Luiz Inácio Lula da Silva

Ancien président du Brésil

N'oublions pas Haïti

Le 31 mars 2014 à 10h00

Modifié 9 avril 2021 à 19h45

Deux évènements seront certainement peu remarqués en 2014 : le dixième anniversaire de la «Mission de paix des Nations Unies en Haïti» et le quatrième anniversaire du tremblement de terre dévastateur qui a aggravé la fragilité du pays le plus pauvre d'Amérique latine.  

Les crises politiques et économiques et les catastrophes naturelles peuvent placer un pays sur le devant de la scène internationale, capter l'attention des dirigeants de la presse et du monde entier pour un certain temps ; mais après, surtout si le pays touché est faible, sur ​​la périphérie et n'a aucun poids dans la géopolitique mondiale, les projecteurs sont éteints, les reportages deviennent de plus en plus rares, les appels à la solidarité baissent et la plupart des promesses de soutien sont oubliées.

Ceci est le résultat de la dure vérité de la difficulté de gérer une réalité difficile. La reconstruction physique et l’apport de véritables solutions aux problèmes de la population, ne peuvent pas se produire à la même vitesse des nouvelles qui se propagent sur internet et à la télévision. De patients et soutenus efforts, sur la longue durée -avec des hauts et des bas- sont nécessaires. Il s’agit d’un processus qui prend beaucoup plus de temps que les envois d'aide humanitaire immédiate. Et ce processus suppose un fort engagement éthique et politique par les pays participants.

A la veille du tremblement de terre, une crise politique

Il est important de rappeler que dans la première moitié de 2004, Haïti a connu une crise politique très grave qui a pris fin avec la chute de son premier président démocratiquement élu, Jean- Bertrand Aristide. Dans la lutte pour le pouvoir entre les différents groupes armés, la population civile a terriblement souffert. La violence de la rue, les attaques aléatoires et un mépris général pour les droits fondamentaux de l'homme se sont généralisés. Des gangs circulaient librement dans la capitale, Port-au-Prince, prenaient le contrôle des bâtiments et des organismes publics. Certains des plus grands quartiers de la ville, comme Bel-Air et Cité Soleil, étaient tombés sous le joug de groupes criminels armés. L'Etat démocratique s'est effondré - incapable de garantir les conditions minimales de sécurité et de stabilité nécessaire au fonctionnement du pays.


À la demande du gouvernement d'Haïti et après une résolution du Conseil de sécurité, l'Onu a envoyé une mission à Haïti - la Mission de stabilisation des Nations Unies en Haïti. Un général brésilien a commandé la composante militaire, des soldats de dizaines de pays, dont la plupart étaient de l'Amérique du Sud.

Le Brésil et ses voisins ont accepté l'invitation des Nations Unies, car la solidarité est impérative. Nous ne pouvions pas rester indifférents à la crise politico-institutionnelle et le drame humain en Haïti. Nous étions convaincus que le rôle de la mission ne pouvait pas se limiter à assurer la sécurité, et qu’elle devait inclure la tâche de renforcer la démocratie, d’affirmer la souveraineté politique des Haïtiens et de soutenir le développement socio-économique. Les troupes Onusiennes ont une attitude respectueuse – un véritable partenariat avec les gens - qui est devenue leur marque de commerce.

Aujourd'hui, grâce au travail de la mission, la situation sécuritaire a été profondément transformée : les risques de guerre civile ont été neutralisés, l'ordre public restauré et les gangs de rue démantelés. Le pays est devenu plus stable et l'Etat a repris le contrôle. L'Onu a également aidé à bien équiper et former la force de sécurité haïtienne.

Avec le temps, les institutions démocratiques ont commencé à fonctionner et se sont renforcées. En 2006, des élections générales ont eu lieu, avec un large éventail de représentations de groupes et d’idéologies politiques. Sans la moindre ingérence dans les élections, la mission de l'Onu a assuré un vote pacifique qui exprime la volonté du peuple. Le président élu, René Préval, a entièrement terminé son mandat en dépit de nombreuses difficultés. En 2011, il a cédé la présidence à Michel Martelly, qui a également été élu par le peuple.

