Tamansourt, une ville presque fantôme

Des groupes d’habitations, des lotissements, insuffisances des équipements voire inexistences des servitudes, voici en gros ce que représente la ville nouvelle de Tamansourt.

Tamansourt, une ville presque fantôme

Le 25 février 2014 à 16h06

Modifié 11 avril 2021 à 2h35

Des groupes d’habitations, des lotissements, insuffisances des équipements voire inexistences des servitudes, voici en gros ce que représente la ville nouvelle de Tamansourt.

Inexorablement, de tels dysfonctionnements se traduisent par un important manque à gagner à la fiscalité locale.

 

Les conclusions des experts de la cour des comptes sur l’évaluation de la ville nouvelle de Tamansourt viennent confirmer les difficultés que connaît ce projet. Alors que les anciennes villes souffrent d’une multitude de maux, dans leur conception même, une nouvelle ville sortie de nulle part dépassera-t-elle les handicaps liés à la gouvernance locale?

En matière de gestion urbanistique, le rapport relève «une absence de coordination entre la division de l’urbanisme et la régie des recettes». La régie des recettes se trouve dans l’incapacité d’exiger le paiement de la taxe sur les terrains non bâtis et les redevances d’occupation du domaine public par les matériaux de construction. Parce que tout simplement, la division de l’urbanisme ne remet pas à la régie des recettes les états des redevables ayant ou pas reçus les permis d’habiter ou les certificats de conformité.

Encore plus, le domaine public communal n’a pas encore reçu l’ensemble des servitudes, telles la voirie, les égouts, l’électricité ou les espaces verts.

La réception définitive des travaux d’équipement des lotissements n’a pas encore été effectuée. «En outre, la visite sur place a permis de constater des malfaçons, notamment au niveau de la voirie et du réseau d’assainissement», témoignent les enquêteurs de la cour des comptes.

Les mêmes experts reviennent sur ce qu’ils intitulent «ambiguïté au niveau de la procédure de création de la ville de Tamansourt». Ils rappellent les conditions de ce projet. Il a été lancé par une dérogation, le 18 février 2004, s’établissant sur une superficie de 1.180 hectares. Les enquêteurs soulèvent une question fondamentale: «s’agissait-il de créer la ville dans le cadre de la procédure relative aux lotissements ou dans le cadre d’autorisation par dérogation de travaux d’aménagement?»

Et la réponse n’est guère rassurante. La même source souligne que «la société Al Omrane fait usage de l’une ou de l’autre procédure pour éviter de s’acquitter tantôt de la taxe sur les opérations de lotissement, tantôt de la taxe sur les terrains urbains non bâtis». C’est dit, paroles d’experts !

Et ils ne se limitent pas à ce constat. Ils ajoutent qu’«eu égard aux conventions de partenariat conclues entre la société Al Omrane et les promoteurs immobiliers, qu’il s’agit de la procédure de l’aménagement dans le sens ou la société Al Omrane a exigé des promoteurs immobiliers l’équipement des terrains qu’elle leur a accordés».

Les preuves avancées consistent en une correspondance datée du 30 décembre 2010 adressée par l’autorité locale à la commune rurale de Harbil, dans la préfecture de Marrakech. Elle concerne l’application de la taxe sur les terrains non bâtis. Le courrier incite la commune à recouvrer cette taxe en application de l’article de la loi n°47-06. Cette dernière même qui «exonère provisoirement pour une durée de 7 ans les terrains en cours d’aménagement appartenant à la société Al Omrane ».

Le volet des équipements collectifs est primordial. Leur insuffisance est inacceptable. Le rapport précise à cet effet que «les plans topographiques joints à l’autorisation de création de la ville de Tamnsourt prévoient l’aménagement et la construction de plus de 205 équipements collectifs».

Toutefois, «la visite sur place montre que la réalisation de ces équipements ne dépasse pas le taux moyen de 9% pour les huit premières tranches», expliquent les experts. Et d’ajouter que «seuls 19 équipements ont été réalisés sur un total de 205 programmés initialement, tout en sachant que les travaux d’aménagement ont démarré il y a 10 ans».

Autre point. L’insuffisance des moyens humains, financiers et logistiques de la commune comparés aux besoins de gestion quotidienne de la ville de Tamansourt. C’est important parce que la convention conclue entre l'Erac Tensift et la commune rurale de Harbil, pose que le premier prenne toutes les mesures nécessaires pour la gestion de la ville de Tamnsourt pour le compte de la commune durant pas moins de 5 ans, à fin 2012.

