20-février: ce qu’en disent les activistes, ce qu’en pensent les intellectuels

Le Mouvement du 20 février qui fête timidement son 3e anniversaire ce jeudi a contribué à secouer le landernau politique et  la société civile mais il a perdu de son intensité sociale. Petit point entre mutations, réminiscences et analyses.  

20-février: ce qu’en disent les activistes, ce qu’en pensent les intellectuels

Le 21 février 2014 à 10h42

Modifié 21 février 2014 à 10h42

Le Mouvement du 20 février qui fête timidement son 3e anniversaire ce jeudi a contribué à secouer le landernau politique et  la société civile mais il a perdu de son intensité sociale. Petit point entre mutations, réminiscences et analyses.  

20-février: ce qu’en disent les activistes, ce qu’en pensent les intellectuels

Trois ans après la vague de contestation marocaine qui avait démarré dans le sillage des printemps arabes en 2011, ce mouvement ne fait plus recette ni les feux de l’actualité.

L’adoption d’une nouvelle Constitution et les élections qui ont porté le PJD au pouvoir semblent avoir coupé l’herbe sous le pied des manifestants. L’apport de ce mouvement contestataire aura été de libérer la parole et d’avoir ouvert le champ politique à l’implication active des protestataires en quête de citoyenneté.

Descendre dans la rue en réclamant davantage de liberté sociale et d’équité aura été une révolution politique dans une culture marocaine qui jusque là ne souffrait pas le débat public.

Trois ans après, chacun y va de son analyse, de son explication et de ses espérances. Une chose est sûre, il y a bien eu un 20-Février dans l'histoire du Maroc.

 

Séquence n°1 : La parole aux apôtres du 20 février

 Les jeunes du mouvement du 20 février se prêtent au jeu de l’autocritique, en faisant montre de beaucoup de recul, tout en capitalisant sur les réalisations des trois dernières années.

C’est le cas de Nizar Bennamate, membre du 20 février. Pour lui, le mouvement n’est pas mort, mais il s’est transformé. En effet, depuis que le mouvement à déserté la rue, plusieurs projets sont nés à l’initiative de ses militants.

Tout au long de son parcours, le mouvement a du nouer plusieurs alliances stratégiques. Tantôt gauchiste, tantôt islamiste, le mouvement a été décrit de tout bord, par tous les qualificatifs.

On lui reproche souvent d’avoir capitulé face au poids et la pression de la Jamaa d’Al Adl Wa l’Ihsane. Bien que, «dans les premières sorties du mouvement, les islamistes étaient minoritaires» se souvient N. Bennamate.

«Petit à petit, la classe moyenne a abandonné la rue, lassée pour la plupart par la perte d’intensité du mouvement. En effet, les sorties ont nécessité beaucoup de temps et d’efforts aux militants. D’autres ont quitté le mouvement par hostilité à l’égard de la Jamaa qui prenait de plus en plus l’ascendant sur la classe moyenne. C’est ainsi que, quelques mois plus tard, les membres d’Al Adl Wa l’Ihsane sont devenus majoritaires, et leur présence critique dans les manifestations,» ajoute Bennamate.

Par ailleurs, le bloc gauchiste, constitué essentiellement par le Parti Socialiste Unifié, Annahj Addimocrati et Taliaa, rejoint par plusieurs association est syndicats, n’a pas pu éviter les conflits internes. C’est ainsi que la rupture fut annoncée à Casablanca en raison de dissensions liées au plafond des revendications à porter. Car, si certains revendiquaient une monarchie parlementaire où le Roi règne mais ne gouverne pas, d’autres appelaient à une révolte populaire.

Le même bord a souffert d’un élan de paternalisme, estime de son côté Farah Abdelmoumni. «Quand les jeune du 20 février estimaient que la révolte était la leur, les aînés y ont vu une continuité de leur lutte» même si «cela a permis d’éviter plusieurs erreurs que les jeunes auraient pu commettre.»

Une question persiste pourtant : comment les islamistes et les gauchistes sont arrivés à faire front commun? Nizar Bennamate estime qu’il y a eu «un socle commun de revendications entre les différentes composantes du mouvement du 20 février. Ce qui a permis d’arborer les mêmes revendications lors des sorties.»

Le choc frontal avec le système a cédé la place à la conquête des champs culturels, artistiques et associatifs. «Les membres du mouvement se sont organisés en groupes d’action, selon les affinités et les centres d’intérêts,» déclare Nizar Bennamate. Ainsi, le mouvement du 20 février a vu naître une nouvelle troupe théâtrale, celle du théâtre de l’opprimé, de jeunes cinéastes à l’image du collectif Guerrilla cinema, d’un mouvement national pour la réforme du système éducatif l’Uecse. La liste n’est pas exhaustive.