Durant ces années, Haïti a également fait de grands progrès dans les politiques humanitaires et sociales, qui continuent jusqu’à aujourd'hui, malgré d'énormes défis. Bien sûr, le séisme de 2010 a bouleversé une partie de ce travail même s’il a créé de nouveaux besoins. Néanmoins, selon un rapport récent de l'Onu, le nombre de personnes vivant sans abri est passé de 1,5 million après le tremblement de terre il y a quatre ans, à 172.000 l'an dernier. Aujourd’hui trois quart des enfants haïtiens vont à l'école primaire sur une base régulière, comparativement à moins de la moitié en 2006. L'insécurité alimentaire a été considérablement réduite et l'épidémie de choléra est en train de fléchir.

Lors des trois visites que j'ai effectuées dans ce pays, j'ai été témoin de la ténacité et de la dignité dont ont fait preuve les Haïtiens. Encore aujourd'hui, je me souviens de l'affection avec laquelle les Haïtiens ont reçu l'équipe nationale de football du Brésil. C’était en 2004, à l’occasion d’un match amical qui fait partie d'une campagne de désarmement et qui avait opposé nos athlètes à l'équipe locale.

En plus de contribuer à la mission de l'Onu, en fournissant le plus grand nombre de soldats, le Brésil se consacre intensément à aider à subvenir aux besoins sociaux des Haïtiens. Isolément ou conjointement avec d'autres pays, le Brésil a participé à mettre en place des programmes allant de campagnes nationales de vaccination, de soutien direct pour les petites et moyennes entreprises et les fermes familiales, à des programmes de repas scolaires et de formation professionnelle pour les jeunes.

J'ai été particulièrement enthousiaste à l’égard de trois initiatives (entre autres), entrepris par le Brésil. Un projet de construction de trois hôpitaux communautaires,  dont la réalisation sera prise en charge par les gouvernements de Cuba et d'Haïti.

Un autre projet innovant de recyclage des déchets solides, mis au point et exécuté par l'Inde, le Brésil et l'Afrique du Sud, avec la collaboration de l'Onu et d’Haïti. Ce projet contribue à assainir les zones urbaines tout en générant simultanément de l'énergie et la création d'emplois. Le dernier projet concerne la construction d'une centrale hydroélectrique sur la rivière Artibonite, qui va certainement apporter une amélioration historique dans l'infrastructure du pays, aider à développer l'industrie et l'agriculture, accroître l'accès des Haïtiens à l'électricité et à réduire la dépendance pétrolière du pays. Le Brésil a déjà fourni des plans d'ingénierie et un don de 40 millions de dollars, près d'un quart du coût total nécessaire pour commencer la construction, laquelle attend aujourd’hui, des fonds d'autres donateurs, à déposer dans un compte de la Banque mondiale, spécialement ouvert à cet effet.

Certains pays développés ont également soutenu la reconstruction d'Haïti. Les États-Unis, par exemple, ont considérablement investi dans des projets économiques et sociaux.

Les pays riches n’ont pas respecté leurs engagements pris envers Haïti

Mais, malheureusement, les engagements pris envers Haïti n’ont pas tous été respectés. La vérité est que la plupart des pays riches ont fourni très peu d'aides pour Haïti. L'aide humanitaire est en baisse et certaines organisations quittent le pays.
La communauté internationale ne doit pas diminuer sa solidarité avec Haïti.

D’ici deux ans, en 2016, Haïti tiendra sa prochaine élection présidentielle. Le vainqueur sera le troisième président d'Haïti démocratiquement élu depuis 2004. Je crois que cela représentera une étape importante dans le processus initial, que nous avons entamé il y a de cela dix ans, pour restituer l'entière responsabilité de la sécurité publique à la population d'Haïti. Mais cela ne sera possible que si la communauté internationale continue, et si nécessaire, augmente le financement pour la reconstruction ainsi que pour le développement économique et social.

Nous devons, de manière progressive, mettre davantage l’accent plutôt sur le développement, que sur la sécurité et la sûreté publique. Cela implique une plus grande coopération mais avec de nouveaux objectifs. Le moment est peut-être venu pour l'Onu d’organiser une nouvelle conférence sur Haïti, -afin que nous puissions discuter franchement de ce qui a été accompli avec notre collaboration et notre engagement, au cours des dix dernières années et de ce que nous devons faire pour aller de l'avant, dans les années à venir.

© 2014 Institut Luiz Inácio Lula da Silva


 

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