Par gestion, entendez entretien des voies, des espaces verts, de l’éclairage public et collecte des déchets ménagers. Et la conclusion tombe comme un couperet: «la commune rurale de Harbil n’était pas prête pour gérer une ville d’une population totale de 54.000 habitants. En effet, plusieurs indicateurs le confirment et sont liés essentiellement à la faiblesse des moyens logistiques et aux insuffisances des moyens financiers, humains et logistiques». C’était prévisible! Non ?

Il s’ensuit une série de dysfonctionnements au niveau de l’octroi des autorisations de création de lotissement et des groupes d’habitation. Il s’agit notamment de l’octroi de certificat de réception provisoire à certains lotissements sans s’assurer de la réalisation des équipements collectifs, de l’autorisation de créer des lotissements sans instruction préalable du dossier technique par le service technique communal, ou encore de l’octroi par la commune de l’autorisation de construire des groupes d’habitation en l’absence de dossiers techniques relatifs aux travaux d’équipement des lotissements les abritant. Le rapport souligne que ce dernier procédé «a eu des effets négatifs sur les recettes de la commune du fait du non recouvrement de la taxe sur les opérations de lotissement».

Les projets concernés sont listés par les enquêteurs de la cour des comptes. Tout d’abord, le groupe d’habitation Riyad Arrayhane a reçu l’autorisation de création sans instruction préalable du dossier technique. Résultat: la non imposition élève la perte de la commune à 44.456 DH.

Le groupe d’habitation Ryad Assanaoubar qui en principe devait tomber sous le coup d’une autorisation de lotir a reçu celle de construire. Résultat: non application de la taxe sur les opérations de lotissement dont le règlement s’élève à 1.397.640 DH.

Viennent ensuite les lotissements créés sans autorisations préalables. Tel est le cas du lotissement Ryad Al Bathae, le manque à gagner en terme de fiscalité est estimé à 2.284.400 DH. «En outre, il a été constaté que la commune n’a pas entrepris des mesures visant l’application des sanctions pénales prévues par l’article 63 de la loi 25-90 relative aux lotissements, aux groupes d’habitation et morcellement», déplorent les experts de la cour des comptes.

De même pour la 1ère tranche du lotissement Al Madina H, pour lequel le promoteur n’a pas déposé de demande d’autorisation et a entrepris quand même des travaux de lotissement. Il est reproché à la commune de ne pas avoir verbalisé l’infraction en violation avec les règlements de l’urbanisme et de ne pas lui avoir imposé la procédure du lotissement et par conséquent le paiement de la taxe afférente.

En ce qui concerne la gestion des recettes, des manquements ont été enregistrés. Le rapport de la cour des comptes souligne la non mise à jour de l’arrêté fiscal du 19 août 2011. Son actualisation aurait permis la révision de certaines redevances et taxes. Exemple: «la taxe sur la dégradation des chaussées et de la redevance d’occupation temporaire du domaine public pour usage lié à la construction. À ce propos, il a été constaté l’accumulation des gravats des constructions et des démolitions dans la ville de Tamnsourt, que la commune rurale Harbil a pris en charge depuis 2012 en vertu d’une convention signée avec la société Al Omrane», précise le document. 

Le même rapport recommande le recensement annuel des terrains non bâtis, auquel la commune n’a jamais procédé. Et chose confirmée par le président de la commune de Harbil qui reconnaît de pas disposer d’éléments en ce domaine.

Quant à la taxe sur les opérations de lotissement, il est constaté «une perte d’importantes recettes en raison de la non-réévaluation par la commune du coût réel des travaux de lotissement ». Comment? La commune ne réévalue pas le coût déclaré par le lotisseur au terme des travaux d’aménagement. Elle se contente de liquider le montant de la taxe sur la base du coût total déclaré par le lotisseur, sans pour autant s’assurer de la réalité de ce coût par la demande des pièces justificatives des différents travaux entrepris par ce dernier. Au final, la commune transgresse les dispositions de l’article 62 de loi 47-06 relative à la fiscalité locale qui prévoit que le montant de la taxe se calcule sur la base du coût réel au moment de la délivrance du permis d’habiter ou du certificat de conformité.

Le rapport  de la cour des comptes recommande à la commune de recouvrer le montant restant dû de 15.552.309, 19 DH auprès d’Al Omrane. Et surtout de «prendre les mesures réglementaires nécessaires pour astreindre la société Al Omrane à s’acquitter du montant restant dû de la taxe sur les opérations de lotissement ».

 


 

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