Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

L’impair de trop

Le 14 septembre 2023 à 10h11

Modifié 14 septembre 2023 à 10h11

Un chef d’État peut-il s’adresser à un autre peuple que le sien et sous quelle forme ? C’est la question qui taraude tous les Marocains qui ont visualisé sur les réseaux sociaux l’intervention les concernant du président français Emmanuel Macron. Le président a voulu dans son intervention faire taire les débats franco-français sur l’attitude du Maroc de sélectionner ses partenaires pour apporter secours aux sinistrés du tremblement de terre.

Le Maroc a remercié tous les pays qui ont proposé leur aide, et fait savoir qu’il en fera recours en fonction de l’évolution des opérations sur le terrain. Cette attitude a été dictée par l’expérience acquise lors du tremblement de terre d’Al-Hoceima et aux observations accumulées lors de la gestion des catastrophes similaires dans d’autres régions du globe. Pour éviter les désordres des interventions qui s’en suivent, le Maroc a estimé compter d’abord sur ses propres forces, et ne faire appel à l’extérieur qu’en fonction de ses besoins sur le terrain.

L’intervention d’un chef d’Etat étranger dans les affaires d’un autre pays dépend de prime abord de la qualité des relations diplomatiques entre les deux pays, et de l’intimité existante entre leurs responsables. Or il est de notoriété publique que les relations entre le Maroc et la France sont au plus bas pour des raisons diverses dont la première est relatives aux choix opérés par Paris vis-à-vis des intérêts du Maroc.

En principe, un chef d’État est en charge de ne s’adresser qu’à son propre peuple qui l’a élu pour lui proposer un programme ou lui expliquer une politique. Il lui est peu recommandé de s’adresser à une autre nation directement sans l’aval des responsables de celle-ci. Son interlocuteur est en principe son homologue -l’autre chef d’État- qui doit être informé de la démarche pour qu'elle ne soit pas interprétée comme ingérence. Ceci est le b.a.-ba de la diplomatie et de la courtoisie.

Il lui est encore moins recommandé de s’adresser à un autre État alors que les relations diplomatiques ne sont pas totalement rétablies en raison de l’absence prolongée d’un ambassadeur dans une ou dans les deux capitales. La courtoisie voudrait qu’on prenne le maximum de considération et de précautions pour que l’intervention ait les effets recherchés, et de choisir les canaux appropriés pour ce faire.

Avec de telles précautions, l’intervention doit viser à favoriser la compréhension mutuelle et à promouvoir la paix et la coopération bilatérale. Elle peut aussi être destinée à marquer des événements historiques qui ont unis les deux peuples dans des moments de leur histoire. En revanche, et en cas de crise entre deux pays, le chef de l’État doit s’adresser d’abord à son propre peuple. Il doit lui expliquer le pourquoi de sa politique et ce qu’il compte faire pour régler un conflit ou en atténuer les conséquences.

Toutes ces précautions d’usage devraient servir à ne pas envenimer davantage les relations bilatérales ni prêter à des interprétations malveillantes. Son discours doit donc éviter de s’immiscer dans le choix de l’autre nation même sous prétexte des droits de l'Homme, comme souvent prônés par les pays occidentaux pour faire pression sur une autre nation. Un chef d’État exprime d’abord la solidarité et le soutien devant un évènement douloureux, et rien d’autres.

Il lui est donc peu recommandé de s’adresser à une autre nation sans passer par les voies officielles et reconnues. Son interlocuteur n’est autre que le chef d’Etat ou ses représentants reconnus comme tels pour faire passer des messages et régler un litige. Les réseaux sociaux ne sont pas l’outil approprié dans l’exercice diplomatique qui nécessite avant tout de la discrétion et de la bienséance.

On a noté par le passé la manière toute cavalière par laquelle le président Macron s’est fait inviter lui-même au Maroc après sa visite en Algérie. Son nouveau message adressé aux Marocains, à travers la plateforme X pour dénoncer les controverses françaises, devrait être adressé aux Français et à leurs médias et à eux seuls.

Cette récente sortie de Macron est hasardeuse, diplomatiquement inappropriée et politiquement inefficace. Le président devrait la prochaine fois être mieux préparé et surtout conseillé, et non filmé dans un couloir de l’Élysée à la sauvette quand on cherche à s’adresser à un pays comme le Maroc. Macron a de nouveau raté une occasion en or pour se taire. Nos professeurs jadis nous encourageaient par la mention peut mieux faire, n’est-ce pas ?

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