L’Irak s’installe dans la guerre civile, la partition semble inévitable

 Dans cet épisode tragique de l’actualité arabe, ce n’est pas le destin de l’Irak qui préoccupe. La décomposition de l’Irak, son éclatement, sont actés, inévitables. Ce qui suscite l’inquiétude, c’est l’avenir du camp sunnite et les conséquences que les dérives jihadistes peuvent avoir.

L’Irak s’installe dans la guerre civile, la partition semble inévitable

Le 23 juin 2014 à 7h44

Modifié le 23 juin 2014 à 7h44

 Dans cet épisode tragique de l’actualité arabe, ce n’est pas le destin de l’Irak qui préoccupe. La décomposition de l’Irak, son éclatement, sont actés, inévitables. Ce qui suscite l’inquiétude, c’est l’avenir du camp sunnite et les conséquences que les dérives jihadistes peuvent avoir.

Une insurrection sunnite généralisée. Il y a au moins une dizaine de groupes militarisés qui sont à l’œuvre dans le pays sunnite. Plusieurs d’entre eux sont financés par l’Arabie saoudite.

La plupart de ces groupes se réclament de l’Islam, même ceux qui sont issus du Baas laïque.

En plus de ces groupes militarisés construits autour d’une plateforme idéologique, il y a les groupes tribaux, également financés de l’étranger.

Dans cette insurrection généralisée où Saoudiens et Iraniens se font la guerre par procuration, l’imprévu se nomme ISIS (Islamic State in Iraq and al-Shām) ou EIIL (Etat Islamique de l’Irak et du Levant) ou enfin Da’ech (de l’arabe ad-Dawla al-Eslamia fil-Irak wa-SHam). Le groupe le plus cruel du jihadisme, devant lequel Zawahiri et Al-Qaïda apparaissent comme des enfants de chœur.

L’EIIL est d’ailleurs né d’une scission d’Al-Qaïda après lui avoir prêté allégeance. Son chef est mystérieux, il se fait appeler Abou-Bakr Al-Baghdadi, et on lui connaît une seule photo dont l’authenticité n’est pas prouvée.

10.000 à 15.000 combattants répartis entre la Syrie et l’Irak. Donc, l’EIIL est une simple composante de l’insurrection sunnite, la plus cruelle et la plus déterminée. Ses combattants sont les plus aguerris de la région, grâce entre autres au théâtre syrien.

Beaucoup, au moins la moitié, viennent de l’étranger, dont le Maghreb. Les autres sont syriens et irakiens.

La cruauté de l’EIIL fait peur. La terreur chez eux est une stratégie à part entière. Les meurtres sont soigneusement mis en scène et filmés, ils sont généralement exécutés à l’arme blanche. Les photos et vidéos des décapitations sont une arme à part entière. Chez eux, décapiter un ennemi est un haut fait d’armes.

La chute de Mossoul.Lorsque, à partir du 9 juin, 800 à 1.500 jihadistes de l’EIIL se présentent avec d’autres groupes armés aux portes de Mossoul, deuxième ville du pays, c’est la débandade parmi les 30.000 soldats de l’armée régulière. La plupart de ces soldats sont sunnites et n’ont pas envie de risquer leur vie pour un pouvoir chiite. De plus, la cruauté de l’EIIL est dans tous les esprits.

Une insurrection sunnite non-homogène.Tout le nord du pays sunnite, jusqu’à la frontière syrienne, est désormais contrôlé par l’insurrection.  Mais celle-ci n’est pas homogène. Ses groupes peuvent devenir concurrents, adversaires, voire ennemis du jour au lendemain. En Syrie, on a bien vu les jihadistes du Front Nosra et de l’EIIL se faire la guerre, une guerre qui n’est d’ailleurs pas terminée.

Des affrontements sont inévitables, tôt ou tard, entre groupes armés sunnites. De même, les limites entre pays chiite et pays sunnite ; ainsi que les limites entre le pays kurde et le pays arabe sunnite sont floues et peuvent donner lieu à des affrontements.

