Samir Chaouki

Analyste en Économie & Géopolitique

Feuilles D’Afrique. Alger-Tunis, les dessous d’un deal financier

Le 17 décembre 2021 à 16h30

Modifié 17 décembre 2021 à 16h30

Qu’est-ce qui pousse Alger à accorder un prêt de 300 millions de dollars à Tunis au moment où l’économie algérienne broie son pain noir et que le gouvernement  vient de lever toutes les subventions sur les matières de première nécessité ? Le Maroc est malgré lui au centre de ce deal surprenant.

Deux mois après la position incompréhensible de la Tunisie au Conseil de Sécurité, quand elle a opté à l’abstention envers la résolution 2602 qui confortait les acquis réalisés par le Maroc dans le dossier du Sahara, les dessous de cette posture sont aujourd’hui déclinés au grand jour.

En effet, l’on apprend que le président algérien Abdelmajid Tebboune, en visite d’État en Tunisie cette semaine, n’y est pas allé les mains vides puisqu’il a accordé à la Tunisie un prêt de 300 millions de dollars. Sauf que cette opération est à la fois opaque et quasi-secrète ! Ainsi, ce prêt n’a été annoncé ni avant ni pendant ni après la visite de Tebboune. Seule une ligne dans le bulletin officiel de la Tunisie du 6 décembre 2021 a dévoilé l’existence ce prêt ratifié le 13 décembre 2021, mais accordé en septembre, avant le vote du conseil de sécurité. Aucune information officielle sur les modalités du prêt (durée, taux, modalité de remboursement …etc) n’a été publiée.

Or, il s’agit d’un deal entre les deux parties dans lequel chacune trouve son compte mais avec des dommages collatéraux qui ne passeront pas inaperçus.

En effet, le pouvoir algérien, dans son obsession d’isoler le Maroc à n’importe quel prix, essaye d’entrainer la Tunisie de Kaïs Saïed dans son sillage profitant des difficultés internes de ce dernier. Quant à Saïed, qui veut museler son pouvoir, cherche désespérément une bouffée d’oxygène qui éviterait à l’économie tunisienne une inévitable asphyxie et surtout épargner à sa feuille de route l’impact d’une éventuelle levée de boucliers sociale.

Afin de bien cerner la teneur de ce deal, il faut rappeler que ce n’est pas la première fois que l’Algérie vole au secours de la Tunisie. Ainsi, sous Bouteflika, Alger avait mis à la disposition de Tunis, en 2011, la somme de 100 millions de dollars sous forme de dépôt de garantie permettant à la Tunisie de lever des fonds sur les marchés financiers internationaux au lendemain de la révolution du jasmin et ses répercussions économiques.

En 2014, Alger mise une rallonge de 50 millions de dollars et en 2020, à échéance de cette ligne de garantie, la Tunisie ne pouvant pas rétrocéder les 100 millions de dollars (acquis  en 2011) demande une reconduction que Tebboune s’est empressé d’accepter pour soulager une Tunisie surendettée à hauteur de 41 milliards de dollars soit 110% du PIB !

La Tunisie est donc entre le marteau des institutions financières et l’enclume du pouvoir algérien, et sa situation financière s’est détériorée.

Elle est d’ailleurs en quête de 4 milliards de dollars pour boucler son budget 2022 et tout plaide à croire que dès l’année prochaine, Tunis pourrait être en défaut de paiement. C’est dans ce contexte de crise économique et de tension financière que Tunis se voit otage du pouvoir algérien pour plusieurs années encore, tant que les dépôts de garantie, à hauteur de 150 millions de dollars, ne sont pas encore rétrocédés, et que le prêt de 300 millions de dollars n’est pas totalement remboursés.

Étant donné que les études du FMI, sur les perspectives de l’économie tunisienne, ne sont pas rassurantes, il est quasi-certain que Tunis ne sera pas en mesure d’honorer ses engagements envers Alger et perdrait sa souveraineté financière vis-à-vis de l’Algérie comme envers les institutions internationales.

Il ne serait donc nullement une surprise, si la posture de la Tunisie envers le Maroc se durcit à l’avenir et si le pays du jasmin se rallie aux thèses fallacieuses de l’Algérie. L’année 2022 sera cruciale pour Tunis notamment en cas d’octroi d’un prêt de 4,1 milliards de dollars par  des institutions internationales. Le FMI suit ce cas à la loupe, et l’avenir nous en dira davantage.

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