Le génocide de 1994 continue d’empoisonner les relations entre la France et le Rwanda

Vingt ans après le génocide qui a fait entre 800.000 et un million de morts, les relations entre les deux pays sont toujours aussi froides. Le Rwanda met en cause la France pour son rôle au moment des faits.  

Le génocide de 1994 continue d’empoisonner les relations entre la France et le Rwanda

Le 8 avril 2014 à 11h48

Modifié le 8 avril 2014 à 11h48

Vingt ans après le génocide qui a fait entre 800.000 et un million de morts, les relations entre les deux pays sont toujours aussi froides. Le Rwanda met en cause la France pour son rôle au moment des faits.  

Le 28 janvier 1993, invité du journal télévisé de la deuxième chaine française, un inconnu du grand public : Jean Carbonare, président de l’association Survie. Il était de retour d’une mission de la Fédération internationale des droits de l’homme (FIDH) au Rwanda. Plus d’une année avant le début du génocide, il tirait la sonnette d’alarme en exhortant l’Etat français à assumer ses responsabilités dans le maintien de la paix dans la région. Son appel est tombé dans l’oreille d’un sourd.

En 1959, la révolution sociale éclate au Rwanda en mettant fin à la monarchie féodale. La minorité tutsie jusqu'alors soutenue par le colon belge jouissait d’un grand nombre de privilèges au détriment de la majorité hutue. Après le renversement du régime monarchiste féodal, la Belgique a revu son alliance stratégique. Dès lors, il n’est plus question de soutenir les tutsis. Pire, inquiétée par les relents indépendantistes de l’élite tutsie, la Belgique organise l’expulsion massive de la minorité tutsie.

Plusieurs années durant, le dictateur Juvenal Habyarimana s’opposera systématiquement au retour des tutsis exilés. Ces derniers se sont au fil des années organisés en front armé, appelé Front Patriotique Rwandais (FPR), avec en leur sein, une troupe de combattants qui ont participé, au côté de Yoweri Museveni au renversement d’Idi Amin Dada, et de son successeur Milton Obote.

Le 1er octobre 1990 débute la lutte armée du FPR contre le régime de Habyarimana soutenu par les Forces Armées Rwandaises (FAR), déjà affaibli par la famine et par une opposition des Rwandais du Sud. Le dictateur en appelle à la sensibilité ethnique des Rwandais. Cette époque verra la naissance du tristement célèbre « hutu power. »

Inquiet, Juvenal Habyarimana appelle à la rescousse ses amis français indéfectibles, le lendemain du début de la lutte armée menée par le FPR. L’Elysée décide alors d’envoyer immédiatement un contingent composé de plusieurs centaines de parachutistes au Rwanda, présentés dans les médias français comme agents de la paix.

Pourtant, plusieurs indices laissent penser que la France a autre chose à se reprocher que le fait de n’avoir pas sauvé plus de vies au Rwanda. Dans un article datant du 14 janvier 1998 dans Le Figaro, Patrick de Saint-Exupéry dévoile une lettre du lieutenant-colonel rwandais Cyprien Kayumba dans laquelle il dit avoir négocié deux contrats  d’armement à Paris, en avril, pour le compte des FAR qui au même moment exterminaient la minorité tutsie au Rwanda.

Le 6 avril 1994, l’avion du présidant rwandais Juvénal Habyarimana a été abattu, quelques heures avant le début des massacres. Dans la foulée, l’armée française a exfiltré la famille du clan Habyarimana et 34 Rwandais dont l’identité ne sera jamais révélée, sous couvert d’une opération d’évacuation d’un orphelinat, rapporte François-Xavier Verschave, président de l’association Survie entre 1995 et 2005.

En mai 1994, une réunion fut organisée entre le général Jean-Pierre Huchon, qui commandait depuis un an la coopération militaire franco-africaine, et le lieutenant-colonel rwandais Ephrem Rwabalinda. Le compte rendu de cette réunion, retrouvé par la journaliste belge Colette Braeckman, est sans équivoque. Cités par François-Xavier Verschave dans son livre « La Françafrique, le plus long scandale de la république » en voici quelques passages :

« Il faut sans tarder fournir toutes les preuves prouvant la légitimité de la guerre que mène le Rwanda de façon à retourner l’opinion internationale en faveur du Rwanda et pouvoir reprendre la coopération bilatérale. Entre-temps, la mission militaire de coopération prépare les actions de secours à mener à notre faveur » ou encore « le gouvernement français n’acceptera pas d’être accusé de soutenir les gens que l’opinion internationale condamne et qui ne se défendent pas. Le combat des médias constitue une urgence. Il conditionne d’autres opérations ultérieures. »

Cette bataille médiatique sera gagnée dès juillet 1994, permettant à l’armée française de renouer son alliance avec les hutus et d’assurer le repli des membres du hutu power. D’après le rapport d’enquête de l’ONU daté de mai 1995, cité par Human Rights Watch, des hélicoptères français auraient transporté le colonel Théoneste Bagosora, principal commanditaire du génocide rwandais.

Pourtant, le gouvernement français semble se laver les mains de sa responsabilité présumée dans le génocide rwandais qui a fait entre 800.000 et un million de morts en trois mois. Réagissant à l’entretien accordé par le président rwandais Paul Kagamé à la presse dans lequel il attribue une part de responsabilité du génocide à l’Etat français, Paris a annulé la participation à la cérémonie de commémoration du vingtième anniversaire du génocide. Décidément, en 20 ans, les relations tendues entre la France et le FPR n’ont pas pris une ride.

 

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