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Hassan Hami

Ancien diplomate, docteur en sciences politiques.

La diplomatie, le contexte et le brassage de vent

Le 2 mai 2025 à 11h00

Modifié 30 avril 2025 à 15h44

Les Marocains raffolent des dictons et des proverbes. Ils s’y réfèrent pour faire valoir un argument, justifier un choix et exprimer un rejet. Souvent, ils y ajoutent un parfum de sacralité pour que le raisonnement soit crédible. Sidi Abderrahmane el-Majdoub (1506-1568), Ahmed Ibn Ajiba al-Hassani (1747-1809) et Mansour al-Hallaj (858-022) sont les plus cités quand le soufisme y est pris en considération.

Certains Marocains, plus au fait de l’histoire de la littérature moyen-orientale classique, citent, le plus souvent, Abu Muhammed A. Ibn al-Muqaffa (724-759) qu’ils comparent à Jean de La Fontaine (1621-1695). Dans leur entendement, le passage de l’un à l’autre se fait sans transition. Ils survolent les époques et tombent donc dans les extrapolations, voire les spéculations les plus hallucinantes.

Ils passent sous silence l’exigence du contexte, qui est une règle fondamentale dans toute analyse qui se respecte. Ils oublient ou ignorent par exemple le sort tragique qu’Ibn al-Muqaffa a subi. Il a été mutilé, organe par organe, pendant qu’il était attaché à un arbre pour mourir de mort lente. Chaque organe coupé fut jeté dans un récipient bouillant sous un feu battant le volcan. Ce fut son châtiment pour avoir tenté d’avoir droit au chapitre en sous-estimant le contexte du moment et la perception que se faisait de lui Sofiane Ibn Maaouiya Ibn Yazid, gouverneur de Basrah.

Le gouverneur lui reprocha de ne pas avoir la langue dans sa poche et d’en faire un instrument de nuisance publique et d’atteinte à la dignité de l’élite au pouvoir, souvent sans raison valable. Il en fut de même pour les admirateurs de La Fontaine qui le placèrent sur un piédestal pour plaider leurs cas de désolation et s’en moquer quand leurs adversaires le mettent en valeur pour les narguer. Ils font l’impasse sur sa rédemption vers la fin de sa vie où il demanda pardon pour le mal qu’il aurait causé à travers ses pamphlets, notamment les Fables (1668, 1678, 1694).

Le contexte est très important, sans quoi, tout ce qui se dit et s’écrit, en l’ignorant, ne vaut pas une chandelle. Eh bien, le CONTEXTE s’invite dans ce papier et il a une relation directe avec la question du Sahara marocain.

Le Maroc, toute proportion gardée, a été sur le point de subir le sort d’Ibn Al Muqaffa et la risée de La Fontaine. En effet, bien avant la conférence de Berlin de 1884-1885, le projet de "mutiler" le Maroc est conçu, pensé et mis en branle. Le Maroc est exposé et poussé vers cet arbre au centre (la Méditerranée, l’Afrique et le Moyen-Orient) pour être ligoté en prévision de l’amputation de ses organes essentiels. Le Maroc est alors seul (H. Hami : Des idéologues imperméables à la géopolitique, Médias24, le 17 septembre 2024).

Procédons par étapes pour faire valoir la lecture de la problématique du contexte. Cette lecture est associée à celle de la diplomatie qui fait présentement l’objet d’attaques subjectives et injustifiées, notamment en ce qui concerne la question du Sahara marocain.

Il a suffi que Massad Boulos, conseiller spécial du président américain pour les affaires africaines et moyen-orientales, fasse une déclaration tirée par les cheveux sur la chaîne Al Arabiya, le 19 avril 2025, sur la question du Sahara, pour que des commentateurs marocains et algériens montent au créneau pour en faire la lecture qu’ils ont jugée pertinente à leurs yeux.

Du côté marocain, des commentateurs, dont des universitaires respectés, sont allés vite en besogne pour faire des projections sur la diplomatie marocaine. Liberté d’expression arguant, la plupart excellent dans la confection de lectures qui valent ce qu’elles valent en termes de recul et de rigueur. Cependant, certains analystes vont encore plus loin. Ils brassent donc large et mélangent les époques. Ils font preuve d’une méconnaissance flagrante du contexte. Ils ont vite été rattrapés par l’effet de surprise, le même qui les a plongés dans la précipitation de commenter sans crier gare.

