Younes Maamar

Ingénieur. Membre du Bureau Politique du PAM

La mascarade des fellahs en cols blancs

Le 14 avril 2022 à 15h06

Modifié 14 avril 2022 à 15h06

Le Maroc est acculé à lancer des projets de dessalement d'eau de mer dans les régions nord en commençant par Casablanca; ces mêmes régions qui, malgré la bénédiction des reliefs, continuent de déverser plus de 75% de leurs eaux pluviales dans les mers.

Cette prochaine usine de dessalement produira une eau très onéreuse mais que l’urgence, nous dit-on, rend cruciale.

Mais ne vous trompez pas, urgence veut dire défaillance.

Défaillances récurrentes dans le renforcement de l'offre, mais surtout défaillance dans la mise en place de politiques courageuses et efficientes pour arrêter la gabegie de l'utilisation de l'eau.

Illustration: j'apprends par les déclarations des professionnels du secteur que le Maroc s'est hissé au top 20 mondial de l'export d'avocats avec une production annuelle de 50.000 tonnes, amenée à doubler sous peu.

Or, à y voir de plus près, notre apparition dans ce palmarès a été la résultante de la délocalisation de sociétés étrangères, espagnoles et françaises, auxquelles se sont greffés des acteurs nationaux, de sorte que 70% de cette industrie est contrôlée par une poignée de fellahs en cols blancs.

Jusque là, rien à signaler. En zoomant un cran davantage, nous nous apercevons que les plus grands exportateurs mondiaux, tels que le Mexique, le Brésil, le Kenya ou Israel ont de commun qu’ils disposent d’une manne hydrique par capita quasi infinie. Vous en conviendrez, le Maroc fait figure d’intrus dans cette liste.

Une manne infinie je disais, et pour cause: un kg d’avocat, ce fruit venu d'ailleurs, nécessite près de 1.500 litres d’eau. Sachant que le besoin en eau d’un marocain est de 70 litres/j (d’après un rapport PNUD), nos chers exportateurs d’avocats ont siphonné l’année dernière le besoin en eau de 3 millions de Marocains; si leurs desseins se réalisaient, ce sera celui de 6 millions de Marocains qui s’évaporera derrière les écrans de fumée des success stories d'un Plan Vert qui rit jaune.

A nos amis avocatiers, s’est ajoutée une myriade d'agriculteurs en Costard-Rolex qui ont, à coup de subventions d’Etat et de coup de pouce de copains, développé des niches de rente dans l'agriculture intensive -et donc disruptive des équilibres hydriques fragiles- sans industrie de transformation wala hom yahzanoun. Le palmier dattier de la région de Boudnib en est un autre exemple; ils sont moult.

Le phénomène de ces fellah "new age" en col blanc s'est tristement installé ces dernières années, avec à la clé, le triple effet pervers de l'impasse sur la vraie valeur de la ressource hydrique, l'inexistence d'industrie de transformation pourtant annoncée dans la foulée du Plan Vert et le peu de distribution de richesses aux populations locales qui continueront à être des serfs sur leurs propres terres. Vous l'aurez compris, l'opprobre n'est pas à jeter sur ces investisseurs...

Et face à cette mascarade, quoi de plus naturel que de lancer un projet de dessalement de centaines de millions de dollars, qui sera sans doute octroyé à un équipementier ibère et financé par une banque française.

Une économie circulaire en somme.

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