Où se trouvent les richesses du pays?Autre source probable d’affrontements à venir, les puis de pétrole. Ceux du sud se trouvent dans la profondeur du pays chiite. Par contre, ceux du Nord, sont à cheval entre territoire kurde et pays sunnite arabe.

Ce décor étant planté, quels sont les scénarios probables?

Dans l’immédiat, la guerre civile se poursuivra. L’AFP rapporte que “les insurgés sunnites emmenés par les jihadistes de l'Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) se sont emparés de trois villes de la province occidentale d'Al-Anbar -- Al-Qaïm, Rawa et Aana --, l'armée affirmant dimanche qu'elle s'en était retirée pour des raisons tactiques de redéploiement. Selon des témoins pourtant, les insurgés se sont emparés dès samedi d'Al-Qaïm et de son poste-frontière avec la Syrie“.

L’idée d’un gouvernement d’union nationale promue par les Etats-Unis est une nouvelle fausse bonne-idée. La méfiance est trop profonde, le sang a coulé entre communautés, la haine s’est installée, la réconciliation est impossible, la solution politique est illusoire.

 

Signe de l'urgence de la situation, les Chefs d'Etat saoudien et égyptien ont tenu une réunion imprévue dans l'avion du premier, stationnée sur le tarmac de l'aéroport du Caire

 

Lorsque l’insurrection aura étendu son emprise sur la totalité du pays sunnite, trois questions vont se poser :

1. que deviendra Bagdad? Ses faubourgs et notamment Fallouja sont sous le contrôle de l’insurrection sunnite depuis quelques mois.

2. les affrontements entre factions sunnites (groupes armés, EIIL, groupes islamistes non affiliés à Al-Qaida ni à l’EIIL, tribus) aboutiront-ils à un commandement unifié du pays sunite, sous la houlette d’un groupe non jihadiste? Si oui, c’est le moins mauvais scénario. Sinon, si le leadership est assuré par l’EIIL, c’est la voie ouverte à tous les dangers pour la région :

            a. les tribus, on l’a déjà vu par le passé, sont très sensibles à l’argent. Elles seront vraisemblablement mobilisées par l’Arabie saoudite pour contrer l’EIIL. La question est de savoir si cela sera suffisant.

            b. l’islam radical, jihadiste, se positionne plus que jamais comme étant une voie révolutionnaire et anti impérialiste. Cela lui attire, malgré sa cruauté, quelques sympathies un peu partout sur la planète. L’EIIL en particulier a le vent en poupe, surtout depuis le 9 juin. Même Raghd, la célèbre fille aînée de Saddam, leur trouve toutes les vertus comme on peut le voir sur son compte twitter. L’EIIL recrutera plus facilement et mobilisera plus facilement qu’avant.

3. La proclamation de la Khilafa, du califat islamique. Il faut s’y attendre. L’EIIL le fera. La seule question est de savoir quand et où. A Bagdad ou Mossoul? 

Le scénario le moins défavorable à la population et à la région est donc l’instauration d’une sorte d’agglomérat sunnite, plus ou moins cimenté par le puissant voisin saoudien, qui va donner corps à la partition et qui commencera une reconstruction du territoire qu’il va administrer, tout en étant hostile à la fois à l’Iran et aux territoires chiites irakiens.

Le scénario du pire est une victoire de l’EIIL qui créera donc un Etat islamique de califat, sur le pays sunnite irakien et syrien, avant de s’attaquer au Liban et à la Jordanie. Ce serait pire qu’un Etat taliban, la cruauté des soldats et dirigeants de l’EIIL semblant sans limite. Le danger culminera lorsque les Lieux saints de l’Islam, la Mecque et Médine, seront à leur tour menacés par l’EIIL.

Dans les pays du Maghreb, l’appel de l’EIIL deviendra plus audible et plus puissant que jamais. La tentation d’un “EIIL“ du Maghreb et du Sahel est déjà perceptible sur des forums jihadistes. La stabilisation de la Libye avec la reconstruction de l’Etat et de l’armée devient un impératif stratégique.

Et la gestion du champ religieux? Cette tragique évolution des pays arabo-musulmans montre toute la puissance du modèle marocain.


 

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