Boulos rectifie le tir et confirme, vingt-quatre heures plus tard, que ses propos ont été mal interprétés et que les États-Unis reconnaissent clairement et sans ambiguïté la souveraineté du Maroc sur le Sahara marocain. Échec et mat pour les détracteurs et les revanchards.

Dans la foulée, des universitaires et experts des affaires maghrébines entrent en lice et parlent d’erreurs que la diplomatie marocaine aurait commises depuis l’indépendance du Maroc dans la gestion de la question du Sahara marocain. Une affirmation aussi plate que ridicule.

La diplomatie n’est pas un fleuve tranquille

Or la diplomatie n’est pas une science exacte. La politique étrangère en général n’est pas seulement les principes directeurs que chaque pays défend. On pourrait me rétorquer que ce que j’avance est un secret de Polichinelle. Soit ! Justement, la diplomatie qui est destinée à mettre en œuvre la politique étrangère a ses secrets. Elle a, comme tous les métiers du monde, ses techniques, ses règles, ses dogmes, ses hommes et ses femmes.

Souvent, les personnes qui font une fixation sur la mise en œuvre de la politique étrangère confondent entre consulats et ambassades, s’emmêlent les pinceaux en désignant les agents consulaires et diplomatiques. C’est tolérable, sauf que quand on se trompe sur les acteurs concernés, on se trompe sur toute la ligne.

De quoi s’agit-il ? Il suffit de s’asseoir sur une terrasse de café ou de se dégourdir les jambes dans son parc de promenade rituelle pour entendre toutes les analyses-supputations produites par des clients ou des promeneurs sur la politique interne et internationale, toutes les régions du monde confondues.

Le film italien « Nous nous sommes tant aimés –C’eravamo tanto amati » d’Ettore Scola, sorti en 1974, raconte l’histoire de trois amis d’enfance jouée respectivement par Nino Manfredi, un syndicaliste, Stefano Satta Flores, un artiste idéaliste et Vittorio Gassman, un bourgeois. Ils se retrouvent pour évoquer leurs souvenirs et surtout épiloguer sur leurs choix idéologiques antérieurs.

Tous les trois convoitent l’amitié, la beauté et la grâce de Stefania Sandrelli, qui représente pour eux la vie qu’ils auraient dû choisir. Au-delà de l’aspect esthétique, le film survole une période particulièrement trouble de l’histoire de l’Italie. Elle est caractérisée en fin de compte par un mariage contre nature entre le parti de la démocratie chrétienne et la gauche. Tous les deux ont été menacés par les Brigades rouges. Stefania représente l’Italie divisée depuis la fin de la Deuxième Guerre mondiale.

Les trois personnages retrouvent leurs vies normales. Ils sont convaincus qu’ils ne peuvent faire des concessions. Cinquante ans après, l’Italie se trouve presque dans la même situation. Toujours la problématique du contexte. La politique et la diplomatie, c’est des arrangements, ententes, alliances et mariages qui surprennent les néophytes et remettent en cause les lectures stéréotypées d’experts trop imbus de leurs personnalités et aveuglés par leur aura à la carte.

Le contexte en est de même pour la création par le Maroc et la Libye de l’Union arabo-africaine (UAA) en 1984, pour répondre à l’alliance entre l’Algérie, la Tunisie et la Mauritanie au lendemain de la signature des accords frontaliers imposés par la première aux deuxièmes et de la signature du traité de fraternité et de concorde en 1983.  Le mariage contre nature entre le Maroc et la Libye fit couler beaucoup d’encre. Or, la démarche de feu le roi Hassan II fut justifiée par son souci d’éviter d’être isolé comme le souhaitaient l’Algérie et la Libye, une décennie plus tôt.

Le Maroc essuya l’ire des États-Unis et de certains pays européens tels que l’Espagne et la France pourtant en bons termes avec Kadhafi. Cinquante ans après, les observateurs avertis sont d’avis que le monarque marocain joua l’un des coups les plus magistraux dont il fut connu pour disloquer, à partir de l’intérieur, une alliance quadripartite en perspective qui allait sonner le glas de la cause nationale.

La diplomatie est mue par les prises de décision qui associent réalisme, adaptation et souplesse. Elle dépend des rapports de force et des opportunités offertes. Il arrive cependant que la bonne volonté soit exploitée par les adversaires. Il en est ainsi de la réunion de 1981 supposée rester secrète entre le ministre des Affaires étrangères M’hamed Boucetta (1977-1983), son homologue algérien, Abdelaziz Bouteflika et un représentant du Polisario.

