L’Irak bascule dans la guerre civile et risque de déstabiliser tout le Golfe

Le coup de tonnerre était inattendu. A tel point que de nombreux analystes ainsi que les Etats concernés sont encore sous le choc. Les forces jihadistes de l’EIIL ont pris mardi la ville irakienne de Mossoul, et ont conquis hier la ville de Tikrit, à 160 km de Bagdad.  

L’Irak bascule dans la guerre civile et risque de déstabiliser tout le Golfe

Le 12 juin 2014 à 14h18

Modifié le 27 avril 2021 à 22h28

Le coup de tonnerre était inattendu. A tel point que de nombreux analystes ainsi que les Etats concernés sont encore sous le choc. Les forces jihadistes de l’EIIL ont pris mardi la ville irakienne de Mossoul, et ont conquis hier la ville de Tikrit, à 160 km de Bagdad.  

Tikrit est pleine de symboles: c’est la ville de Salaheddine Al-Ayoubi et ... de Saddam Hussein. Ce jeudi matin, les jihadistes sont annoncés aux abords de Bagdad. L’éventualité d’une chute de la capitale irakienne entre leurs mains n’est plus écartée.

Sur ces vidéos, la prise de contrôle de la ville de Mossoul.


 

La situation militaire. Mardi, les colonnes de l’EIIL (Etat islamique de l’Irak et du Levant) sont entrées dans Mossoul sans combattre. Mossoul est la seconde ville du pays. Les forces étatiques, police et armée, l’ont désertée sans combattre, une partie d’entre elles ralliant les vainqueurs.

Les forces de l’EIIL sont estimées à 15.000 hommes environ entre la Syrie et l’Irak. Selon plsuieurs sources généralement bien informées, 30.000 militaires irakiens ont cédé devant 800 hommes de l'EIIL, parce qu'une partie des militaires a rallié les jihadistes.

Dans la ville et ses faubourgs, les insurgés jihadistes ont mis la main sur les plus importants stocks d’armes du pays. Leurs vidéos montrent leur incrédulité face aux stocks d’armes lourdes, allant des transports de troupes, aux blindés et avions de combat.

La province de Mossoul appelée Nivine est entièrement entre leurs mains. La caractéristique de cette province est qu’elle est limitrophe des zones de l’est syrien déjà contrôlée par les jihadistes. De sorte que la jonction a été opérée sous l’œil des caméras. Plusieurs vidéos ont été ainsi diffusées par l’EIIL montrant la destruction des “frontières artificielles“ entre l’Irak et la Syrie, car l’EIIL veut, comme son nom l’indique, créer un Etat islamique en Irak, en Syrie et au Liban.

Il y a quelques semaines, l’EIIL avait pris le contrôle de Fallouja, ville hautement symbolique dans les faubourgs de Bagdad et bastion sunnite. Il a été impossible de l’en déloger jusqu’à présent.

L’EIIL occupe territorialement la moitié de l’Irak environ. On lui prête comme prochaines cibles la province de Kirkouk, bastion kurde où se trouve une partie des gisements de pétrole de l’Irak et limitrophe de la Turquie et de l’Iran, ainsi que Bagdad.

Risque de partition. La nouvelle constitution irakienne, conçue dans les laboratoires des apprentis sorciers américains, a instauré un Etat fédéral. Sur le papier. En principe, le nouvel Irak démocratique des preux et néanmoins arrogants chevaliers américains devait se constituer de trois blocs : kurdes, chiites et sunnites.

Dans la réalité, le pays est dirigé de main de fer par Nouri El Maliki, un homme qui a une lointaine relation avec la démocratie. Ce chiite qui n’a de bonnes relations qu’avec l’Iran, et surtout pas avec ses concitoyens sunnites ou kurdes, a noyauté l’administration par les nominations confessionnelles.

Un pays sans Etat et sans armée, voici l’Irak aujourd’hui. Les seules lignes de forces sont d’ordre confessionnel ou tribal. La citoyenneté, parachutée par les GI’s, est un concept qui a fait l’objet d’un rejet, comme toute greffe mal préparée.

Les forces les plus puissantes sont le bloc chiite d’un côté et le bloc sunnite de l’autre. Les kurdes ne pèsent pas très lourd même s’ils contrôlent (pour le moment) les ressources pétrolières.

