Zakaria Garti

Chargé d’investissement dans une institution financière et président du Mouvement Maan

Harcèlement sexuel au Maroc : il est urgent d’agir

Le 29 décembre 2021 à 17h28

Modifié 29 décembre 2021 à 17h28

L’opinion publique marocaine a été ébranlée par plusieurs cas de harcèlement et de violences sexuels dans la ville de Settat dont seraient responsables certains enseignants de la faculté de droit et d’économie. Ces enseignants auraient été impliqués dans des affaires de chantages sexuels, où ils auraient fait pression sur un ensemble d’étudiantes dans le but de les pousser à avoir des relations sexuelles avec eux en contrepartie de traitements de faveurs.  

Les étudiantes qui acceptaient recevaient de meilleures notes. Mais dans le cas où elles refusaient, elles risquaient d’être sanctionnées par des accusations de triches ou encore des notes inférieures à ce qu’elles mériteraient. Ces processus de pression et de chantage sexuels, en plus du traumatisme émotionnel qu’ils génèrent, pénalisent leur parcours académiques et professionnels.

La divulgation et la diffusion de certaines conversations à caractère sexuel entre des étudiantes et des enseignants a mis au jour des affaires connues de tous, les transformant aujourd’hui en question d’affaire d’opinion publique largement couverte médiatiquement et connue sous le nom de “sexe contre bonnes notes”.

Au sein du Mouvement Maan (via notre antenne à Settat), nous avons modestement contribué à dénoncer haut et fort cette affaire de “sexe contre bonnes notes”.

Notre action solidaire qui s’inscrit dans le cadre de notre combat contre la Hogra (mépris social) et dont le harcèlement sexuel en est un des exemples, a trouvé des échos positifs auprès des habitants de la ville et des institutions gouvernementales et judiciaires, ce qui a contribué à accélérer la démission du doyen de la faculté de droit et d’économie et l’engagement de poursuites contre certains enseignants.

Cette affaire porte et recèle dans ses plis des dimensions et des problématiques multiples. Chaque dimension qu’elle met au jour mériterait un article entier qui lui soit pleinement consacré.

Tout d’abord, cette affaire remet en question le système d’évaluation, et surtout sa crédibilité, sa transparence, sa légitimité, ainsi que la culture de la méritocratie à l’école et à l’université.

Il s’agit aussi de mettre en place des mécanismes qui soient capables de prendre en charge, à l’intérieur des universités, les plaintes et les doléances des étudiants et des étudiantes, de les protéger et de prendre au sérieux leurs souffrances et les pressions que ces derniers et ces dernières sont susceptibles de subir de la part de certains enseignants.

Les logiques de loyauté, de fidélité, de corporatisme et de clientélisme qui créent un sentiment “d’appartenance et de solidarité dans le corps professoral” entendu comme “corporation” plus que comme profession, constituent un frein à la culture de l’État de droit.

L’affaire dite “sexe contre bonnes notes” ne représente que la pointe visible de l’iceberg.

L’oppression sexuelle, le harcèlement ainsi que les violences sexuelles dans plusieurs établissements universitaires et dans les lieux de travail sont des phénomènes très répandus, connus et dénoncés par les associations et mouvements de défense des droits des femmes, mais ces phénomènes sont en général passés sous silence à cause d’une culture patriarcale et encore fortement imprégnée de machisme à l’égard des femmes marocaines.

Cette situation est d’autant plus révoltante que la loi marocaine relative à la lutte contre les violences faites aux femmes, qui est entrée en vigueur en 2018 après sa promulgation, comprend de nombreux articles précis qui punissent et sanctionnent les actes avérés de harcèlement sexuel dans les lieux publics ainsi que dans les lieux de travail et à l’université. Mais la société semble avoir “accepté” certains types de comportements et agissements et ce de manière tacite ou assumée.

Ces comportements ne sont en général jamais remis en question ou contestés. Et lorsqu’il s’agit d’entamer des poursuites judiciaires, des considérations familiales et professionnelles rentrent en jeu, de même que l’influence, le pouvoir que peuvent avoir certains initiateurs de harcèlement sexuel ou d’exploitation sexuelle. Ceci crée un climat global d’impunité et place les femmes dans une situation d’être humain lésé dans ses droits fondamentaux, sans que justice ne puisse être rendue pour les victimes, portant ainsi atteinte à leur dignité d’être humain.

Le problème ne réside pas uniquement dans les “brèches” ou dans les éventuelles défaillances de la loi marocaine, mais au-delà : il y a une multiplicité de facteurs qui constituent des obstacles et qui handicapent lourdement les femmes victimes de violences sexuelles et sexistes, notamment les démarches juridiques, administratives mais aussi le regard et le jugement social. Les femmes qui subissent ces violences n’arrivent pas facilement à briser le joug social qui pèse sur elles en raison des pressions sociales, parfois familiales, parfois religieuses. Le meilleur moyen de lutter contre les violences sexuelles et sexistes est justement d’en parler ouvertement et de les dénoncer.

Au Maroc, toute la société (mais d’abord chaque citoyen) doit se mobiliser dans la lutte contre les violences sexuelles. Aucun progrès social ne peut être réalisé sans une émancipation de la femme comme citoyen et comme être humain acteur de sa propre vie et de sa propre destinée.

Nous ne pouvons plus aujourd’hui accepter les mille et une formes de violences sexuelles que subissent les femmes au Maroc. Combattre ces fléaux nécessite des mouvements de convergence et de larges mouvements au sein de la société marocaine dans son ensemble. Briser les tabous est un premier mouvement et un premier pas. Dénoncer les actes et agissements pervers d’abus de pouvoir est aussi une étape importante, mais il est nécessaire qu’il y ait une prise de conscience sociale et politique générale et généralisée. Ensuite, les femmes doivent se sentir protégées par une autorité publique et que les actes et agissements de violences sexuelles soient juridiquement punis, dans le respect de la loi et des procédures, afin qu’il n’y ait pas non plus d’instrumentalisation, de récupération ou d’opérations de délations ayant comme objectif des règlements de compte personnels.

Gardons à l’esprit que la peur est le principal obstacle au changement et qu’elle demeure le premier ennemi des réformes. Il faudrait faire de la liberté de la femme, de son émancipation, et de la consolidation d’une relation démocratique et saine entre homme et femme, les piliers de la société libre et juste à laquelle nous aspirons.

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