La réunion a été secrètement filmée par les services de renseignement algériens et fuitée pour exercer des pressions sur le Maroc et promouvoir le narratif sur les négociations directes et l’option référendum conduisant à la création d’une entité artificielle dans le territoire du Sahara.

La diplomatie, c’est aussi des coups bas, des mises en scènes insipides et des voltefaces à n’en point se lasser. Sur la question du Sahara, justement, les observateurs étrangers ont l’embarras du choix. Pour ma part, je m’en tiens à ce que j’appellerais la connivence en connaissance  de cause et la connivence par ignorance.

Les détracteurs font l’impasse sur le fait que le Maroc, en pleine négociation sur son indépendance, a insisté sur la nécessité du parachèvement de son intégrité territoriale. Les déclarations d’indépendance en 1956 avec la France et l’Espagne ont été faites dans cet esprit. L’intention du Maroc a été confirmée par feu le roi Mohammed V dans le discours de Mhamid El-Ghizlane en février 1958.

Ils font également l’impasse sur le fait que le Maroc a été le premier à porter la question de son intégrité territoriale devant l’Assemblée générale des Nations unies en 1960, bien avant l’indépendance de l’Algérie et quelques mois après celle de la Mauritanie. Celle-ci devait entrer en scène en 1962 et 1963 pour réclamer que le Sahara fasse partie de la Mauritanie et d’elle seule. Elle l’a fait de connivence avec l’Espagne et, plus tard, avec l’Algérie.

À ma connaissance, rares sont ceux qui ont fait un parallélisme objectif entre la situation interne et la politique étrangère des acteurs concernés par la question du Sahara, le Maroc, la Mauritanie, l’Espagne et l’Algérie. Dans la chaine du parallélisme établi, il y a un maillon qui ressort comme une épée de Damoclès et qui cible, en premier lieu, le Maroc.

Si, dans le public transcript qu’ils véhiculent, les commentateurs-analystes clament leur soutien à l’intégrité territoriale du Maroc, ils ne s’empêchent pas, à demi-mot, de critiquer la manière dont la diplomatie s’est attaquée à la question. Cependant, dans le hidden script, ils épousent inconsciemment les allégations des adversaires du Maroc selon lesquelles la question du Sahara serait une question de régime et non pas de peuple. Ce narratif a été adopté entre 1970 et 1982 ; ce qui a relativement affaibli le Maroc jusqu’à 1989.

Qu’en est-il alors de l’alliance sacrée entre l’Espagne, l’Algérie et la Mauritanie de 1963 à 1975 ?  Et pourquoi ne pas avoir un regard positif sur le comportement de la diplomatie marocaine qui a permis de soustraire la Mauritanie à l’influence de Madrid et d’Alger ?  Et pourquoi ne pas considérer que la question du Sahara a été, en réalité, un facteur positif qui a mis en place les conditions de l’ouverture démocratique et l’engagement de l’alternance au pouvoir ? Les réponses seraient aussi contradictoires que loin d’intégrer chaque question dans son contexte réel.

Car, parmi les détracteurs de la diplomatie marocaine de 1960 à 2025, il y a ceux dont la structure mentale est bourrée de préjugés idéologiques et qui ont été associés, à des niveaux variables, au système décisionnel marocain. C’est toujours cette question incompréhensible de dédouanement et de dénigrement. « L’Enfer, c’est les autres », dit Jean-Paul Sartre dans Huis clos (1944-1947).

L’Enfer, c’est aussi cette perception dichotomique, à la limite de la schizophrénie, qui classe les conflits internationaux au gré de l’humeur et des intérêts de l’instant. Or, les conflits internationaux constituent avant tout un fonds de commerce. Inutile de s’ingénier dans la quête de la parade pour épiloguer sur les tentatives de leur résolution.

Depuis soixante-dix ans, la question palestinienne a été utilisée dans ce sens. Elle a supplanté tous les autres conflits se rapportant aux frontières, au choix de société et aux divergences idéologiques au sein de la périphérie arabe. En réalité, elle a été utilisée comme prétexte par des gouvernements et des régimes arabes pour se neutraliser et prétendre avoir raison sur toute la ligne

Vacance existentielle

Depuis cinq ans, certains esprits mal inspirés tentent de faire le parallèle entre la question palestinienne et le Sahara marocain. Parmi les adversaires du Maroc, l’Algérie se taille la palme d’or dans ce type de narratif. C’est compressible, il y a une volonté de la part des décideurs algériens d’avoir l’ascendance hégémonique sur le Maghreb et la région sahélo-saharienne. Au Maroc, certaines mouvances, heureusement très minoritaires, sacralisent les alliances transnationales et relèguent au second rang les préférences nationales en matière de lecture géopolitique.