Dans le bloc sunnite,  le leadership vient d’être pris par les plus puissants et les plus déterminés: l’EIIL. On ne sait pas dans quelle mesure ils reçoivent réellement des aides d’autres Etats ou seulement des contributions de la part de donateurs individuels. Mais ils ont de l’argent, des armes et de la chair à canon: des combattants déterminés qui ne craignent pas la mort.

Dans le bloc chiite, seul l’Iran peut prétendre à un quelconque leadership. La communauté chiite reste divisée et l’échec de Nouri El Maliki dans le domaine de la sécurité comme dans la reconstruction de l’Etat l’a décrédibilisé et délégitimé.

Les forces régionales. La région du Moyen Orient comprend désormais trois axes. Le bloc Arabie Saoudite-Emirats-Egypte, auquel on peut joindre la Jordanie.

Le bloc Iran alliée au régime syrien de Bachar et au régime  irakien de Nouri El-Maliki.

Le bloc Turquie-Qatar, de plus en plus marginalisé et d’ailleurs accusé d’avoir fomenté les troubles par la propagande d’Al Jazeera et par les livraisons réelles ou supposées d’armes et d’argent aux forces islamistes radicales.

Qui prendra le leadership contre l’EIIL? Des analyses à chaud publiées ici et là et notamment au Proche Orient, évoquent l’Iran. Parce qu’il le veut, parce que les chiites irakiens le veulent et parce que personne n’a le choix.

Une intervention américaine ? Le pétrole du Moyen Orient est de moins en moins indispensable aux Etats Unis, de moins en moins stratégique. Les précédentes interventions américaines ont toutes tourné au désastre. Si intervention il y a, elle sera limitée.

 

Le Koweït menacé

L'EIIL vient de publier une carte des territoires sur lesquels il compte instaurer son Etat islamique. Carte ci dessous. Le Koweit en fait partie.

 

L’onde de choc dans les autres pays? Si l’EIIL arrive à instaurer un émirat islamique à cheval sur la Syrie, l’Irak et le Liban, il donnera raison à ceux qui ont parlé de redessiner la carte du Moyen Orient selon une logique confessionnelle.

Mais les conséquences ne s’arrêteront pas là.

La principale conséquence concernera le leadership du camp sunnite, avec trois prétendants : les jihadistes (al-Qaida et apparentés tels que EIIL, le bloc Arabie saoudite-Egypte-Emirats, les Frères musulmans avec leurs résidus en Egypte, en Libye et en Tunisie et leurs fers de lance Qatar et Turquie). Une bataille féroce autour de la souveraineté sur les Lieux saints est à craindre. Si les Lieux saints tombent entre des mains jihadistes, ce sera un séisme majeur, un tsunami, dans tout le monde musulman.

Si un Emirat est créé par EILL, sera-ce un remake de l’Afghanistan de Ben Laden ou de la Somalie? Ce sera pire.  Ben Laden ne dirigeait pas l’Afghanistan, c’étaient les Talibans. Il exerçait une influence. Dans un émirat islamique EIIL, les jihadiste seraient directement aux commandes.

Il faut rappeler ici que EIIL est une sorte de filiale dissidente d’al-Qaïda, qui n’a pas hésité à en découdre avec Jabhat Nosra en Syrie. Jabhat Nosra est le front des jihadistes créé par Al-Qaïda.

Autre conséquence probable : les troubles et déstabilisation en Egypte.

Enfin, il est probable qu’il y aura une tentative de clonage dans notre région, pour créer un Etat islamique du Maghreb et du Sahel.

 

Responsabilité morale. L’intervention américaine en Irak, qui a provoqué la chute de Saddam Hussein était probablement légale aux yeux du droit international, puisqu’elle a reçu l’habillage de résolutions onusiennes. Mais elle n’était pas et ne sera jamais considérée comme légitime.

Il en va de même de l’intervention française en Libye, dont l’architecte fut BHL et l’exécutant Nicolas Sarkozy.

Ces deux pays, ont une responsabilité morale dans ce qui se passe aujourd’hui.

Le monde arabo-musulman ou comment sortir de l’histoire. Jusqu’à la fin du 17è siècle, les civilisations du monde progressaient du même pas, à peu de choses près. A partir de la fin du 17è, le progrès s’est accéléré dans le monde dit occidental. Aujourd’hui, prendre 50 années de retard devient irratrapable. Comme le soulignait Yadh Ben Achour, penseur tunisien, le tropisme jihadiste ressemble à une tentative de suicide, qui risque de faire sortir le monde arabe de l’histoire. Ce ne serait pas la première fois qu’une civilisation s’éteint, conclut-il.

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