Le climat des affaires, entre attentisme et espoir de reprise

La nouvelle stratégie industrielle annoncée mercredi apporte de l’optimisme mais elle doit être rapidement suivie d’annonces concrètes, car l’attentisme est de retour. Petit tour d’horizon des milieux d’affaires.  

Le climat des affaires, entre attentisme et espoir de reprise

Le 7 avril 2014 à 10h28

Modifié 7 avril 2014 à 10h28

La nouvelle stratégie industrielle annoncée mercredi apporte de l’optimisme mais elle doit être rapidement suivie d’annonces concrètes, car l’attentisme est de retour. Petit tour d’horizon des milieux d’affaires.  

L’attentisme est de retour. Dans les milieux d’affaires, de nombreuses entreprises, secteurs, investisseurs, attendent. Et dans cette attente, ceux qui en ont les moyens préfèrent investir dans les obligations du Trésor et autres placements sans risques, que prendre l’initiative.

Le climat général est maussade, mitigé. Et bien sûr, cela se passe différemment selon les secteurs, la taille de l’entreprise, ses fondamentaux, et la région d’implantation. Par exemple, le climat est bien plus enclin à l’optimisme dans la région de Tanger.

Voyons d’abord ce qui est transversal.

Le secteur bancaire va redoubler de prudence en 2014 et on le voit déjà en ce début d’année. Les marges et les résultats du système bancaire se sont inscrits à la baisse à fin 2013, tandis que les créances en souffrance détenues par le système bancaire ont augmenté de 25% environ en un an.

En glissement annuel (de février 2013 à février 2014, source Banque Al-Maghrib), le crédit bancaire n’a progressé que de 3%. Les découverts et facilités de trésorerie poursuivent leur baisse (-1,7% contre 5,8% un an auparavant). Les crédits aux promoteurs immobiliers ont fortement baissé (-5,%) et les crédits à l’habitat ont connu une nette décélération en février (+0,9%). Les crédits à l’équipement sont en stagnation (+0,7% sur une année, -0,2% en février).

Autre indicateur, différents secteurs de grande consommation, approchés par Médias 24, signalent sans autres précisions, un mauvais démarrage de l’année 2014.

Dernier indicateur significatif : les grosses campagnes de publicité n’ont pas encore démarré alors qu’elles sont censées le faire fin mars au plus tard. Le marché publicitaire est atone.

Enquête de conjoncture industrielle de BAM: mauvais démarrage, optimisme relatif

L’enquête de conjoncture industrielle de Bank Al-Maghrib réalisée en février 2014 décèle également un mauvais démarrage de l’année. Les 400 industriels interrogés formulent toutefois des prévisions positives pour les mois à venir.

Les résultats de cette enquête de font ressortir globalement “une baisse de l’activité et des ventes par rapport au mois précédent et une stagnation du taux d’utilisation des capacités autour de 68%“. Le recul de l’activité est constaté particulièrement dans les industries chimiques et parachimiques et dans l’agro alimentaire.

Selon les réponses des 400 entreprises interrogées, représentatives du tissu industriel, l’activité a été en hausse dans la branche électrique et électronique et a stagné dans les industries mécaniques et métallurgiques et textiles et cuir. Par les temps qui courent, une stagnation n’est pas forcément une mauvaise nouvelle.

Pour les trois mois suivants (mars, avril, mai), la majorité des industriels déclaraient s’attendre à une amélioration de l’activité et des ventes.

 

>Verbatim

Abdehamid Souiri, président de la fédération des industries métalliques et métallurgiques

Comparativement au 4ème trimestre de l’année 2013 où nous étions déjà mal en point, la situation du secteur s’est encore dégradée. Je précise tout de même qu’au sein du secteur, certaines filières souffrent plus que d’autres des problèmes de trésorerie.

Dans ce lot, toutes les entreprises importatrices d’acier sont concernées. Je cite les tubistes, les intervenants dans les constructions métalliques, la réparation navale, les chaudronniers…

De plus, les banques montrent davantage de réticence à accorder des crédits aux entreprises du secteur. Le resserrement des vis est une réalité que nous vivons au quotidien. C’est dire que les choses ne se sont pas arrangées depuis la dernière enquête de Bank Al-Maghrib et qui a fait ressortir  que 36% des entreprises relevant de la filière MM jugent l’accès au financement difficile.

Nous mettons beaucoup d’espoirs sur la nouvelle stratégie industrielle. Elle me paraît certes trop ambitieuse, mais j’espère que tous les moyens seront mis en place afin de la concrétiser.

 

X… (chef d’entreprise ayant des responsabilités interprofessionnelles)

C’est la catastrophe! Les entreprises qui travaillent essentiellement avec le secteur public sont asphyxiées. Les annonces faites par le gouvernement promettant de régler les problèmes liés aux retards des paiements ne sont pas tenues, rien de concret n’a été fait, en dehors de quelques opérations ponctuelles à l’égard de certaines opérations du BTP ayant travaillé sur des commandes pour le compte du ministère de l’Enseignement. L’Etat fait la sourde oreille, il ne veut même pas reconnaître le problème en se contentant de multiplier les promesses.