La première catégorie, l’Algérie en tête de liste, s’est rendue tardivement compte qu’elle n’avait été qu’un cobaye dans l’équation géopolitique globale. Il fallait inventer un autre narratif et rester dans la course.

Pour la deuxième catégorie, le choix entre Ibn Rochd, Al-Ghazali, Ibn Taymiyyah, Marx, Trotski, Franz Fanon ou Spinoza les plaçait dans une position d’auto-neutralisation hallucinante. Elle a tellement été secouée qu’elle s’exprime en termes de vacance existentielle. C’est-à-dire que ces mouvances, toutes tendances confondues, lorgnent une chaise vacante (une légitimation incontestable), mais doutent de la marche à suivre pour y accéder et l’occuper. Il y a une sorte de choc entre la légitimité souhaitée et les freins existentiels.

Il y a une troisième catégorie qui mélange les ingrédients de la première et de la deuxième catégorie. Elle est composée de ceux qui n’auraient qu’une connaissance superficielle de l’histoire politique et diplomatique du Maroc dont le socle monarchique, en dépit de certaines époques d’instabilité, a permis de sauver le pays.

Sept dynasties : les Idrissides (789-978), les Almoravides (1060-1147), les Almohades (1145-1248), les Mérinides (1244-1465), les Wattassides (1472-1554), les Saadiens (1554-1659) et les Alaouites (1666-présent) n’auraient pas survécu s’il n’y avait pas eu une lecture judicieuse des circonstances particulières à chaque époque.

La question du Sahara marocain, comme celles de toutes les affaires en rapport avec les frontières authentiques du pays, est depuis 1956 gérée avec le même esprit de clairvoyance et de doigté qui tient compte des opportunités et des limites offertes. Toujours le contexte à prendre en considération si l’on veut ne pas tomber dans la facilité et le brassage de vent.

Le contexte, c’est aussi la précipitation des évènements entre 1981 et 1982. Le Maroc propose l’organisation du référendum d’autodétermination au sommet de l’Organisation de l’unité africaine à Nairobi en 1981. Pris de court, l’Algérie réussit, néanmoins,  à faire admettre la pseudo-rasd en 1982.

La politique d’axes est relancée avec la création déjà citée de l’axe Algérie-Tunisie et Mauritanie en 1983 et de l’axe Maroc et Libye en 1984. Le Maroc quitte l’OUA en 1984 et n’y retourne sous sa nouvelle appellation, Union africaine, qu’en 2017. Entretemps, des séries de rencontres informelles avec les parties en conflit entre 1980 et 1989 ; le Maroc ciblant en premier chef l’Algérie.

Des analystes dans la périphérie arabe adoptent des positions admiratives et critiques du discours du président russe Vladimir Poutine sur la viabilité et la résistance de la Russie aux politiques mises en œuvre par l’Occident pour affaiblir son pays.  Ils ne prennent pas de recul pour comprendre le contexte dans lequel Mikhaïl Gorbatchev a accepté à contrecœur la décomposition de l’URSS.

Ces analystes comprennent encore moins le discours de Munich que Poutine a prononcé en 2007, à l’occasion de la conférence sur la sécurité en Europe. Ils restent coi en observant la manière dont la Russie est intervenue en Syrie en 2012 et s’en est retirée en 2025 en sacrifiant le régime des Assad.

Eh bien, force est de constater que le conflit régional autour du Sahara est sur la voie de sa résolution, n’en déplaise aux détracteurs à l’intérieur et à l’extérieur. Le seul cadre approprié est le plan d’autonomie proposé par le Maroc en 2007. La partie principale du conflit est l’Algérie. Elle doit s’asseoir à la table des négociations et faire valoir ses revendications.

L’Algérie devra le faire en acceptant de tout mettre sur la table, à commencer par bien comprendre les dispositions de l’accord sur les frontières signé en 1972, reconnaitre sa responsabilité dans la guerre des sables de 1963, réparer le mal causé à des milliers de Marocains chassés de l’Algérie en 1975. Tout cela devrait s’inscrire dans une vision claire destinée à mettre le Maghreb à l’abri des convoitises hégémoniques en provenance du Moyen-Orient et du Proche-Orient. Ce serait trop demander. Une mise en garde en dernier ressort : le temps presse.

