L'élaboration des politiques monétaires par les femmes

Le 30 octobre 2013 à 10h44

Modifié 10 avril 2021 à 4h06

LONDRES – L'un des derniers bastions de l'inégalité des sexes dans les démocraties riches vient-il enfin de s'effondrer ? Au cours des dernières semaines, Janet Yellen a été la première femme nommée présidente du Conseil de la réserve fédérale américaine, et Karnit Flug est devenue la première femme nommée gouverneur de la Banque centrale d'Israël. Si l'argent est le pouvoir, alors les femmes ne doivent plus être exclues du contrôle de l'offre de celui-ci.  

Bien que des femmes dirigent les banques centrales de 17 marchés émergents, (notamment en Malaisie, Russie, Argentine, Afrique du Sud, au Lesotho et au Botswana) elles sont des exceptions qui confirment la règle : les femmes sont exclues du monde de l'élaboration des politiques monétaires.

Le choix de Yellen à ce poste est particulièrement important, car il brise le plafond de verre des économies avancées. Jusqu'à sa promotion, aucun membre du G-7 n'a mis une femme à la direction de sa Banque centrale.

En outre, ce sont des hommes qui occupent les 23 sièges du Conseil d'administration de la Banque centrale européenne (BCE). Depuis que le Comité sur la politique monétaire de la Banque d'Angleterre a été créé en 1997, seulement trois femmes ont été nommées au poste de membres externes - et aucune femme n'a encore été nommée depuis 2002. La Banque du Japon ne compte qu'une seule femme dans son Comité de politique monétaire.

Les femmes sont de nos jours plus susceptibles d'occuper des postes politiques de haut niveau. Angela Merkel a récemment été réélue à son troisième mandat de Chancelière allemande. Les électeurs britanniques ont élu Margaret Thatcher trois fois au poste de Premier ministre et la France a eu une femme Premier ministre. Mais aucune femme ne s'est rapprochée des grandes banques centrales de ces pays.

L'égalité semble avoir échappé aux banques centrales, même dans les pays scandinaves particulièrement sensibilisés aux mesures contre la discrimination sexuelle. Par exemple, la Norvège, qui a fait la promotion de la discrimination sexuelle positive pendant des années et a récemment élu Erna Solberg comme première femme Premier ministre, n'a pas encore de permis à une femme de tenir les cordons de la bourse, aussi bien à la Banque centrale qu'au ministère des Finances, aux puissants fonds souverains.

Les tentatives récentes visant à contraindre au changement se sont avérées contre-productives. Dans un effort de promotion de la diversité et de l'égalité des sexes à la BCE, le Parlement européen en 2012 a bloqué la nomination du luxembourgeois Yves Mersch au Conseil de direction de la banque. Mais les eurodéputés ont ensuite échoué à proposer une autre candidature féminine plausible, ce qui a placé la BCE en sous-effectif durant des semaines, pendant la crise de la dette souveraine de la zone euro.

Chose peu surprenante, la gestion par le Parlement européen de la nomination de Mersch a été largement tournée en ridicule et sa nomination a finalement été confirmée. Mais beaucoup de gens ont tiré une mauvaise conclusion de cette anecdote, qu'ils ont tenue pour une affirmation de l'idée que la compétence et l'expérience doivent toujours l'emporter sur les idées mal conçues sur la discrimination positive. On a soutenu que s'il n'y a pas de candidates valables, alors le meilleur candidat doit l'emporter, sans distinction de sexe.

Mais ce point de vue passe à côté de l'essentiel. Pourquoi n'y avait-il donc aucune candidate valable ? Les femmes détiennent environ 30% des doctorats d'économie dans les pays développés, notamment en Europe, et pas une seule d'entre elles ne pourrait briguer la présidence de la BCE ? La conclusion la plus raisonnable à tirer de la nomination de Mersch est qu'aucun effort sérieux n'a été fait dès le départ pour identifier des femmes qualifiées.

Au contraire, les candidatures féminines tendent simplement à être négligées. Ce fut le cas pour Yellen et Flug, jusqu'à ce que les candidats masculins favoris aient abandonné. Flug n'a finalement obtenu le plus haut poste qu'en l'absence de rival masculin, même si elle occupait déjà le poste temporairement pendant que le Conseil cherchait un successeur à Stanley Fischer.

Ni Yellen ni Flug n'ont été entravées par un manque de diplômes universitaires (toutes les deux sont des universitaires chevronnées) ni par l'accusation fourre-tout de «manquer d'expérience». Flug est vice-gouverneur de la Banque d'Israël depuis 2011. Yellen est impliquée dans le système de la Fed depuis près de deux décennies, d'abord à San Francisco, puis comme vice-présidente du Conseil des gouverneurs de la Fed.

Si ce n'est pas le manque de compétences ni d'expérience qui empêche les femmes d'atteindre le sommet de l'élaboration des politiques monétaires, alors qu'est-ce donc ? L'explication la plus plausible est que, en tant qu'organisations aux dirigeants non élus et à la transparence limitée, les banques centrales ont tendance à fonctionner comme des clubs dont les membres majoritairement masculins recrutent et encouragent des schémas connus. Les gouvernements renforcent habituellement cela en approuvant sans discussion le choix du candidat préféré des banques au plus haut poste.

Si le sexe est un indicateur de la diversité, alors les banques centrales échouent à un test élémentaire sur cet aspect. Promouvoir la diversité non seulement en termes de genre, mais aussi en ce qui concerne l'âge et dans de nombreux pays, l'origine ethnique, est autant une question d'efficacité que de justice sociale. Un processus de recrutement plus transparent et plus large permettrait de réduire la pensée de groupe, de remettre en question le statu quo, et on l'espère, de mieux armer les banques centrales pour faire face à une crise financière. La promotion de Yellen et de Flug est un bon début. Il faut maintenant ouvrir à deux battants les portes de ces clubs dirigés par des hommes et y faire entrer un bon air frais.

© Project Syndicate 1995–2013

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