Idem pour la question du butoir. Le texte est passé dans la loi de Finances 2014. Trois mois plus tard, rien n’est fait. C’est fatigant! Mais ce n’est pas le plus grave. Ce qui l’est, ce sont ces centaines d’entrepreneurs qui n’attendent que d’être payés pour fermer boutique, tellement ils ont perdu confiance.

Le climat des affaires est morose. Et ce n’est pas prêt de s’arranger. Il n’y a qu’à voir les bénéfices des banques en nette baisse pour deviner qu’elles fermeront davantage les robinets lors des prochains mois afin de mieux filtrer les clients solvables.

 

Youssef Iben Mansour, président de la FNPI

A vrai dire, le problème de trésorerie n’est pas très ressenti dans notre secteur. La configuration de notre filière est très particulière dans la mesure où environ 50% des entreprises travaillent en autofinancement. Il ne faut pas voir la dizaine d’entreprises médiatisées qui opèrent au niveau des grands projets, mais la centaine de promoteurs qui s’activent dans tout le pays et travaillent peu en recourant au crédit bancaire.

 

X…  (opérateur dans l’importation de matériel médical)

Les banques ne prêtent pas sans garantie, malgré la publicité faite par certains établissements financiers.

Certes,  la Banque centrale a réduit la réserve obligatoire des banques à 2%, le 25 mars en marge de la réunion trimestrielle du conseil de BAM. Ce sont donc plus d’une dizaine de milliards DH qui pourront ainsi être utilisés pour pallier partiellement au déficit de liquidité. Mais  il s’agit d’une solution à court terme. Que va faire la Banque centrale dans quelques mois quand les réserves des banques se réduiront de nouveau ?

Le portuaire est lui aussi en stagnation.  L’autorisation de payer par avance à hauteur de 200.000 DH a été supprimée cette année sur une décision de l’Office des changes dans le cadre de la nouvelle instruction générale. Elle a eu un impact négatif sur les volumes de marchandises transitant par le port. Et pour cause, les exigences imposées par les fournisseurs et auxquelles l’importateur marocain ne peut pas répondre en termes d’acompte minimal. Selon les termes de l’Instruction générale, le seuil des 200.000 DH, toléré avant janvier 2014, a été ramené à 100.000 DH sans fractionnement de facture ou 30% par avance et le reste payé à la livraison.

Pour ce qui est de notre activité, un autre problème risquera de compliquer les choses: la publication, en septembre dernier, de la loi sur les dispositifs médicaux. Son entrée en vigueur est prévue pour septembre prochain. 

Dès lors, aucun produit ne pourra être importé sans avoir été enregistré au  préalable auprès du ministère de la Santé. Ce sont les délais requis pour effectuer ces opérations qui posent problème: entre 12 et 15 mois. Nous craignons d’ores et déjà une forte pression sur l’offre. Cette dernière sera réduite à cause des difficultés d’homologation mettant en péril notre activité et la disponibilité de produits de première nécessité.  

 

X… (Cadre dans un fonds d’investissement)

Les investisseurs se sont évaporés. Il est devenu difficile, presqu’impossible, de trouver des investisseurs qui acceptent de s’engager dans un fonds, en dehors des investisseurs institutionnels connus et dont les interventions sont très encadrées.

L’année dernière, l’attentisme politique gouvernemental, le cafouillage de l’équipe Benkirane (baisse des investissements de 15 milliards de DH, sortie de l’Istiqlal, nouveau gouvernement, annonces contradictoires sur les réformes et sur la décompensation…), ont impacté le moral des milieux d’affaires. L’arrivée aux affaires ou plutôt le retour d’une équipe RNI aux couleurs libérales et censée mieux gérer les finances publiques et l’économie, a apporté un petit espoir. L’annonce d’uns stratégie industrielle globale a provoqué un petit frémissement positif. Maintenant, il faut des mesures concrètes, et vite.

La nouvelle stratégie industrielle a des mérites :

-c’est la première fois que l’on voit quelque chose d’aussi ambitieux, un vrai dessein industriel ;

-deux questions fondamentales sont soulevées : l’arrivée massive de jeunes diplômés sur le marché du travail (1,3 million de personnes selon la présentation) et pour cela l’ambition de créer 500.000 emplois industriels ; la ré-industrialisation du Maroc, pour que l’industrie représente 23% du PIB, le niveau des pays émergents.

Seule l’industrie peut créer massivement des emplois. La désindustrialisation a été une grave erreur. La révolution en Tunisie a eu lieu l’année qui a enregistré un pic de nombre de chômeurs diplômés. C’est pour cela que la nouvelle stratégie industrielle est salutaire. A condition de devenir rapidement concrète.

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