Si certains décideurs algériens –et les quelques soutiens à l’étranger qui leur restent–avaient en tête de laisser entendre qu’ils accepteraient (théoriquement) de négocier sur la base de la proposition d’autonomie et de la noyer (dans les faits) d’exigences à n’en point finir, ils se tromperaient BIG DEAL. Car le Maroc continue de bâtir le pays en consolidant la démocratie locale. Celle-ci passe par la mise en œuvre de la régionalisation avancée. Les provinces du Sud n’y font pas exception.

Connivence en connaissance de cause et connivence par ignorance

Erreurs de la diplomatie marocaine, criait-on? Quelle conclusion tirée par les chevaux ! Les erreurs, au contraire, c’est de croire: Un, que les diplomates marocains, notamment ceux en charge du dossier du Sahara, sont des bras cassés et que les paradigmes échafaudés loin du terrain traduiraient la réalité.

Deux, que les diplomates se la couleraient douce. Ils seraient tirés à quatre épingles. C’est à peine de ne pas les taxer de manquer de patriotisme en comparaison avec les autres serviteurs de l’Etat marocain.

Trois, que la problématique du Sahara serait une question de régime et que les alliances transnationales passeraient avant la solidarité nationale.

Quatre, que le processus en cours pour la résolution du conflit serait de la poudre aux yeux et que les États-Unis et d’autres puissances internationales se joueraient de la naïveté des décideurs marocains.

Cinq, que ne pas saisir les opportunités offertes serait fatal pour l’unité et la stabilité du Maroc.

Six, quand les opportunités se présentent, il faut y aller. Il ne faut pas commettre justement les erreurs commises par certains régimes arabes sur la question palestinienne au lendemain de la conclusion des accords de Camp David en 1978 ou sur les transitions démocratiques durant les années 1990-2000.

Erreurs de la diplomatie marocaine ? Quel jugement catégorique et injuste ! Les diplomates marocains en charge du dossier de l’intégrité territoriale auraient bien aimé voir les détracteurs d’aujourd’hui assis à leurs places à des époques où tout le monde était légué contre le Maroc.

Un : en 1961, quand l’Espagne prétendit que les sultans marocains auraient abandonné la souveraineté de leur pays par la conclusion de traités avec les puissances étrangères dont l’Espagne (1767 et 1912) et la France (1912) sur le plan bilatéral et multilatéral (1906).

Deux : en 1961 toujours, quand l’Espagne prétendit que le Maroc ne souleva pas de réserves sur la question des territoires à l’occasion du communiqué commun reconnaissant l’indépendance en 1956.

Trois : en 1963, quand tous les pays arabes et africains ont pris le parti de l’Algérie à l’occasion de la guerre des Sables dont le Maroc ne fut pas responsable.

Quatre : 1966, quand l’Algérie se déclara partie prenante dans le conflit sur le Sahara et fit cause commune avec l’Espagne et la Mauritanie pour torpiller l’association entre le dossier du Sahara et la rétrocession de Sidi Ifni.

Cinq : en 1974, quand l’Espagne fut à deux doigts de gagner son pari d’organiser un référendum formel pour la création d’une entité fantôme et de garder son contrôle sur le territoire qu’elle lèguerait indirectement à l’Algérie avide d’avoir un accès sur l’Atlantique. Et ce, conformément aux arrangements scellés en 1966, date de l’organisation d’un mini-référendum par l’Espagne dont peu d’observateurs ont connaissance.

Six : toujours en 1974, quand le Maroc avait failli voir sa demande de porter la question du Sahara devant la Cour internationale de justice rejetée par l’Assemblée générale des Nations unies. S’il n’y avait pas eu la bonne réaction du ministre marocain des Affaires étrangères à la proposition de son homologue mauritanien sur le partage pour gagner du temps, l’Espagne aurait définitivement enterré les espoirs du Maroc.

Sept : 1979, quand la Mauritanie s’est retirée de Teris algharbiya (Oued Eddahab) en signant, sous la pression de l’Algérie, un accord avec le Polisario. Il fallait que l’action militaire du Maroc soit épaulée par une campagne diplomatique d’envergure.

Huit : 1980-1988, quand le Maroc tenta par tous les moyens de ramener l’Algérie à une meilleure disposition et à convaincre ses mentors de sa bonne foi. Cette période balisa le terrain à la création de l’Union du Maghreb arabe en 1989. Des diplomates marocains furent dispatchés dans les quatre coins de la planète pour expliquer l’engagement et la fermeté du Maroc au sujet de ses provinces du Sud.

