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Les nouvelles lignes de front politiques en Europe

Le 10 décembre 2018 à 14h55

Modifié 11 avril 2021 à 2h50

PARIS – Le président français Emmanuel Macron veut faire des élections parlementaires européennes de mai 2019 un duel non pas entre les traditionnelles droite et gauche, mais entre les populistes et les progressistes pro-européens auxquels il appartient.  

Le Premier ministre grec Alexis Tsipras a récemment formulé un discours similaire, en affirmant que "toutes les forces progressistes, démocratiques et pro-européennes [avaient] le devoir de se tenir ensemble du même côté de l’histoire".

Ce réalignement politique fondamental au niveau européen – comparable à celui qui a porté Macron au pouvoir en France l’an dernier – peut-il réellement porter ses fruits?

Le Parti populaire européen (PPE) à droite et l’Alliance progressiste des socialistes et démocrates (S&D) à gauche se partagent depuis longtemps le contrôle du Parlement européen, où ils gouvernent par compromis. Seulement voilà, au fil du temps, cette situation a conduit à une sorte d’homogénéisation politique en Europe, engendrant une abstention de masse.

Quant à ceux qui votent, ils sont de plus en plus nombreux à soutenir les partis antisystème, qui défendent bien souvent des points de vue extrêmes.

Résultat, alors que le PPE et le S&D contrôlaient 61% du Parlement européen en 2009, ils n’ont remporté que 54% des votes en 2014, ce qui signifie que la domination de l’institution par les partis extrémistes n’était pas une perspective très lointaine.

Il faut s’attendre à ce que les élections de 2019 aboutissent à encore davantage de recul pour les partis de l’establishment, qui d’après les prévisions devraient remporter seulement 45% des sièges.

En l’état actuel des choses, il est peu probable que quiconque envisage de faire campagne sur la base des divisions gauche-droite – d’autant plus qu’interviennent de profondes fissures au sein même des partis. A droite, le PPE est divisé entre les libéraux pro-européens et les eurosceptiques conservateurs, bien que le parti soutienne Manfred Weber, de l’Union chrétienne-sociale allemande, en tant que Spitzenkandidat du PPE.

Lors du récent congrès du PPE à Helsinki, le président du Conseil européen Donald Tusk s’est montré explicite: violer l’Etat de droit est incompatible avec une appartenance à la famille chrétienne-démocrate – un message clairement destiné au Premier ministre hongrois Viktor Orbán.

Au Parlement européen, le PPE a même voté pour faire valoir l’article 7 du traité de Lisbonne contre la Hongrie, une décision qui imposerait des sanctions en réponse aux violations systématiques commises par le gouvernement Orbán contre l’indépendance de la justice, la liberté d’expression, ainsi que les droits des minorités et des migrants.

Ce vote du PPE était toutefois largement motivé par la volonté du parti de préserver ses chances de rester le plus grand parti de l’UE, et de veiller à ce que Weber devienne le prochain leader de la Commission européenne. Plus largement, une forte pression politique est venue forcer la main du PPE; dans des circonstances différentes, le parti aurait probablement laissé volontiers Orbán continuer de violer librement les principes démocratiques, afin de préserver sa propre hégémonie au Parlement européen.

Mais en refusant de clarifier sa position concernant Orbán, voire de l’exclure, le PPE prend un risque considérable. Si le Conseil européen choisit Weber comme prochain président de la Commission européenne, il est possible que les démocrates et libéraux du Parlement européen refusent de voter pour un candidat issu d’un parti qui maintient Orbán parmi ses rangs. C’est la raison pour laquelle Macron, qui a tout intérêt à diviser le PPE et à séduire son aile libérale pour qu’elle se rallie à lui, s’oppose précisément au système du Spitzenkandidat.

Interviennent trois alternatives. Premièrement, le Conseil européen pourrait choisir un candidat PPE moins ambigu sur la question de la Hongrie. Le négociateur en chef du Brexit, Michel Barnier, pourrait être un sérieux substitut à Weber – et probablement le seul au sein du PPE.

Une deuxième alternative consisterait à soutenir Frans Timmermans du Parti travailliste néerlandais, qui a très fermement pris position contre Orbán, et que pourraient accepter la chancelière allemande Angela Merkel ainsi que les libéraux du PPE. Certes, Merkel préférerait sans doute Weber. Mais si le Conseil européen se retrouvait dans l’impasse, et que le Parlement européen s’opposait à son choix, la chancelière pourrait soutenir un autre candidat. Le déclin du S&D rend par ailleurs peu plausible le soutien du parti à Weber.

Une troisième option pourrait résider dans un candidat soutenu par l’Alliance des démocrates et libéraux pour l’Europe (ADLE), tel que Margrethe Vestager, commissaire européenne à la concurrence. Certains observateurs affirment que le gouvernement danois ne proposera jamais Vestager en tant que candidate. En revanche, le président Macron, qui soutient vivement Vestager, pourrait en faire sa candidate pour la France – une démarche sans précédent qui accélérerait l’européanisation de la politique continentale.

Dans l’ensemble, les forces populistes pourraient bien obtenir une majorité au Parlement européen, même si elles n’opéreront pas en tant que force unifiée sous une seule bannière politique. Dans un tel scénario, il s’agirait pour Macron de bâtir des coalitions politiques soit avec le PPE, soit avec le S&D, lesquels s’inscrivent largement en phase avec sa propre vision de la réforme de l’UE – et, plus important encore, de la zone euro. En effet, à l’instar de l’État de droit, la réforme de la zone euro constitue une ligne de fracture le long de laquelle les alliances politiques seront construites.

Macron rassemble d’ores et déjà des soutiens parmi les leaders de centre-droit d’Espagne et des Pays-Bas, qui sont plus favorables à sa vision de l’intégration européenne. Le président français a établi une bonne relation avec le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, bien que celui-ci s’oppose aux réformes de la zone euro défendues par Macron.

Deux autres problématiques clés façonneront l’issue des élections européennes.

Premièrement, les dirigeants européens devront répondre à la nécessité de renforcer les frontières extérieures de l’UE, notamment via le déploiement d’une police européenne des frontières, impératif de longue date. Une telle proposition déplaira certainement aux populistes nationalistes, qui s’opposeront au déploiement d’une force européenne, alors même qu’ils s’élèvent contre les migrations.

Deuxièmement, les dirigeants européens devront s’engager dans la lutte contre l’évasion et l’évitement fiscal de la part des grandes entreprises, notamment des sociétés Big Tech. Il s’agit d’une problématique aux enjeux élevés, dans la mesure où elle déterminera la capacité des États à demeurer budgétairement solvables dans des économies de plus en plus numériques.

Certaines avancées ont d’ores et déjà été accomplies sur ce front, en grande partie grâce à Vestager. Une action plus forte n’en demeure pas moins nécessaire, d’autant plus à l’heure où les États de l’UE continuent d’accorder des abattements d’impôt sur les sociétés. L’Allemagne reconsidérant par ailleurs son soutien au plan défendu par la France pour l’imposition des bénéfices des grandes sociétés technologiques au niveau de l’UE, d’autres avancées sont loin d’être garanties.

Peut-être l’actuel réalignement politique de l’Europe permettra-t-il la réalisation de la vision macronienne d’une Europe plus forte et plus intégrée. Bien que plusieurs défis récents – notamment la bataille budgétaire opposant l’Italie à la Commission européenne – indiquent qu’une telle issue n’est absolument pas garantie, elle demeure le contrepoids le plus crédible à la montée du populisme.

Traduit de l’anglais par Martin Morel

© Project Syndicate 1995–2018


 

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