Par ailleurs, de nouvelles solidarités se nouent. Ainsi, plusieurs sympathisants sortent de silence pour donner un coup de main aux artistes issus du mouvement du 20 février, à l’instar du rappeur Mobydick qui a prêté assistance au jeune rappeur L7a9d pour l’enregistrement de son nouvel album, sorti à l’occasion du troisième anniversaire du 20 février.

Concernant ce même volet artistique, une partie des jeunes du 20 février se sont lancés dans l’organisation du festival de résistance et d’alternative. Ce rendez-vous annuel en est à sa troisième édition. Programmé initialement aux anciens abattoirs à Casablanca, et faute d’autorisation administrative, l’événement se tiendra dans plusieurs lieux de la capitale économique.

On pourrait penser que le spectre d’un mouvement de contestation dans la rue est écarté depuis cette reconversion des jeunes du mouvement.

«Mais rien de moins sûr» selon N. Bennamate qui estime que «les conditions qui ont permis au 20 février d’exister sont toujours présentes. L’élément déclencheur lors des premières sorties était l’espoir que le peuple avait de changer les choses.»

Actuellement, ces conditions sont nourries par des contraintes sociales et économiques imminentes «la cherté de la vie, la réforme de la retraite… etc. sont autant de problèmes qui peuvent faire renaître la contestation dans la rue, mais à ce stade, il est difficile de prévoir si elles auront lieu et quand cela se produira,» conclut Bennamate.

 

Séquence n°2: Ce qu’en disent les intellectuels.

Des intellectuels engagés à titre personnel ou par souci d’étude sociopolitique dans ce mouvement livrent à Médias 24 leur grille de lecture de cet épisode historique.

Driss Ksikes journaliste et intellectuel assure que ce mouvement a contribué à sortir le Maroc de sa léthargie politique et soutient son analyse en trois points:

-L’apport principal du M20F a été de créer un sursaut national sur des questions de justice sociale, d’équité et de reddition des comptes et le résultat le plus probant de son action a débouché sur la réforme constitutionnelle qui est «déjà ça de gagné».

-La vague de contestation n’a pas donné lieu à une rupture politique mais à une continuité différente car si le M20F n’avait pas vocation à œuvrer politiquement, il aura eu le mérite de donner un nouveau «la» au jeu politique biaisé.

-Sur la durée, le point positif du 20 février aura été la révélation de l’affaire Galvan qui ne serait que la continuité logique de son action de dénonciation car avant l’éclosion du label M20F, les citoyens ne s’autorisaient pas à condamner de telles pratiques. L’avenir du mouvement passerait par la dissémination du champ culturel qui doit multiplier les lieux d’échange et surtout initier une prise de conscience collective.

Concernant la contribution du M20F à la société marocaine, Omar Balafrej homme de gauche, pense qu’il y a un avant et un après 20 février car ce dernier a initié l’émergence d’un nouveau type de militantisme.

Même si «la sauce médiatique est retombée», il pense que la prochaine étape à venir est que le M20F renaisse politiquement à travers les élections locales et législatives prévues en 2015 et 2016. Omar Balafrej se dit optimiste sur l’avenir de ce mouvement s’il s’engage activement dans l’action partisane car selon lui, la logique voudrait que chaque «révolution» amène son lot de nouveaux partis. 

Il n’hésite pas à assimiler les valeurs prônées par les manifestants du 20 février à celles du Mouvement national de l’indépendance qui réclamait aussi l’équité et la liberté sociale

Le politologue Aziz Chahir préfère quant à lui parler de mouvance plutôt que de mouvement social. Ainsi, l’éclosion de cette mouvance dite de transformation sociale s’inscrirait logiquement dans une contingence politique.

Il refuse d’assimiler cette mouvance à un simple groupement de jeunes car au niveau de son action, le M20F a mobilisé un fonds idéologique constitué de jeunes, d’intellectuels, d’hommes d’affaires... Pour le politologue, le M20F a créé un mythe très prégnant dans l’imaginaire populaire qui se manifestera si le pouvoir est fragilisé.

Ce mythe reprendra corps dans l’avenir car il a marqué l’inconscient collectif et va se rappeler  à notre souvenir à chaque période de tensions sociales ou économiques. Selon Aziz Chahir, les Marocains croient fermement en ce mythe et tel un phénix, il renaîtra de ses cendres au moment où l’on s’y attend le moins.

Pour Najib Akesbi, chercheur et universitaire, "si les résultats de l'action du M20F ont été a posteriori modestes, ce mouvement a créé une dynamique politique de l'histoire que rien ne pourra stopper. Le mouvement peut sembler s’essouffler aux yeux de certains mais les idées défendues et les revendications politiques ne mourront jamais. Le mouvement en question est d'abord une idée de justice sociale qui transcende les hommes et tant qu'elle n'aura pas été réalisée, ce rassemblement aura encore de beaux jours devant lui."


 

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