Ahmed Faouzi

Ancien ambassadeur. Chercheur en relations internationales.

Le port Tanger-Med, sur le Détroit de Gibraltar.

Diplomatie économique : L’éloge de l’offensive

Le 19 juin 2021 à 9h18

Modifié 19 juin 2021 à 9h18

LA crise du Covid a créé un monde nouveau où tout change. La diplomatie économique assumera un rôle plus important que par le passé. Une analyse de Ahmed Faouzi, ancien ambassadeur et chercheur en relations internationales.

L’économie mondiale post Covid entrera dans une nouvelle ère de restructuration généralisée où la diplomatie économique jouera, plus que par le passé, un rôle déterminant pour renforcer certaines alliances et réadapter les stratégies. Durant cette période de crise, toutes les économies ont subi les effets de la pandémie : augmentation des dettes, réduction des exportations et des importations, tentatives de produire sur place pour réduire les délais de livraison, réorientation des investissements vers des secteurs essentiels et plus rentables etc.

Les entrepreneurs ont appris, durant cette crise, à mieux gérer leurs entreprises face aux pénuries et aux nouvelles réalités des marchés. Les relations avec la clientèle, surtout étrangère a, elle aussi, subi des transformations, et glissé vers une gestion à distance, dont notamment le développement des webinaires et les contacts instantanés inimaginables il y a quelques années. L’information économique instantanée est désormais à la portée de tous à travers les moyens de communication moderne.

La diplomatie, autrefois épaulée par la puissance militaire et des systèmes d’alliances pour acquérir des marchés, a perdu aujourd’hui de sa verve. L’usage de la force militaire n’est plus d’actualité en raison, entre autres, de la dissuasion nucléaire. Les sanctions économiques, en diplomatie internationale, semblent plus efficaces et opérantes qu’une guerre directe dont les conséquences désastreuses peuvent avoir des effets néfastes à long terme sur la paix mondiale.

Limiter la diplomatie moderne au seul domaine politique est devenu vain, tant la puissance n’est opérationnelle que si elle est intrinsèquement liée à une stratégie économique efficace. Celle-ci accompagne donc la diplomatie et lui permet ainsi d’atteindre ses buts. C’est ce que le Maroc a compris, et réussi à mettre en œuvre, en Afrique. La diplomatie économique est devenue une conquête et les termes guerriers, jadis utilisés pour décrire les relations entre pays, ont glissé, subrepticement, vers le langage de la diplomatie économique.

C’est ainsi qu’on évoque aisément, à travers un langage guerrier, la conquête de marché, l’offensive commerciale, ou tout simplement la guerre économique. Longtemps fascinée par l’économie, la diplomatie politique reprend elle aussi, le vocabulaire des hommes d’affaires. Chaque initiative politique devient un investissement, chaque aboutissement d’une action est un retour sur investissement, et chaque partenaire est avant tout un bon client.

L’importance de l’économique dans la diplomatie n’enlève rien à l’utilité de la diplomatie politique. Sans elle, l’économique ne peut s’épanouir. La coopération politique internationale, le maintien de la paix, l’entente entre les peuples, les échanges culturels, ne peuvent que conforter l’épanouissement des échanges économiques. Cependant, les diplomaties politique et économique obéissent à des rythmes et approches différents. Quand la diplomatie politique nécessite un travail feutré, basé sur la discrétion, la patience et la confidentialité, la diplomatie économique cherche, quant à elle, à communiquer agressivement et tous azimuts pour arracher des parts de marché, s’accaparer des gains, et défendre tout simplement ses intérêts.

En admettant l’importance de l’économique en diplomatie, les États se sont aperçus que, pour une meilleure efficacité, les hommes d’affaires, les banquiers, les industriels et autres experts, doivent se joindre à l’effort collectif pour mieux représenter et défendre les intérêts du pays à l’étranger. L’expansion économique a eu donc raison de la diplomatie classique qui a cédé une partie de ses attributs au monde des affaires. Ce n’est qu’à travers ces professionnels que le pays est à même de renforcer sa présence économique à l’international.