Naïveté ? Parlons-en. C’est cette naïveté présumée (disons la bonne foi) qui permit à feu le roi Mohammed V de neutraliser les détracteurs à l’intérieur et à l’extérieur ; ceux-là qui furent de connivence avec l’étranger pour des raisons politiques, idéologiques et stratégiques. Une gestion réfléchie de la question de l’intégrité territoriale avec la France et l’Espagne au moment où l’objectif de ces dernières fut le changement de régime.

C’est la même naïveté-bonne foi qui permit à feu le roi Hassan II de contrôler l’échiquier politique interne et de négocier la stabilité auprès des puissances étrangères sans perdre au change. Parallèlement, il sut comment dompter la fureur d’un Houari Boumédiène inconscient qu’il s’était fait utiliser par la France pour des projets que l’ancienne puissance n’avait pas pu terminer avant l’indépendance des pays africains.

La même naïveté-bonne foi aida feu le roi Hassan II à faire tremper les autres dirigeants maghrébins dans leur propre élixir de mauvaise foi : échec de la politique d’axes, création de l’UMA, non-intervention dans la guerre civile algérienne et accélération du processus démocratique intranationale pour faire douter les détracteurs à l’intérieur et à l’extérieur.

Et c’est la même démarche que le roi Mohammed VI adopte : une main tendue et une fermeté à toutes épreuves. Ouverture politique et diplomatique matérialisée par des actions concrètes courageuses à l’adresse de l’échiquier politique intranational, maghrébin, arabe et africain. Cette démarche cohérente fut traduite par des visites en Algérie, en Tunisie et dans une trentaine de pays africains subsahariens et moyen-orientaux.

Parmi les visites les plus saillantes, il y a celles qui participèrent à faire sortir certains pays de l’isolation imposée par les voisins, l’insécurité intranationale et l’embargo économico-sécuritaire. Ce fut le cas de la Tunisie en 2014, au lendemain des attentats terroristes qui ont paralysé le pays et porté un coup dur au secteur du tourisme qui est l’une des sources les plus importantes de l’économie tunisienne.

Ce fut également le cas du Qatar en 2017, au lendemain de l’embargo décrété contre le pays par trois membres du Conseil de coopération du Golfe en plus de l’Égypte. À moins d’être de mauvaise foi, les commentateurs n’y ont rien à redire. Le cynisme n’a pas droit de cité en politique et encore moins en diplomatie.

Nass El Ghiwane, dont la musique a fasciné le metteur en scènes américain, Martin Scorsese, au point qu’il utilisât leur chanson Ya Sah (mon pote) dans son film « The Last Temptation of Christ » sorti en 1988, ont une chanson fétiche dont une ligne dit : اللي ݣَالْ لَعْصيدَة بَارْدَة يِديرْ يِدُّو فِيها. On peut poétiquement la traduire par « Celui qui prétend que le bouillon (le feu) n’est pas chaud, qu’il y mette la main ».

Un autre dicton cher à Nass El Ghiwane appelle à la raison et à la détermination ou lieu de sacrifier aux lamentations et aux dénigrements sans recul idoine. Le dicton dit : والله ما قَفِّلْنَا لَفَوِّرْنَا qu’on peut approximativement traduire par « À moins de bien fermer le couvercle du couscoussier, point de couscous dans la finesse de l’art gastronomique. »

Et puis les  dictons et les proverbes d’Ibn al-Muqaffa et de La Fontaine risquent de voir la morale qu’ils sous-entendent s’appliquer à un certain arroseur qui est sur le point d’être arrosé. De surcroît, comme tous les fleuves, celui de la diplomatie n’est jamais tranquille.

Au moment où la question du Sahara est proche de son épilogue, il y a lieu de rappeler que l’argument que l’Algérie avait avancé en 1966, distinguant entre les Rguibat du Sahel (Mauritanie) et les Rguibat de l’Est (Tindouf), risque de lui coûter cher.

En effet, déjà en 1959, alors que l’Algérie était encore un département français, une fraction importante au sein de l’armée française proposa un plan de création « d’un État sahraoui » à Tindouf dont le socle principal serait les Rguibat de l’Est.

Un dicton marocaine dit: اللِّي دَارْهَا بِيِدذِيهْ يِفُكْها بِسِنِّيه. « Quiconque à l’origine d’une catastrophe doit en assumer la responsabilité. » L’histoire n’est pas amnésique. Les archives peuvent bien être atteintes par l’humidité, mais elles ne peuvent dissimuler indéfiniment la vérité.

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