Abdallah-Najib Refaïf

Journaliste culturel, chroniqueur et auteur.

Notre ami le livre

Le 24 février 2023 à 12h18

Modifié 24 février 2023 à 12h18

Le livre est-il vraiment ce "bon et fidèle ami qui dissipe les soucis", comme le qualifiait un poète turc du XVIe siècle ? Devenue banale, la formule qui veut que le meilleur ami de l’Homme soit le livre n’est pas sans rappeler l’autre qui prête cette qualité au chien, voire au cheval.

On n’y a pas échappé jeudi 16 février 2023, lors de la cérémonie officielle de la 7e rentrée littéraire abritée, et c’est heureux, par la Bibliothèque nationale à Rabat. Certes, on n’a pas dit que cela, mais les professionnels de l’édition, certains auteurs et une poignée de journalistes (Pas ceux de la télé, ça ne doit pas beaucoup les intéresser) ont assisté à une présentation de la situation de l’édition au Maroc qui ne fait pas rêver. Le moral est bas, le mal est profond, le bilan n’est pas bon et le diagnostic critique. Bref, l’ami de l’Homme ne se porte pas bien.

D’abord les chiffres. Pour les lettres on verra plus tard car ce ne fut pas le propos ce jour-là, quoique la rentrée fût littéraire. Même le ministre de la Culture s’en étonna, lui qui croyait, avoua-t-il, "qu’on allait parler littérature". Au lieu de cela, on va apprendre de sa bouche, mais on s’en doutait déjà, qu’il n’y a que 80 librairies dans le pays et 600 bibliothèques dont la moitié seulement est gérée par le ministère de la Culture pendant que l’autre moitié est (gérée ?), bon, disons demeure entre les mains des communes. Ces deux chiffres à eux seuls en disent plus long que tous les discours que l’on pourrait faire sur la politique de l’édition, et celle de la culture en général, depuis… depuis quand déjà ? Depuis l’Andalousie heureuse, diraient les plus pessimistes.

D’autres chiffres pourraient prolonger et dire le mal que vit la culture dont le livre est le vecteur essentiel et aussi l’implacable baromètre. Comment peut-on dès lors former des cinéastes, des comédiens de théâtre, des dramaturges et des libraires qui ne lisent pas ? En tout état de cause, comme on dit lorsqu’il n’y a rien à répondre ni davantage à y ajouter, l’Homme, ici, a très peu ou presque pas d’amis, selon la formule consacrée susmentionnée.

Bien sûr, après quelques soupirs et deux ou trois lamentations, on a évoqué certaines réalisations, des projets, les prémices d’une stratégie visant à soutenir et développer le secteur de l’édition et, partant, de la culture en général. A commencer par ce qu’on aurait dû entreprendre depuis le début, à savoir la définition même de "l’entreprise culturelle". Une entité que les autres administrations, dont celle des Finances, ignorent et pour cause, elle n’est précisée et définie dans aucune nomenclature. Pourtant selon la définition classique et mondialement connue, l’entreprise culturelle est « une structure de production fondée sur la création artistique et orientée vers le public qui devient client. Elle peut être privée ou publique et de taille variée (édition, théâtre, disques, cinéma, musique, arts …) Dans certains cas et dans certains pays, elle pourrait même bénéficier d’exonérations, de soutiens et de subventions publics ou privés, du mécénat … Or, au Maroc, le vide juridique en la matière et l’exercice professionnel dans ce secteur ont coincé la culture dans une zone grise comprise entre l’associatif solidaire et l’exercice commercial quasi informel. Tout ce flou accentue le malentendu économique et administratif d’un domaine qui relève à la fois de l’art, de l’imaginaire et du rêve mais aussi du business. Ce dernier a permis, au nom des premiers, à nombre de malins et de margoulins de faire leur beurre sous prétexte de faire du bien à l’âme. Car la culture peut rapporter et ailleurs certaines entreprises culturelles sont d’immenses multinationales. Alors rêvons, même si le verbe rêver, le verbe aimer et aussi le verbe lire ne doivent pas se mettre à l’impératif, comme l’explique le romancier Daniel Pennac dans un essai intitulé "Comme un roman" (Gallimard-Folio)

Mais avant de conclure cette chronique ronchonne (je vous l’accorde), revenons quand même à la lecture et à ce meilleur ami de l’homme qu’est le livre. Alors que nous le célébrons en nous lamentant et pendant que son absence nous fait languir, voilà qu’ailleurs, ici et régulièrement on lui prédit une fin proche. Le prodigieux triomphe de la technologie le phagocytera dans la bibliothèque numérique universelle. L’écran remplacera notre ami le livre qui disparaitra des étagères de notre bibliothèque. Disparus tous ces livres qui renferment tant de pensées, de poésies et de rêves transmis entre les hommes depuis le temps des temps ? Qui nous rendra ce gai savoir qui a enchanté nos jours et prolongé nos nuits ? Notre ami le livre connait sans doute la réponse. Alors lisons-le, écrivons pour lui, car ce qui n’a pas été écrit n’existe pas. Et ce qui est lu, lie.

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