Tout en étant d’un apport substantiel, la diplomatie économique s’inscrit par conséquent dans un spectre plus large des prérogatives régaliennes d’un gouvernement. Celui-ci doit veiller aux intérêts stratégiques de l’État dans les domaines politique, économique, culturel et militaire, éléments constitutifs de sa puissance.  C’est l’harmonisation de tous ces éléments, y compris dans le domaine des affaires, qui permettent à un gouvernement d’assurer sa présence et d’être écouté sur la scène internationale.

Dans ce nouveau monde, la diplomatie économique, autrefois bilatérale basée sur le négoce, a laissé place à une économie multilatérale et globalisée. Les objectifs qui s’exprimaient en termes commerciaux, d’ouverture de marchés et sécurité des moyens de communication terrestre et maritime, ont été remplacés par des accords multilatéraux, sous l’égide d’organisations internationales comme l’OMC ou le FMI, dont l’objectif principal est de réguler au mieux l’économie mondiale.

Dans ce monde de plus en plus interdépendant, le face à face bilatéral classique n’est plus le seul à encadrer les échanges. Les pays ont désormais affaire à des marchés plus larges comme ceux de l’union européenne ou de l’Asean. Les affaires les plus importantes se traitent donc à plusieurs, dans un cadre multilatéral, où seul l’État, en concertation avec son patronat, est habilité à prendre les décisions qui conviennent le mieux.

La puissance des marchés s’impose donc à la diplomatie comme une donnée incontournable et autonome. Les grandes entreprises et la finance, sont devenues parties prenantes et acteurs de la diplomatie économique mondiale. De plus en plus sollicitée, la diplomatie économique tend à impliquer davantage les entrepreneurs à la prise de décisions pour arrimer l’économie nationale au reste du monde. Cette synergie est nécessaire pour harmoniser les lois aux fins de favoriser les exportations et encourager les investissements.

L’objectif primordial de la diplomatie économique moderne est de préparer les marchés extérieurs aux hommes d’affaires et aux entrepreneurs en leur fournissant des informations rapides et fiables. Les ambassades comme les consulats sont les acteurs sur le terrain quotidiennement et peuvent leur communiquer les opportunités dont ils disposent. L’entrepreneur est avide de recevoir ces éclairages pour ajuster sa stratégie.

Les entrepreneurs reprochent souvent le manque d’informations opérationnelles sur les marchés extérieurs et la retenue des rapports économiques utiles pour leur expansion à l’étranger dans les méandres de l’administration. Quand on sait que le temps est précieux pour déjouer la concurrence et déclencher une opération commerciale, on imagine facilement les opportunités économiques qui échappent au pays, faute d’une communication fluide et instantanée.

C’est pour cette raison que face au monde nouveau qui s’annonce, où la concurrence économique sera encore plus rude, qu’il faudrait se montrer conquérant pour mieux appréhender les marchés étrangers qui nous intéressent, pour y exporter, créer des partenariats, ou promouvoir l’investissement. Les marchés nord-américains européens ou asiatique présentent des atouts majeurs et indéniables dans cette stratégie. Mais les opportunités que recèle le continent africain demeurent, sans commune mesure, le moteur de la croissance mondiale future. Bien saisies, on creusera à coup sûr l’écart avec les pays concurrents.

La réussite de notre stratégie d’expansion sera désormais basée sur un seul leitmotiv :  communication et célérité. À l’étranger, renforcer notre communication avec les centrales d’achat, donneurs d’ordre, patronats, tout en participant aux foires et salons spécialisés pour communiquer et placer nos produits devient l’atout premier. De même, suivre les mouvements d’investissements pour les attirer vers le Maroc, est l’autre combat qu’il faudrait mener et gagner. À l’échelle nationale, cette même logique devrait prévaloir. Il faudrait que le fruit du travail mené à l’extérieur puisse se trouver rapidement et chaque jour dans la war-room de nos entrepreneurs pour les aider à ajuster leurs démarches dans notre conquête des autres marchés.

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