Pétrole : Le Maroc a-t-il raté l’opportunité des prix historiquement bas ?

M.M. | Le 22/5/2020 à 21:35

Le prix du baril a fait une remontée rapide ces trois dernières semaines, cotant aujourd’hui à 34 dollars contre moins de 20 dollars fin avril. Une tendance haussière qui risque de se poursuivre, selon les experts du marché. Le Maroc est-il passé à côté de l’opportunité historique de constituer des stocks aux pris très bas de mars et avril ?

La hausse du prix du baril était prévisible. Descendu à son plus bas mi-avril (sous la barre des 20 dollars), le baril n’a cessé depuis de monter. A Londres, le brent cotait ce vendredi 22 mai à plus de 34 dollars.

Même tendance pour les produits raffinés cotés à Rotterdam, marché où se sert le Maroc pour ses besoins énergétiques. Le gasoil s’échangait aujourd’hui à 272 dollars, contre 228 dollars le 22 avril.

Le rééquilibrage du marché pousse le baril à la hausse

Un trend haussier qui risque de se poursuivre, selon plusieurs experts du marché. Pour deux raisons :

- La baisse de l’offre mondiale après l’accord trouvé entre l’OPEP et la Russie pour la réduction de la production. Un accord, entré en vigueur le 1 er mai, qui a mis fin à la guerre des prix lancée par l’Arabie Saoudite. Cet accord a permis selon Bloomberg de retirer 17 millions de barils par jour du marché, "la plus rapide et drastique réduction de la production pétrolière jamais enregistrée".

La baisse de l’offre s’explique également par la réduction drastique de la production des Etats-Unis, qui s’est établie selon l’Agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) à son plus bas niveau depuis octobre 2018.

- La reprise de la demande avec le déconfinement décidé dans plusieurs pays et la reprise progressive de l’activité économique mondiale, notamment en Asie.

Même si des incertitudes planent toujours sur la reprise économique et le risque d’une deuxième vague de contaminations, les investisseurs parient, en tout cas, sur un rebond mondial de la demande. « Je pense que le pire est derrière nous », déclare Pierre Andurand, fondateur et directeur des investissements chez Andurand Capital Management LLP, pour Bloomberg.

Ce rééquilibrage du marché ne poussera toutefois pas les prix à leur niveau d’avant le Covid-19. Les experts parient certes sur sur une hausse des cours, mais le baril ne devrait pas dépasser les 40 dollars au cours des prochains mois, au vu de la récession globale des économies mondiales et des pertes en capacités de production qui ne seront rattrapées qu’au bout de deux, voire trois ans.

Le Maroc a capté l’opportunité, mais pouvait mieux faire

Pour le Maroc, même avec ce scénario de montée à 40 dollars, les prix du baril restent intéressants, sachant qu’on a débuté l’année avec un baril à 65 dollars. La facture énergétique en devises du royaume s’allègera donc sur l’année 2020 par rapport à 2019. C’est une certitude. Mais la question est de savoir si le pays pouvait réaliser plus d’économies sur ses dépenses énergétiques, tirer plus d’avantages de cette fenêtre de tir historique qui s’est ouverte entre mars et avril, où les prix étaient à leur plus bas.

A cette question, des experts consultés par Le Boursier sont unanimes : le Maroc a profité, comme tous les pays importateurs de la baisse des cours, mais il pouvait faire mieux.

Les pays qui ont profité le plus de l’effondrement du baril sont ceux qui disposaient d’énormes capacités de stockage. Le Maroc en avaient, mais elles étaient inutilisées à cause du blocage du dossier Samir, qui n’a été résolu que très récemment.

« Entre mars et avril, les distributeurs ont dû certainement passer des contrats à des prix bas, mais leurs capacités de stockage sont faibles, ne dépassant pas les 20 jours de consommation. Le Maroc est donc passé à côté d’une grosse opportunité de constituer d’énormes stocks à prix bas. Si les cuves de la Samir étaient opérationnelles, on aurait pu montrer notre stock jusqu’à 60 jours de consommation, voie plus », explique un expert du secteur.

Notre source pointe d’ailleurs le « manque d’agilité » de l’Etat sur ce dossier. « Les cours ont commencé à chuter dès fin février. Une course au stockage au niveau mondial était lancée. Il fallait que l’Etat réagisse vite pour capter l’opportunité. Mais ça n’a pas été fait. Et ce n’est pas, je crois, par manque de volonté ou de moyens... Quand les autorités ont voulu régler le dossier, cela a été fait comme on l’a vu en deux jours », précise-t-il.

Ce raisonnement que développe notre source ne s’applique toutefois qu’aux achats au comptant. C’est à dire quand on passe des commandes pour des livraisons immédiates. Ce qui est rare, selon un tarder international.

Selon lui, le Maroc, comme tous les pays du Monde, passe des contrats à terme sur 3 à 6 mois. Donc même si la capacité de stockage actuelle des importateurs est limitée, les livraisons qui se feront à terme seront réglées aux prix de la période où le contrat a été passé.

Reste à savoir si nos importateurs ont augmenté le niveau de leurs achats à terme pour capter au maximum les niveaux bas de prix des deux dernier mois.

A cette question, notre trader a un avis tranché : « Je ne pense pas. Car même s’ils auraient voulu massifier leurs achats à terme, ils n’ont pas la capacité financière pour le faire, à moins que les banques leur aient ouverts des lettres de crédit exceptionnelles, ce qui me semble peu probable », estime-t-il.

En passant des contrats à terme, sur 3 et 6 mois, une routine selon notre trader dans le secteur, nos importateurs n’ont donc pas raté complètement la fenêtre de tir. Mais le Maroc aurait pu faire mieux si le gouvernement s’était montré plus réactif à la conjoncture en débloquant rapidement les capacités dormantes de la Samir.

Les choses ne sont donc ni blanches ni noires, selon nos sources. « La décision prise par l’Etat marocain de louer les cuves de la Samir était la bonne. Elle est, certes, venue un peu tard, car, avec les 2 millions de tonnes de capacités de la Samir, on pouvait augmenter notre stock à plus de 60 jours à des prix très bas. Celaa pouvait alléger considérablement les coûts énergétiques du pays. Mais il n’est jamais trop tard pour bien faire, car même si les prix du pétrole ont presque doublé entre temps, l’opportunité de faire du stockage et de passer de nouveaux contrats à terme reste toujours une option gagnante », expliquent nos sources.

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