Il faut sauver Beyrouth

Le 26 septembre 2020 à 11h21

Modifié 11 avril 2021 à 2h48

BEYROUTH – Mais les blessures de l'histoire ne guérissent pas du jour au lendemain. Bien qu'il ait réussi à adopter une nouvelle constitution et à établir un renouveau national après-guerre, le système politique libanais connaît encore une corruption très répandue, qui cause un affaiblissement de l'Etat et une économie dysfonctionnelle. Alors que le pays traverse des crises multiples, ses dirigeants ne font aucun effort pour changer de cap, ce qui provoque un mécontentement généralisé.

Des revendications ignorées 

Le 17 octobre 2019, les citoyens libanais sont descendus dans les rues dans tout le pays, pour dénoncer la classe politique et exiger le genre de réformes institutionnelles et économiques radicales dont le pays a tant besoin. Mais ce ne fut pas un "Printemps libanais". Les revendications ont été ignorées et le Liban, comme le reste du monde, s'est retrouvé bientôt confronté à la pandémie de Covid-19. Pendant une grande partie de cette année, la nécessité de mettre en place la distanciation physique a effectivement fait taire les mobilisations populaires.

Puis le 4 août, une explosion énorme d'entrepôts dans le port de Beyrouth a dévasté le cœur de la ville, qui a tué quelque 200 personnes et blessé plus de 6.000 personnes. cette catastrophe se chiffre à près de à 4,6 milliards de dollars de dégâts matériels. A présent, à peine un mois plus tard, de nouveaux incendies font rage dans la même partie de la ville.

L'explosion du mois d'août fut une parodie de la situation sociale, économique, politique et morale. Au-delà de la destruction immédiate de maisons et d'entreprises, elle a également perturbé le commerce et a ainsi privé le pays de revenus indispensables. Les dégâts infligés aux quartiers historiques, aux moyens de subsistance et aux perspectives des jeunes sont tout bonnement incalculables.

L'explosion a été le point culminant de décennies de corruption, d'exploitation, d'incompétence et d'irresponsabilité. Depuis la fin de la guerre civile en 1990, les politiciens et les partis politiques, dont la loyauté ultime repose sur des puissances étrangères, négligent de façon chronique la gestion de l'Etat libanais. En un sens, le Liban fait une fois de plus partie des dommages collatéraux des guerres des autres.

Des dommages collatéraux 

En tant que gouverneur de Beyrouth, j'appelle la communauté internationale à nous aider à préserver notre esprit de liberté, de diversité et d'échange interculturel. Le Liban traverse aujourd'hui une crise économique et sociale qui s'aggrave et qui a besoin d'une attention immédiate. De toute urgence, le système de santé libanais a besoin d'un soutien direct. Comme si la pandémie ne suffisait pas, l'explosion du port a endommagé ou forcé la fermeture de nombreux établissements de santé, notamment les hôpitaux Saint George et The Rosary Sisters.

En outre, le Liban a besoin de l'aide internationale pour relancer ses secteurs économiques productifs. Une contribution significative des institutions mondiales pourrait faire une grande différence en remettant l'économie sur la voie de la relance économique. Mais il est également urgent de fournir une assistance consultative mondiale pour aider les agences gouvernementales libanaises à moderniser leur fonctionnement et à mettre en œuvre des réformes favorables à la croissance.

Aide internationale urgente 

De même, le Liban a besoin d'une aide financière internationale pour venir en aide à son système éducatif. Sans des écoles et des universités publiques et privées plus fortes, le pays ne pourra pas continuer à jouer son rôle culturel pionnier dans la région du Levant. Les crises croissantes de Beyrouth entrainent dès à présent un changement dans l'identité de cette ville, de sorte que les jeunes préfèrent réaliser leurs ambitions ailleurs. Pour éviter une fuite catastrophique des cerveaux, nous devons créer davantage d'opportunités d'études et de développement personnel pour garder nos jeunes chez nous.

Parmi les 300.000 habitants dont les maisons ont été détruites par l'explosion, un grand nombre sont à présent sans abri et dépendent de l'aide d'églises et d'organisations locales. Pour les remettre sur pied, il nous faudra un système plus global et plus transparent afin de parrainer des familles individuelles, soit par le biais de relations directes entre donateurs et ménages, soit par le biais d'intermédiaires institutionnels de confiance.

Un Printemps libanais 

Selon la Banque mondiale, les besoins de reconstruction et de redressement du secteur public de Beyrouth pour cette année et la suivante sont estimés entre 1,8 et 2,2 milliards de dollars. Le travail a déjà commencé, et avec l'aide d'organisations de la société civile (dont la Coalition des ONG de secours de Beyrouth, Caritas, Farah Al Ataa, Save the Children, les Organisations internationales orthodoxes chrétiennes, l'Association Saint Porphyrios et de nombreuses autres ONG), nous sommes de plus en plus efficaces. La tâche consiste à fournir non seulement un soutien financier mais également juridique et moral à ceux qui déblaient les décombres, fournissent de la nourriture et un abri aux personnes déplacées, et ainsi de suite. Il faut utiliser cette explosion comme une occasion de lancer une coopération nécessaire depuis longtemps, entre la municipalité de Beyrouth, l'armée, les ONG de première ligne et les donateurs internationaux.

Un soutien moral de ce type s'est manifesté de la part du président français Emmanuel Macron et d'autres dirigeants étrangers qui se sont rendus à Beyrouth dans les semaines qui ont suivi l'explosion. Le récent accord visant à faire de Mustapha Adeeb le nouveau Premier ministre du pays peut être considéré comme le résultat direct de l'engagement français.

Mais c'est la société civile libanaise qui doit déterminer l'avenir du pays. Les réformes politiques dont le Liban a besoin doivent promouvoir une identité nationale non confessionnelle, qui exigera une réflexion claire, un dialogue transparent et un leadership de bonne foi au nom de tous les citoyens du pays.

La véritable valeur du Pays du Cèdre, un petit pays qui n'occupe que 10.452 km2, est son identité de havre de paix pour les échanges interculturels, la créativité artistique et la recherche scientifique. Le maintien de cette identité ne sera possible que si la communauté internationale nous aide à préserver un avenir pour nos jeunes. Ce sont eux qui vont incarner le Printemps libanais qui nous attend.

© Project Syndicate 1995–2020

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