque autorisation donnée d’un côté ou de l’autre. Mais une page Facebook a été créée, 15.000 invitations envoyées et 2.500 internautes ont indiqué leur intention d’être présents ce jour-là, vendredi 31 octobre.

Un match nul, un set gagnant chacun, c’est tout le mal que l’on peut souhaiter aux deux équipes.


 

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